Bernard Blistène
Bernard Blistène est Directeur du Département du développement culturel du Centre Pompidou et Directeur artistique du Nouveau festival dont la 5e édition ouvrira le 19 février 2014, mais il a surtout longtemps été le directeur des musées de Marseille dans les années quatrevingt- dix. Arpenteur infatigable des rues marseillaises, il a été à l’origine de la création du MAC – le musée d’art contemporain de la rue de Haïfa – et il a également mis en place un nombre impressionnant d’expositions, soit directement, soit avec la complicité de directeurs successifs dont le talent s’est épanoui au sein de la cité phocéenne, comme Corinne Diserens ou Philippe Vergne, faisant ainsi mentir la rumeur selon laquelle Marseille est une ville compliquée pour l’art contemporain. Il revient dans ces pages sur une expérience foisonnante en essayant d’analyser les raisons (historiques) des difficultés de la ville tout en pointant ses nombreux atouts.
Patrice Joly : À quelle époque étiez-vous en poste à Marseille et quelle situation y occupiez-vous ?
Bernard Blistène : J’ai été nommé à Marseille en 1990 grâce à Robert Vigouroux, maire de Marseille à cette époque, et à Jacques Sallois, directeur des musées de France au même moment ; j’y suis resté entre six et sept ans ce qui correspondait à deux mandats de trois ans et un peu plus et j’y étais directeur des musées. Je succédais à Germain Viatte et je me retrouvais à devoir coordonner l’action de l’ensemble des établissements sans savoir d’ailleurs que j’aurais la chance de pouvoir en créer plusieurs au fil de ces six années !
La scène art contemporain y était-elle active alors ?
B.B : Je connaissais très mal Marseille. Lorsque j’étais enfant et qu’avec mes parents, nous partions sur la Côte d’Azur où nous avions une maison, mon père ne s’arrêtait pas à Marseille — probablement pour des souvenirs personnels puisqu’il y avait été caché pendant la guerre — il ne tenait certainement pas à se remémorer cela. Moi-même, je n’y étais allé que très peu et je n’avais pas une véritable connaissance de ce qui s’y était passé. L’art contemporain en région pour moi à cette époque, outre les Fracs et le rôle qu’ils jouaient, c’était peut-être davantage Saint-Étienne et Grenoble, bien qu’il y ait eu une exposition très intéressante au Centre Pompidou qui s’était appelée « 3 villes, 3 collections » [1] et qui m’avait permis de découvrir le travail extraordinaire que Marielle Latour avait fait en tant que conservatrice en chef du musée Cantini. C’est plus tard, en faisant le tour des musées français lorsque je préparais le concours, que j’ai découvert la collection du musée Cantini qui était tout à fait étonnante car elle avait été faite « en temps réel » et qu’au fil de toutes les années que Marielle Latour avait passées dans ce musée, elle avait pris la peine, avec les moyens qui étaient les siens, de constituer une collection représentative de l’art moderne mais aussi de l’art contemporain de son temps.
Quelles actions avez-vous menées en direction de l’art contemporain et au-delà, dans le cadre de vos attributions, dans le « chaudron » marseillais ?
