GESTE Paris
UtOpium, GESTE Paris
2 novembre — 21 décembre 2024
Naomi B. Cook, Nikhil Chopra+Shivani Gupta, Kwama Frigaux, Jason Gardner, Jorge Rosano Gamboa, Ntshepe Tsekere Bopape(Mo Laudi), Hetain Patel, Daphane Park, Antoine Ribaut + Betsy Green, Valery Schatz, Jura Shust, Fiona Valentine Thomann. GESTE Collection artists: Kwoma Kollective, Celine Excoffon, Mark Geffriaud, Tua Aiari Kari, Man Ray, Zieromuko
Commissariat : Shin-Dõ
Le début du mois de novembre marque chaque année l’ouverture d’une nouvelle exposition par Geste. Fondé en 2016 par l’artiste Shiva Lynn Burgos, Geste s’est depuis poursuivi comme une exposition annuelle autour d’un thème central, coïncidant avec Paris Photo et le Mois de la Photo. Le nom même de « Geste » s’inspire du concept du geste photographique de Vilém Flusser, qui explore l’interaction complexe entre le photographe, l’appareil photo et l’image produite, chaque élément étant lié par ses propres intentions et contraintes.
En quelque sorte, l’exposition Geste est également une interaction – cette fois entre les artistes participants, les commissaires, les thèmes et, bien sûr, l’espace lui-même. Dans l’intimité de l’appartement de Burgos, elle réinvente habilement l’esprit intellectuel et artistique du Salon, si familier et cher au public parisien. En plus de la présentation des œuvres, Geste organise une série de conférences, réunissant collectionneurs, amateurs de photographie et universitaires.
Le thème de cette année, UtOpium, fusionne astucieusement les mots « Utopie » et « Opium ». Dans le contexte actuel de développement technologique, on ne peut s’empêcher de ressentir l’ivresse du progrès. De plus en plus de données sont produites en quantités colossales, comme pour combler un vide croissant né de l’expansion numérique incessante. Certaines œuvres abordent directement cette métaphore, comme la série Blisterpack de Kwama Frigaux, qui présente des tapisseries tissées à partir d’emballages de médicaments jetés. De même, Not Just Only Fans de Naomi B. Cook fait allusion à l’omniprésence des données dans notre quotidien : sa lampe vacillante suit le rythme d’un « acte charnel » de sept minutes, soulignant notre recherche addictive d’intimité.
D’autres œuvres choisissent de se tourner vers l’intérieur et de puiser dans des savoirs ancestraux plutôt que de regarder vers l’avenir. La vidéo Neophyte III : On the Eve of the Shortest Night de Jura Shust explore la relation entre rituel et évasion, en se plongeant dans les traditions magiques du solstice d’été slave. Jason Gardner présente une série cohérente d’œuvres explorant les masques rituels traditionnels de Grèce et du Portugal, utilisés lors des processions de carnaval. Sikuamecha de Jorge Rosano Gamboa est une œuvre énergique, née de l’appropriation créative de masques abandonnés trouvés dans des ateliers du Michoacán ; l’artiste transforme ces masques, censés symboliser des métamorphes, en de nouvelles formes symboliques.
Enfin, deux séries complémentaires mettent en scène la lumière. La photographe Betsy Green et l’astronome Antoine Ribaud capturent un moment rare d’harmonie cosmique – une éclipse solaire – en associant un appareil photo à plaques du XIXe siècle à un télescope du XXIe siècle. Shiva Lynn Burgos, quant à elle, ne capture pas l’instant où le soleil est couvert, mais plutôt l’instant fugace où les rayons du soleil percent par une petite ouverture dans la grotte de l’Ermitage de Saint-François d’Assise, créant un moment d’illumination divine.
Ces œuvres, comme bien d’autres dans UtOpium, offrent un espace riche de projection et de perception entre les spectateurs et les créations, reflétant un dialogue sur l’évolution de notre relation avec la technologie, la tradition et notre quête de sens. En fin de compte, UtOpium incarne un désir insatiable d’espoir : l’espoir d’un avenir où ces éléments pourraient coexister en harmonie.
Head image : Vue d’exposition / Exhibition view, Geste, UtOpium 2024.
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