A Different Way to Move. Minimalismes, New York, 1960-1980
Carré d’art – Musée d’art contemporain de Nîmes, 7.04—17.09.2017
Conçue dans le cadre des 40 ans du Centre Pompidou célébrés cette année, l’exposition « A Different Way to Move, Minimalismes, New York, 1960-1980 » obéit manifestement à un double cahier des charges impliqué par l’événement. En 1977, l’ouverture de l’établissement, avec en son sein le Musée national d’art moderne, suscitait la rencontre du grand public avec l’histoire de l’art du XXe siècle. Dans cet esprit, Marcella Lista, conservatrice au Centre Pompidou et commissaire invitée au Carré d’art de Nîmes pour l’occasion, propose des œuvres — sculptures, films, photos — à même d’interpeller les visiteurs novices, tout en offrant une relecture ambitieuse de l’histoire de l’art minimal. En effet, on découvrira au fil de l’exposition l’effervescence artistique de la scène new-yorkaise durant deux folles décennies. Mais surtout, on comprendra vite que l’accrochage valorise de nouvelles figures par rapport à celles qui font habituellement référence en la matière : ici les fondamentaux du minimalisme viendront de la danse telle qu’elle a été réinventée par les chorégraphes et danseurs de la Judson Church à Greenwich Village[1].
Dans la première salle, quiconque connaît même superficiellement l’art minimal, ne peut qu’être surpris par l’absence d’œuvres du trio star du mouvement, Donald Judd, Dan Flavin et Carl André, et tout particulièrement Donald Judd dont le texte-manifeste Specific objects de 1965 est considéré comme la quintessence théorique du minimalisme. Au travail de ces trois artistes, Marcella Lista substitue pour commencer celui de la chorégraphe Simone Forti, diffusé auprès des plasticiens par son mari et collaborateur au début des années soixante, Robert Morris. Sont présentés des dispositifs tels qu’une structure en contreplaqué ou des cordes suspendues, créés pour être utilisés par les danseurs en tant qu’accessoires. Dans l’exposition, ils deviennent des sculptures qui invitent le spectateur à se mouvoir autour, suggérant qu’ils sont à l’origine d’une caractéristique majeure de l’art minimal : impliquer une relation spatiale dynamique aux objets. Plus encore, quelques documents en vitrine évoquent la manière dont Simone Forti réduit ses chorégraphies à l’exécution de gestes élémentaires, notamment inspirés par les animaux qu’elle allait observer au zoo de New York. Là encore, elle initie une règle essentielle au minimalisme : se limiter à des éléments simples qui se suffisent à eux-mêmes. Deux œuvres de Robert Morris viennent compléter la démonstration, deux boîtes de 1961, l’une pour se tenir debout, l’autre contenant le son de sa propre réalisation. Nouveau rapport spatial à l’œuvre et geste élémentaire, le minimalisme est déjà là.
À l’autre bout de l’exposition, la dernière salle présente une deuxième étroite collaboration entre une chorégraphe et un artiste, Lucinda Childs et Sol LeWitt. Là, l’espace central est occupé par une structure tubulaire carrée de 1966 derrière laquelle il faut se placer pour voir la projection au mur du solo Katema de 1978. Dans la tête du spectateur, les deux œuvres se superposent, le conduisant à imaginer Lucinda Childs danser sur la sculpture. Illusion d’optique révélatrice, elle renvoie à la chorégraphie Dance de 1979 qui s’exécute sur un grand dessin au sol de l’artiste. Cette pièce est évoquée dans l’exposition par d’étonnants documents préparatoires, en particulier des dessins et collages réalisés à quatre mains. Dans leur collaboration, la répétition de motifs appliquée chez l’une aux mouvements, chez l’autre aux formes, se rejoint.
Entre ces deux moments forts sur les échanges entre chorégraphes et artistes, l’exposition fait encore découvrir le fruit d’autres collaborations, plus ponctuelles mais tout aussi intéressantes, telles que la pièce intitulée Carriage Discreteness. Créée en 1966 par Yvonne Rainer, autre grande figure de la Judson Church à qui l’exposition emprunte son titre, elle consiste à faire transporter aux danseurs des objets confectionnés par le sculpteur Carl André. Ailleurs, ce sont des artistes a priori loin de l’art minimal qui tout à coup se révèlent en être familiers. Ainsi dans la célèbre performance filmée de Bruce Nauman Walking in an Exaggerated Manner Around the Perimeter of a Square de 1967, le cadre carré tracé au sol saute aux yeux et plaide en faveur du parti pris de l’exposition. Nauman apparaît comme le parfait héritier des danseurs de la Judson Church et des artistes de l’art minimal.
Toutefois, l’histoire croisée de la danse et l’art minimal est moins probante concernant d’autres artistes et non des moindres. Pour en revenir à Donald Judd et Dan Flavin, ils figurent bien dans l’exposition, le premier notamment avec un Stack, pièce générique qu’il réalise à partir de 1965 et qui consiste en la superposition verticale d’éléments muraux, le second avec l’un des assemblages de néons blancs en hommage à l’architecte constructiviste russe Vladimir Tatline. Mais chez ces deux artistes, le minimalisme reste plus lié à la fabrication industrielle, au design et surtout à l’architecture, qu’à la danse.
[1] Sur le groupe de la Judson Church, représentant de la Postmodern dance, voir la traduction française de l’ouvrage de Sally Barnes, Terpsichore en baskets, Paris, éditions Chiron, 2002.
(Image en une : Peter Moore, Simone Forti, Huddle, 1969.)
- Publié dans le numéro : 82
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- Du même auteur : Anna Solal au Frac Occitanie Montpellier, Gontierama à Château-Gontier, Alias au M Museum, Leuven, mountaincutters à La Chaufferie - galerie de la HEAR, Lacan, l’exposition au Centre Pompidou Metz,
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