B.B : Quand je suis arrivé à Marseille, j’ai compris que la règle du jeu était tout autre que celle que j’avais pu connaître jusqu’alors comme jeune conservateur au Centre Pompidou. Il y avait des codes que je ne connaissais pas mais j’y avais quelques amitiés profondes à commencer par Véronique et Gérard Traquandi — à qui je dois d’avoir pris la décision d’aller là-bas — et j’y ai rencontré par la suite très vite des amis qui sont restés parmi les plus fidèles, Marc et Josée Gensollen et quelques autres qu’eux-mêmes m’ont présentés comme Hervé Lebrun ou les Le Goff dont la générosité et l’amour de leur ville m’ont été précieux pour la comprendre et m’y investir passionnément. Lorsqu’on se retrouve dans une telle situation — j’ai alors trente-quatre ans — on se retrouve très vite les mains dans le cambouis et on n’a pas le temps de penser la réalité de Marseille et de son histoire : on est happé par une infinité de problèmes auxquels on essaye de répondre à travers son travail. En tout cas mon projet était clair, il s’agissait pour moi de contribuer, à la mesure de mes moyens, à faire vivre ces musées à l’unisson et donc de ne pas privilégier un domaine plutôt qu’un autre mais de trouver un juste équilibre entre chacun des établissements. Mon deuxième projet était de tenter d’inscrire Marseille dans différents débats propres à l’art contemporain de cette époque, il y a de cela plus de vingt ans. De ce point de vue, Marseille avait quelques artistes emblématiques : je songe entre autres au rôle qu’un Richard Baquié occupait, je songe aussi au rôle de tout jeunes artistes de cette époque comme Gilles Barbier, Hervé Paraponaris ou Yannick Gonzales. J’ai essayé de penser le travail que je voulais faire en matière d’art moderne et contemporain à partir même de ce lieu. J’ai organisé des expositions de jeunes artistes, j’ai essayé de trouver aussi des liens entre passé et présent, lorsque nous avons bâti des projets autour de l’Estaque, autour d’Antonin Artaud, voire autour de Jean-Michel Basquiat. Lorsque nous avons fait une rétrospective de Robert Smithson, il va sans dire qu’il y avait là des éléments qui permettaient, au-delà de Smithson, de comprendre une certaine situation. Lorsque nous avons fait la rétrospective de Gordon Matta-Clark, il va sans dire qu’il y avait dans le rapport de Matta-Clark à l’architecture, à la ruine, à la déconstruction même de la ruine, des éléments qui nous semblaient trouver un écho dans la ville même de Marseille. Donc Marseille n’est jamais sortie de mon horizon : si je ne me la rappelais pas, elle se rappelait à moi, les Marseillais ont une histoire que j’avais découverte à travers la belle exposition « La Planète affolée » qui montrait combien cette ville avait été en partie malgré elle un lieu de débats, de croisements, de mille et une questions au moment de la deuxième guerre mondiale. J’avais rencontré de nombreuses personnes dont le merveilleux et sceptique André Dimanche, qui m’avait fait découvrir entre autres le rôle de l’éditeur Jean Ballard et des Cahiers du Sud et j’avais aussi rencontré différents acteurs de la ville, artistes, intellectuels, les gens de l’université, les Roger Pailhas, les Émile Temime, les Marcel Roncayolo, les Philippe Joutard et autres qui me permettaient de comprendre ce qu’était Marseille dans les années quatre-vingt dix, à l’aune de son histoire. À cette époque, Marseille était encore une ville à rebâtir. Le maire et son adjoint Christian Poitevin ont fait tout ce qu’ils ont pu pour enclencher des choses qui se sont réalisées par la suite et qui se réalisent aujourd’hui de manière encore plus emblématique à travers Marseille capitale européenne de la culture. Lorsque j’arpentais le Panier avec César, à qui j’ai consacré une rétrospective, il m’a raconté qu’il retrouvait encore des traces du Marseille de l’avant-guerre qu’il avait connu et qui n’avait pas changé. Donc j’ai beaucoup appris de tous ces gens qui étaient encore là et qui pour la plupart ont disparu aujourd’hui, tout comme j’ai été très sensible à des domaines auxquels je ne connaissais rien qui étaient ces mutations de la Marseille du XIXe siècle. Je me suis alors emparé du sujet de Marseille avec certains des conservateurs de cette belle équipe, nous avons fait une énorme exposition qui s’appelait « Marseille au XIXe » [2] que Guy Cogeval a d’ailleurs reprise à Paris. Si j’étais resté, j’aurais probablement esquissé Marseille au XXe siècle mais le XIXe, c’est le temps de sa mutation, c’est une ville de la bourgeoisie riche, de la bourgeoisie commerçante – au demeurant quand on veut comprendre Marseille, on relit les pages de Dumas dans le Comte de Monte Cristo – il y avait donc quelque chose comme cela d’absolument passionnant et fascinant que je me suis fait raconter.
Y a-t-il une situation particulière à Marseille qui génère un art spécifique ?
