La même chose mais autrement
Ils ont tous les deux réalisées des « peintures emmurées » (1) : de l’acrylique bleue prise en sandwich entre deux plaques de contreplaqué posées au sol pour Miquel Mont (Marina, 1994) ; du mortier coloré de pigment rose et de paillettaes pris entre des parpaings pour Morgane Tschiember (Sans Titre, 2007). On n’est donc pas surpris de retrouver ces deux artistes dans une exposition de la Villa du Parc d’Annemasse où il est question d’étendre le domaine de la peinture. Chez Morgane Tschiember, cela donne lieu à un volume en forme d’étoile accroché au mur et couvert d’une laque de couleur cerise comme s’il s’agissait d’un gâteau (les côtés peints en strates colorées renforcent cette impression pâtissière). Cet objet-tableau réfléchissant, issu de la série des Pop Up, est doté d’un tel pouvoir d’attraction qu’il exclut son environnement immédiat. Il est présenté à côté d’un collage mural de Miquel Mont qui, au contraire, se fond dans son milieu.
Puis les deux artistes explorent chacun à leur manière l’évolution de la peinture vers le décor. Dans Le Marché des visibilités de Miquel Mont, elle est réduite à une alternance de bandes bleues et vertes, couvrant les murs d’une salle qui sert d’espace de présentation à deux étagères métalliques. Cette installation résonne comme une critique du devenir marchandise de la peinture, réduite à ne plus être qu’un environnement bien conçu. Quant à Morgane Tschiember, elle a conçu une œuvre murale adaptée à l’architecture d’un couloir et d’une petite salle. Débutant comme un tartan écossais avant de se dissoudre en bulles gazeuses, cette peinture abstraite, intitulée Habitation, procure un sentiment de vitesse. Sa dimension décorative, dans la continuité d’une certaine peinture géométrique désublimée, est parfaitement assumée par l’artiste. Habitation fait écho à un ensemble de sept vidéos de Gerwald Rockenschaub montrées dans l’exposition, sortes de peintures abstraites en mouvement dans lesquelles des aplats de couleur carrés ou ronds se déplacent en évoquant curieusement des formes figuratives (un piston, un embouteillage…).
À l’étage, Miquel Mont en revient à la physicalité de la peinture qu’il fait couler à travers des tubes de plexiglas. Les Portraits ou Autoportraits qui en résultent (selon que les tubes sont découpés selon sa propre taille ou selon celle d’autres personnes) sont les traces d’une expérience dans laquelle la peinture n’est plus qu’un liquide coloré dont l’artiste provoque le flux. Avec la série Iron Maiden dont un exemplaire est présenté ici, Morgane Tschiember déploie la couleur en volume sous la forme de feuilles de métal laquées au fini parfait, qui s’enroulent sur elles-mêmes. Pareillement, les deux éléments de Home Run sont des feuilles d’aluminium striées de bandes roses ou noires qui, une fois fixées au mur, se transforment en sculpture – rappelant les portes du Rorschach Saloon de François Curlet.
Pierre Tillet
(1) Titre d’une série d’œuvres de Miquel Mont.
La même chose mais autrement avec Miquel Mont, Gerwald Rockenschaub, Morgane Tschiember à la Villa du Parc, Annemasse, du 25 avril au 21 juin 2008.
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- Du même auteur : Die Welt als Labyrinth, Projections au Carré d'art de Nimes, Pierre Malphettes au Frac de Marseille, Faites vos je à Sextant, Ne pas jouer avec des choses mortes,
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