Cécile Paris, Conduire, danser et filmer
Passerelle, centre d’art contemporain, Brest, du 6 juin au 29 août 2015
« Conduire, danser et filmer », trois verbes intransitifs, sans finalité ni objet. C’est qu’il s’agit avant tout de se mouvoir, d’être mu et porté par un élan, qu’il mène ici ou ailleurs, sinon nulle part. Autant d’impulsions, mi tragiques-mi comiques, dont les vidéos, objets et collages de Cécile Paris sont les témoins, fragments d’histoires passées et embrayeurs de récits potentiels.
Fidèle à son vocabulaire issu de l’univers populaire des boîtes de nuit et des voyages automobiles, l’artiste a conçu son exposition à Passerelle comme un environnement immersif ouvert à toutes sortes de fictions. Un long rideau (anti-mouches) en marque le seuil, évoquant aussi bien celui d’une scène de théâtre que celui d’une caravane. À l’arrière dialoguent une piste de dance affichant des traces de pas endiablés, une boule à facettes sur un tourne disque projetant ses lumières alentour, des sortes de vinyles en papier parsemés de paillettes, de confettis et de cotillons. Une musique douce-amère et ouatée baigne le tout. Elle provient d’une double projection murale (Double V, 2015) : d’un côté, un garçon rattrape in extremis un train circulant dans un paysage enneigé, de l’autre, un jeune homme aux allures de James Dean est au volant d’une voiture de sport juchée sur le toit d’un garage. Les deux acteurs semblent être en attente l’un de l’autre, comme s’ils jouaient l’histoire à la fois triste et burlesque d’un rendez-vous manqué.
Tels des sculptures minimalistes placées deci delà dans l’espace, des socles en métal rouge de différentes tailles présentent sur leur face supérieure des collages inattendus. Soit une collection de photos de voitures et de camions plus ou moins bigarrés, avec sans doute beaucoup de kilomètres au compteur, sur lesquelles l’artiste a collé des plumes colorées à l’aide de gommettes. Associations du lourd et du léger, du roulant et du volant, ces collages sont autant d’invitations à partir à l’aventure, sans but mais avec enthousiasme.
Un lyrisme légèrement comique pointe également avec deux autres vidéos ici présentées : Entournée (2003) et Vision Vesoul (2014). De part et d’autre, des travellings latéraux et circulaires accompagnent des actions pleines d’un élan un peu vain, soit un solo (sans public) de guitare sur un rond-point en zone périurbaine, une danse d’« Indiens » sur fond de musique guillerette ou encore un lancé de boule de bowling au milieu d’une pelouse.
Peintes au mur sur un fond bleu électrique et sérigraphiées sur des affiches noires parsemées de confettis fluorescents, les paroles de David Bowie résonnent avec cette esthétique mélancolique et enjouée du geste dérisoire à l’heure de fin de partie : conduire, danser et filmer, « Avant que ta grâce ne retombe », « De peur qu’il n’y ait que cette nuit ». Terminée, la fête ne demande qu’à être relancée.
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- Du même auteur : En suspens, Aernout Milk au Jeu de Paume, Pergola au Palais de Tokyo, Seconde main au Musée d'art moderne, Elaine Sturtevant au Musée d'Art Moderne, Esther Shalev-Gerz au Jeu de Paume,
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