Davide Balula
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Cet homme pourrait prendre comme motif héraldique sa plante fétiche qui émaille nombre de ses installations, l’ortie. Cette délicieuse urticante déploie avec un sens du répondant ultra sensible un mélange de technicité et d’archaïsme – de ses aiguillons en silice à la banalité de ces terrains de prédilections -, qualités qu’elle partage avec son jardinier, Davide Balula. Pour sa première exposition monographique de grande ampleur, le tout jeune trentenaire a envahi toutes les salles du Confort moderne d’une atmosphère glacée et maîtrisée, étrangement physiologique. Des pièces ultra simples et efficaces comme Grippe, tunnel d’amplitude thermique ou Static Power Series, caisse de transport en sommeil paradoxal, s’articulent à des dispositifs plus complexes pour mieux rappeler que le système de Balula est basé sur une concordance des temps machiavélique, d’une maestria qui accorde la science de la conjugaison à sa syntaxe impeccable. Dans son esthétique noir et blanc, nourrie de pieds de micro, de jeux d’éclairage et d’affaires sonores, profondément sensibilisée par une dimension pathogène insidieuse mais tenace, la visite joue de glissements de terrains et de temporalités. Certaines sculptures s’épanouissent au passé simple, représentations poétiques d’un événement révolu comme les trois nouvelles flaques de verre ou un néon dessinant délicatement le trajet de l’air dans une trompette, parabole terriblement juste de ce qui attend le visiteur. Avec Poussière, toute dernière œuvre au terme du parcours et épilogue fragile, Balula compose au passé composé un mur de poussière, archive concrète et patiente de son exposition. Ce temps hante aussi la pièce maîtresse du dispositif poitevin, Can’t remember the speed of the blast (2006-2008), aujourd’hui résidu d’une performance inaugurale qui a déclenché 20 000 pétards simultanément. Jouant avec précision sur la préparation, l’action et son résidu, Davide Balula n’écrit la phrase habituelle du temps post-événementiel. De la salle jonchée d’enveloppes rouges épuisées s’échappe désormais un acouphène de synthèse. Rappel du danger bien réel pour les témoins de la scène qui auraient échappé à leur protection auditive, jolie manière de ne pas enjoliver à vide la frustration des absents. Cette infirmité physiologique pénétrante déploie la même capacité d’anticipation, la crainte qui émaille de subjonctif une grippe ou une morsure d’ortie. L’art de Davide Balula excelle avec douceur à ne jamais démontrer. Nourri de science, de musique, de son, de technicité, son travail conserve son équilibre en dehors du didactisme et de la course à la référence qui empoisonne nombre de ses confrères. Les états contradictoires dans lesquels plonge l’exposition Le Lac, Le Mensonge sont à l’image d’une de ses plus belles productions, Follow Venice. La sculpture de lamelles de miroir, réfractaire au plaisir narcissique et véritable destructrice d’espaces, incarne à merveille son futur antérieur rationnel et superstitieux.
Par Bénédicte Ramade
Davide Balula, Le Lac, Le Mensonge, au Confort Moderne, Poitiers, du 16 mai au 31 août 2008
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- Du même auteur : Forensics: The Anatomy of Crime / Images à charge…, Jean-François Chevrier, Formes biographiques, Winipeg, super nodale, Vancouver, the new Mecca ?, Fabricateurs d'espace à l'IAC,
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