B.B : Ma mère, qui était née en Afrique du Nord, m’avait raconté une histoire qui m’avait beaucoup touché — l’anecdote se passe avant la guerre, en 1935, encore dans une époque coloniale : jeune, elle entend cette phrase que la plupart des gens qui arrivaient d’Afrique du Nord disaient en envoyant un télex à leur famille : « suis arrivé Marseille, pars demain pour France ». Ce qui disait d’une manière absolument magnifique combien cette ville était une ville de la Méditerranée, dans la Méditerranée et quelque part dans le Maghreb. Nous avons fait la rétrospective de Moholy-Nagy parce que lorsqu’il est venu à Marseille en 1926 pour voir le pont transbordeur comme objet moderniste, il a été totalement frappé par la pauvreté de la ville et que c’est alors que la conversion du modernisme à la dimension proprement sociale de son œuvre se fait. De la même manière, quand on relit Haschich à Marseille de Walter Benjamin, on voit que le texte a été écrit dans et avec Marseille. Je ne réduis pas Marseille à la pauvreté des pêcheurs du film de Moholy-Nagy ou du texte de Benjamin, pas plus qu’au texte d’André Suarez, qui est un texte d’une violence affreuse sur la ville, mais il est clair que ces éléments, dans leur complexité, s’imposent quand on y travaille. D’autant plus qu’arpentant différents quartiers de la ville les plus disparates au volant de ma BX municipale, je mesurais le foisonnement qui s’offrait à moi. J’ai d’ailleurs demandé un film à Alain Bergala qui en est originaire, film qu’il avait réalisé dans le cadre de « Marseille au XIXe » et qui s’intitulait Marseille le temps d’un détour. Il y montrait que cette ville était une ville de courbes et d’entrelacs, une ville de trois côtés – le quatrième étant la mer – et que cette topographie même génère des situations, des comportements singuliers. Je pense que le travail qu’on a pu faire avec l’ensemble de mes équipes en a rendu compte parce qu’il laissait sentir qu’on savait d’où l’on parlait. Les échos ont été absolument formidables, tout cela résonnait du respect et de la curiosité, parfois même de la colère qu’inspire cette ville à tout un chacun. Un point important pour moi, étant adepte de la pluridisciplinarité, est que j’ai trouvé dans d’autres domaines comme la littérature – je pense à des gens comme Liliane Giraudon et Jean-Jacques Viton et à leur revue Banana Split, je pense au couvent du Refuge d’Emmanuel Ponsard et au travail que Julien Blaine y impulsait –, le cinéma avec Guédiguian, la musique avec le GRIM ou le GMEM des éléments tout à fait moteurs : nous avons fait des concerts avec IAM, avec Massilia Sound System et tant d’autres… J’ai maintes fois réquisitionné le Panier devant la Vieille Charité pour que les expositions se déploient au-delà même des espaces qui leur étaient impartis.
Ne pensez-vous pas que l’avenir de Marseille soit de se tourner vers la Méditerranée et d’être cette terre d’accueil des artistes du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient ?
B.B : Oui, Marseille doit se penser comme une ville du Sud mais cette ville du Sud est aussi le Nord d’autres villes qui sont elles-mêmes plus éloignées. J’avais une ambition pour Marseille : c’était clairement de l’inscrire dans le débat d’idées contemporain qui à cette époque se déployait à travers certains amis et acteurs avec lesquels nous avons établi des passerelles. Nous avions décidé avec Chris Dercon qui, à l’époque, était au Witte de With d’établir une collaboration continue, nous avons fait quantité de projets ensemble, des plus historiques comme Paul Thek, aux plus contemporains mais j’avais aussi trouvé l’opportunité de travailler avec Vicente Todoli et Corinne Diserens qui étaient à l’Ivam à Valence en Espagne, et c’est pourquoi j’ai trouvé juste, quittant Marseille, de passer d’ailleurs le flambeau à Corinne Diserens. Il est évident que cette question d’une ville du Sud qui n’était ni Gênes, ni Barcelone, revenait sans cesse à travers son histoire qui ressortait au propre comme au figuré (on ne bâtit rien à Marseille sans que les ruines, les fouilles, fassent réapparaître tout ce que l’on peut imaginer), à travers le problème du discours post-colonial, absolument essentiel et qui ne faisait à l’époque que balbutier, à travers le débat sur la Méditerranée qui s’est concrétisé au fil de différents colloques et qui a pris d’ailleurs une tournure formidable avec les Rencontres d’Averroès. Il ne pouvait pas y avoir de travail à Marseille qui se fasse dans l’ignorance du lieu où l’on était : les artistes qui sont venus ou que l’on a invités, on les a immergés autant que faire se peut dans la ville, en les laissant découvrir ce qu’il y avait à découvrir, car s’il y a bien des villes auxquelles les gens sont indifférents, il est clair que chacun s’invente Marseille, chacun se raconte Marseille et c’est dans ce foisonnement-là, ces contradictions-là, que je crois qu’il y avait et qu’il y a des choses passionnantes à faire.
Ne pensez-vous pas que Marseille soit malade de ses institutions même si le Frac vient de s’installer dans ses nouveaux locaux et que le Mac vient de faire une exposition des plus pertinentes ? On a le sentiment que ce sont les associations qui tirent l’activité : ce sont elles qui amènent un véritable dynamisme et une vraie visibilité. Pourquoi les institutions sont-elles à la traîne, est-ce uniquement le fait du politique ?
B.B : C’est un cliché de dire que Marseille est un phénix : on croit la ville moribonde qu’elle renaît, on croit les institutions disparaître qu’on les voit « se refaire ». J’ai été déçu que sur les bases mêmes de ce que nous avons pu construire, certains points aient été par la suite négligés voire abandonnés mais en même temps, m’y rendant la semaine dernière, j’ai quand même vu qu’on avait rénové le Palais Longchamp et réhabilité le château Borély, que la ville s’était dotée d’outils aussi extraordinaires que le Mucem et que des initiatives privées avaient permis d’y amener de grands architectes. Alors le regard est contradictoire parce qu’il y a à la fois des institutions traditionnelles, le musée Cantini, le Palais Longchamp, le Centre de la Vieille Charité et il y a des institutions que nous avions créées dans l’urgence, avec tout ce qui à mon avis est intéressant dans cette idée-là : je songe évidemment au Mac car il n’était pas question, nous n’en avions ni les moyens ni la volonté, de bâtir un énorme établissement comme on a pu en voir quantité se bâtir à ce moment-là à travers la France, mais plutôt de se doter d’un espace expérimental où l’on puisse faire des choses, car il vaut mieux un outil sobre avec ses contraintes qu’un bâtiment pompeux pour lequel on n’a pas les moyens de fabriquer les choses. Philippe Vergne l’a alors admirablement compris ! J’aimais cette dimension de bricolage et quelque part je n’avais pas de véritable souci à dire à Claes Oldenburg, lorsque nous avons fait cette merveilleuse exposition avec le Walker Art Center, ni à Malcolm Morley qu’ils mettaient les pieds dans des institutions qui n’avaient probablement pas les moyens de certaines autres. Mais là c’était une question de choix, à la fois dans la relation qu’on établissait avec les artistes mais aussi dans la relation que les artistes allaient établir avec cette ville. Alors, qu’adviendra-t-il de ces institutions ? On arrive à Marseille aujourd’hui et on voit qu’il y a eu d’énormes chantiers d’urbanisation qui ont été réalisés et qui sont en cours de réalisation. Je m’amuse de voir que Marseille est un chantier, qu’elle a en toujours été un et qu’elle en sera sans doute toujours un, mais ce chantier donne naissance à la tour de Zaha Hadid, au Mucem ou à d’autres aménagements. Ce n’est pas aujourd’hui tant dans les structures elles-mêmes que dans les moyens donnés à ces institutions de pérenniser des choses, moyens humains et moyens financiers, que la question se pose. Là, je dirai que Marseille a des atouts, Marseille a des collections magnifiques dans beaucoup de domaines : en archéologie et art premier, en arts décoratifs, en art ancien et moderne, en art contemporain et en photographie… Je pense que pour la plupart d’entre nous, le temps est venu de travailler la question même des collections, de leur fonction et de leur usage. Nous sommes tous aujourd’hui, où que nous soyons, devant une réflexion qu’il faut conduire sur notre patrimoine, sur la façon de l’utiliser, sur la manière de raconter une histoire avec lui. Parce que les gens ne viennent pas uniquement au musée pour voir des œuvres, ils viennent pour qu’on leur raconte des histoires et je crois que là il y a un vrai chantier, polyphonique, polysémique, pluridisciplinaire, qu’on peut toujours ouvrir davantage avec Marseille. Je dirais que de ce point de vue, l’exposition que j’ai vue au Mac, « Le Pont », est une exposition qui, à bien des égards, est intéressante. Thierry Ollat a saisi là un sujet qui trouve sa pleine amplitude dans Marseille. Les pièces qu’il y a rassemblées sont absolument magnifiques et la preuve est faite avec l’outil Mac que la conscience de questionner cette situation post-coloniale dans le champ même de la culture visuelle peut trouver ici une résonance tout à fait intéressante. C’est sans doute à Marseille qu’on peut éviter les écueils des discours clichés sur la mondialisation et où la reformulation nécessaire des débats actuels sur culture globale et locale peut s’exprimer de façon emblématique.
Marseille 2013, n’est-ce pas le bon moment pour installer les choses, pour renforcer la situation du Mac par exemple ?
B.B : Marseille 2013, c’est évidemment une chance considérable : c’est une manne financière, c’est une manne intellectuelle puisque les gens portent un regard sur la ville et au-delà de la ville, sur la périphérie. Marseille, c’est une ville faite de l’addition de communautés différentes, mais aussi de zones qui lui sont à la marge et qui participent de l’ensemble du projet mais il est évident qu’il ne faut pas qu’une manifestation comme celle d’une capitale européenne de la culture soit un feu de paille. Il faut que les outils trouvent ensuite les moyens de leur activité, voire de leur activisme. Lille le fait magnifiquement, ayant profité certainement de cette manne, mais en ayant su installer dans un contexte, dans une géographie, avec des intentions complètement différentes, une perspective qui en fait désormais un point de passage obligé. Soit on tirera un enseignement de Marseille 2013 et on dira qu’on installe durablement quelque chose que les artistes et les gens qui s’intéressent à l’art sont certainement désireux de voir s’installer ou alors tout cela n’aura été que la société du spectacle dans ses effets éphémères et vains et les choses s’endormiront… Je ne veux pas y penser !
- ↑ « 3 villes, 3 collections, Grenoble… Marseille… Saint-Etienne… L’Avant-Garde 1960-1976 », exposition itinérante qui alla, en 1977, du musée Cantini à Marseille en février-mars, au musée de Grenoble en avril-mai, à celui de Saint-Etienne en été et enfin au Centre Pompidou à l’automne.
- ↑ « Marseille au XIXe : Rêves et triomphes », Musées de Marseille,16 novembre 1991-15 février 1992.
Bernard Blistène in conversation with Patrice Joly
Bernard Blistène is Director of the Department of Cultural Development at the Centre Pompidou, and Director of the Nouveau Festival — the 5th festival will open on 19 February 2014 — but, more importantly, he was Director of the Museums of Marseille in the 1990s. As someone who indefatigably trod the streets of Marseille, the MAC—the Museum of Contemporary Art in Rue de Haïfa—was his brainchild, and he also organized an impressive number of exhibitions, either directly, or with the complicity of successive directors, whose talent blossomed in the Phocaean city, such as Corinne Diserens and Philippe Vergne, thus giving the lie to the rumour whereby Marseille is a complicated city for contemporary art. In these pages Bernard Blistène goes back over his busy experiences, and tries to analyze the (historical) reasons for the city’s difficulties, while pinpointing its numerous assets.
Patrice Joly : When exactly did you work in Marseille, and what position did you have?
Bernard Blistène : I was appointed to Marseille in 1990 thanks to Robert Vigouroux, then mayor of the city, and Jacques Sallois, who was director of French museums at that time. I stayed there between six and seven years, which was two three-year terms of office, plus a little bit, and I was director of the museums. I took over from Germain Viatte, and found myself having to coordinate the programme for all the city’s establishments, without knowing, incidentally, that I would have a chance to be able to create several more over those six years!
Was the contemporary art scene an active one at that time?
B.B : I didn’t know Marseille well at all. When I was a child, my parents took me to the Côte d’Azur, where they had a house, but my father never stopped in Marseille—probably because of personal memories, since he’d been hidden there during the war, and he certainly didn’t want to remember all that. I myself only went there very rarely, and I didn’t really know what had happened there. For me at that time, contemporary art in France’s regions—apart from the FRACs (Regional Contemporary Art Collections) and the role they played—was perhaps more Saint-Étienne and Grenoble, even though there’d been a very interesting show at the Centre Pompidou called “3 Cities, 3 Collections” [1], which had enabled me to discover the extraordinary work which Marielle Latour had done as head curator of the Cantini Museum. It was later on, when I went around French museums when I was preparing for the competitive curators’exam, that I discovered the Cantini Museum collection, which was quite amazing because it had been put together “in real time”, and over the years that Marielle Latour had spent at that museum, she had taken the trouble—with the means at her disposal—to form a collection that was representative of modern art, but also the contemporary art of her time.
What did you do in terms of contemporary art and beyond, within your assignment, in the Marseille “cauldron”?
B.B : When I arrived in Marseille, I realized that the rules of play were quite different from what I had known up until then as a young curator at the Centre Pompidou. There were codes that I didn’t know about, but I had some close friendships there, starting with Véronique and Gérard Traquandi—to whom I’m indebted for my decision to go to Marseille—and I subsequently very quickly met friends who have remained among my most loyal, Marc and Josée Gensollen and a few others that they introduced me to, like Hervé Lebrun and the Le Goffs, whose generosity and love for their city were invaluable for my understanding of Marseille, and my passionate involvement in the city. When you find yourself in a situation like that—I was 34—you swiftly get very involved in the job and you don’t have time to think about Marseille’s reality and its history: you’re caught by an endless host of problems which you try to respond to through your work. In any event, my project was clear: what was involved for me was to use the wherewithal at my disposal to bring life to those museums in unison, and so not favour one area more than another, but to find the right balance between each one of the establishments. My second project was to try and include Marseille in different debates about the contemporary art of that period—and we’re talking about more than twenty years ago. From that viewpoint, Marseille had a few emblematic artists: I’m thinking among others of the role played by Richard Baquié; I’m also thinking of the role of very young artists of those days like Gilles Barbier, Hervé Paraponaris and Yannick Gonzales. I tried to think of the work I wanted to do with modern and contemporary art actually based on that place. I organized exhibitions of young artists, and I also tried to find links between past and present when we constructed projects around L’Estaque, around Antonin Artaud, and even around Jean-Michel Basquiat. When we put on a retrospective of Robert Smithson’s work, it goes without saying that there were factors there which, over and above Smithson, helped to understand a certain situation. When we held the retrospective of Gordon Matta-Clark, it goes without saying that, in Matta-Clark’s relation to architecture, ruins and the actual deconstruction of ruins, there were factors which seemed to us to be echoed in the actual city of Marseille. So Marseille was also on my horizon: if I didn’t remember the city, the city made me remember it. The people of Marseille have a history which I discovered through the beautiful exhibition “La Planète affolée”, which showed the extent to which, partly despite itself, the city had been a forum for discussions, interactions, and a thousand and one issues during the Second World War. I met lots of people including the marvellous and skeptical André Dimanche, who helped me to discover, among others, the role of the publisher Jean Ballard and Les Cahiers du Sud, and I also met different figures in the city, artists, intellectuals, people from the university, like Roger Pailhas, Emile Temime, Marcel Roncayolo, Philippe Joutard, and others, who helped me to understand what Marseille was in the 1990s, in terms of its history. At that time, Marseille was a still a city to be rebuilt. The mayor and his deputy Christian Poitevin did their utmost to get things going, things which subsequently happened and are still going on to this day in an even more emblematic way through Marseille European Capital of Culture. When I walked round Le Panier neighbourhood with César, for whom I’d held a retrospective, he told me that he was still finding traces of the pre-war Marseille that he’d known, and which hadn’t changed. So I learnt a lot from all those people who were still there and who, for the most part, are no longer alive today, just as I was very aware of areas which I knew nothing about, which were those changes happening in Marseille in the 19th century. So, with some of the curators in that fine team, I grasped hold of the subject of Marseille. We put on a huge show called “Marseille in the 19th” [2], which Guy Cogeval incidentally took on up in Paris. If I’d stayed on, I would probably have sketched Marseille in the 20th century, but the 19th century was the time when it changed, it was a city with a wealthy middle class, made up of business people — what’s more, when you want to understand Marseille, you re-read what Dumas wrote about it in The Count of Monte Cristo — so there was something absolutely thrilling and fascinating that I got people to tell me about.
Is there a situation peculiar to Marseille which creates a specific art?
B.B : My mother, who was born in North Africa, told me a story that affected me a lot. It took place before the war, in 1935, still in the colonial era: as a young person, she heard that sentence uttered by most of the people arriving from North Africa when they sent a telex to their family: “Have arrived in Marseille, going to France tomorrow”. Which expressed in an absolutely magnificent way how much that city was a city of the Mediterranean, in the Mediterranean, and somewhere in the Maghreb. We organized the Moholy-Nagy retrospective because, when he went to Marseille in 1926 to see the transporter bridge as a modernist object, he was extremely struck by the poverty in the city, and it was then that his conversion took place, from modernism to the specifically social dimension of his œuvre. Similarly, when you re-read Walter Benjamin’s On Hashish (in French: Haschich à Marseille), you can see that the text was written in and with Marseille. I’m not reducing Marseille to the poverty of the fishermen in Moholy-Nagy’s film and Benjamin’s book, nor to the writing of André Suarez, in his terribly violent book about the city, but it’s evident that these factors, in their complexity, become unavoidable when you work in the city. All the more so because by criss-crossing different and highly disparate neighbourhoods in the city on my municipal Citroën BX, I could gauge the abundance before my eyes. I incidentally asked for a film to be made by Alain Bergala, who hails from Marseille, a film which he made as part of “Marseille in the 19th” that was called Marseille le temps d’un detour (A Detour in Marseille). In it he showed that this city was a city of curves and tracery, a city with three sides—the fourth being the sea—and that that very topography gives rise to situations, and particular patterns of behaviour. I think the work we managed to do with all my teams described this because it made people feel that we knew what we were talking about. The feedback was really tremendous, it all rang out with respect and curiosity, sometimes even with the anger that this city inspires in everyone. An important point for me, being keen on multi-disciplinarity, is that I found various driving forces in other areas like literature—I’m thinking of people like Liliane Giraudon and Jean-Jacques Viton and their magazine Banana Split, I’m thinking of Emmanuel Ponsard’s Couvent du Refuge and the work that Julien Blaine injected into it—, film with Guédiguian, music with GRIM and GMEM; we put on concerts with IAM, Massilia Sound Sytsem, and many more… I often roped in Le Panier in front of the Vieille Charité so that the exhibitions would develop actually beyond the venues assigned to them.
Don’t you think that Marseille’s future will be to turn towards the Mediterranean and be a land of welcome for artists from the Maghreb, and the Near and Middle East?
B.B : Yes, Marseille must think of itself as a city of the South, but this city of the South is also the North of other cities which are themselves further away. I had an aim for Marseille: it clearly involved including it in the contemporary debate over ideas which, at that time, was developing through certain friends and people with whom we’d established bridges. We decided, with Chris Dercon who, at the time, was at the Witte de With Contemporary Art Centre, in Rotterdam, to establish an ongoing collaboration; we did lots of projects together, from very historical ones like Paul Thek, to very contemporary ones, but I also had a chance to work with Vicente Todoli and Corinne Diserens, who were at the IVAM in Valencia, Spain, and this is why I found it right and proper, as I left Marseille, to incidentally pass the torch to Corinne Diserens. It’s obvious that this question of a city of the South, which was neither Genoa nor Barcelona, endlessly cropped up through its history which was pertinent, literally and figuratively (you didn’t build anything in Marseille without ruins and excavations bringing back to the surface everything you might imagine), through the issue of the post-colonial discourse, absolutely essential, which at the same time merely stammered through the debate about the Mediterranean, which became more tangible as a result of different conferences, and which, incidentally, took a wonderful turn with the Rencontres d’Averroës. There could not be any work in Marseille undertaken without knowing about the place you were in: the artists who came or were invited were immersed as much as possible in the city, by letting them discover what there was to be discovered, because there may be cities which people are indifferent to, but it’s obvious that everyone invents Marseille for themselves, everyone has their tales about Marseille, and it’s in that particular abundance and those contradictions that I think there were, and are, really exciting things to be done.
Don’t you think Marseille suffers from its institutions, even if the FRAC has just set up shop in new premises and the MAC has just held one of the most relevant of shows? One gets the feeling that it’s the associations who are running the activities: it’s they who are leading a real dynamism and a true visibility. Why are the institutions dragging their feet? Is it just a matter of politics?
B.B : It’s a cliché to say that Marseille is a phoenix: people think the city is dying, and it comes back to life; they think the institutions are disappearing and they see them getting back on their feet. I’ve been disappointed that, on the same bases that we managed to construct, some points have subsequently been neglected or even abandoned, but at the same time, when I went there last week, I nevertheless saw that they’ve renovated the Palais Longchamp and rehabilitated the Château Borély, that the city was endowed with tools as extraordinary as the MuCEM (Museum of European and Mediterranean Civilizations), and that private initiatives had made it possible to bring in great architects. So the way we see Marseille is contradictory because there are at once traditional institutions, the Cantini Museum, the Palais Longchamp, the Centre de la Vielle Charité, and there are institutions that we created in a rush, with everything that, in my view, is interesting in that particular idea: I’m obviously thinking of the MAC, because there was no question—we didn’t have either the wherewithal or the will—of building an enormous establishment, of the type being built at that time in large numbers all over France; it was rather a matter of endowing the city with an experimental venue where it would be possible to do things, because it’s better to have a simple tool with its limitations rather than a pompous building for which you don’t have the means to do things. So Philippe Vergne understood this very well indeed! I liked that DIY dimension, things being a bit cobbled together, and somewhere I was not really bothered about telling Claes Oldenburg, when we put on that wonderful show with the Walker Art Centre, and Malcolm Morley, that they were setting foot in institutions which probably didn’t have the finances of certain other ones. But that was a question of choice, both in the relation we established with the artists, but also in the relation that the artists would establish with this city. So what will happen to these institutions? You arrive in Marseille today and you see there’ve been huge urban development projects that have been undertaken, or are in the making. I like seeing Marseille as a building site, it’s always been one and it will most likely always be one in the future, but this building site gives birth to Zaha Hadid’s tower, the MuCEM and other developments. Today it’s not so much in the structures themselves as in the means given to these institutions to make things permanent, human means and financial means, that the issue is being raised. Here I’d say that Marseille has some trump cards, Marseille has magnificent collections in many areas: in archaeology and indigenous art, in decorative art, in ancient and modern art, in contemporary art and in photography… I think that for most of us the time has come to work out the actual issue of collections, their function, and their use. Today, wherever we may be, we’re all faced with a line of thinking that must be undertaken about our heritage, about ways of using it, and ways of telling a story with it. Because people don’t come to the museum solely to see works, they come to be told stories and I think this is a real project, with many voices, many meanings and many disciplines, and one that can still be opened wider with Marseille. I would say that from this viewpoint the show I saw at the MAC, “The Bridge”, is an exhibition which, in many respects, is interesting. Thierry Ollat has grasped a subject here which is given full scope in Marseille. The pieces he’s brought together are absolutely splendid and the proof is provided with the MAC tool that the awareness of questioning this post-colonial situation in the actual arena of visual culture can here find a thoroughly interesting echo. It’s probably in Marseille that it’s possible to dodge the pitfalls of hackneyed discourse about globalization, and where the necessary reformulation of current debates about global and local culture can be expressed in an emblematic way.
Isn’t Marseille 2013 a good moment to set things up, and strengthen the situation of the MAC, for example?
B.B : Marseille 2013 is obviously a considerable opportunity: it’s a financial godsend, and it’s an intellectual godsend because people are casting an eye on the city, and beyond the city, on the outskirts and suburbs. Marseille is a city made up of the sum of different communities, but also of zones that are on the sidelines and which are taking part in the project as a whole, but it’s obvious that an event like that of the European Capital of Culture must not be just a flash in the pan. It’s important for the tools to then find the means to underwrite their activities, and even their activism. Lille is doing this wonderfully, having definitely profited from its own godsend, but also having managed to set up a prospect which now makes that city a must stopover, in a context, and in a geography, with totally different intentions. Either a lesson will be learnt from Marseille 2013 and people will say that something is being lastingly installed, something which artists and people interested in art are certainly keen to see being installed, or else all this will just have been the society of the spectacle with all its fleeting and futile effects, and things will slacken right off. I don’t want to think about it!
- ↑ “3 villes, 3 collections, Grenoble… Marseille… Saint-Étienne… L’Avant-Garde 1960-1976”, a travelling show which, in 1997, went from the Cantini Museum in Marseille in February-March, to the Musée de Grenoble in April-May, to the museum in Saint-Étienne in the summer, and last of all to the Centre Pompidou in the autumn.
- ↑ « Marseille au XIXe : Rêves et triomphes », Musées de Marseille, 16 November 1991-15 February 1992.
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- Du même auteur : Interview de Gregory Lang pour Territoires Hétérotopiques, Capucine Vever, Chris Sharp, Paris Gallery Weekend 2021, Claire Le Restif,
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