La forêt des Bains Jaunes
Depuis un an ou deux, Milton voyait apparaître ici et là un nombre important d’articles qui soutenaient que Bruxelles était devenue le « nouveau Berlin » : un vivier de la création artistique européenne. Cela allait de la presse spécialisée en art à des journaux généralistes à grand tirage et quelques prestigieux organes de presse, du Times à Artforum, en étaient même venus à se pencher sur le sujet.
Milton était parfaitement de cet avis et le fait de voir la presse confirmer ainsi son sentiment lui conférait une véritable satisfaction. Amateur d’art et collectionneur à ses heures, Milton pouvait du reste s’enorgueillir d’avoir senti l’affaire avant tout le monde, lui qui vivait depuis maintenant six ans dans la capitale belge et qui avait eu l’heur de fréquenter sa scène artistique au fil de vernissages et autres visites de galeries et de musées.
La satisfaction de Milton d’avoir eu la « vista » était d’autant plus entière qu’on ne pouvait le taxer d’opportunisme. Non, il ne faisait pas partie de ces collectionneurs exilés à Bruxelles pour des raisons fiscales, suite à la promulgation au pays de quelques impôts sur les fortunes. Originaire de Poitou-Charentes, il avait abouti à Bruxelles au gré de l’évolution de sa carrière. Il était venu ici avant tout pour travailler, et son intérêt pour l’art ne datait pas d’hier. À Paris déjà, entraîné par un collègue, il avait fréquenté des galeries, rue Louise Weiss, au début des années deux mille, acheté quelques œuvres, et c’est tout naturellement qu’il avait poursuivi sur sa lancée en venant à Bruxelles. Il restait cependant un collectionneur raisonnable et occasionnel, essentiellement soucieux qu’il était de sa carrière dans l’industrie optique (il était représentant de la marque Essilor, un des leaders mondiaux dans le secteur des verres optiques pour lunettes de vue) : carrière qui touchait à sa fin d’une belle manière.
En un mot comme en cent et pour utiliser un mot cher au peuple belge friand d’assurance (dans le sens de l’assurance incendie, ou de l’assurance vie), il était « couvert ». Blanc comme neige dans ce contexte d’intérêt croissant pour la scène artistique locale : sans reproches. Il avait même eu une amante belge pendant près de deux ans, se plaisait-il à confesser au détour d’un dîner de vernissage. Sa femme n’en avait jamais rien su.
Il pouvait donc confirmer que Bruxelles était devenue le nouveau Berlin. Il en avait été le témoin immédiat, affirmait-il lors de ces mêmes dîners de vernissages, lorsque le vin lui avait suffisamment allégé l’esprit. Il enjolivait certes la situation n’ayant été qu’un spectateur relativement distant et sporadique, mais il prenait garde de tenir de tels propos face à un auditoire qui n’avait pas son ancienneté. Avec les habitants du cru, c’était autre chose. Il savait qu’il fallait montrer patte blanche. Les Belges avaient un côté un peu fier et autant ils étaient accommodants, autant convenait-il de ne pas les titiller.
Milton relisait régulièrement Astérix chez les Belges, qu’il tenait pour son indispensable guide de savoir-vivre, et ne manquait pas de se souvenir de la formule de Jules César, qui avait affirmé que de tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves.
Ce qu’il pouvait affirmer, preuves à l’appui, c’est que de grandes enseignes de l’art étaient venues s’installer à Bruxelles, qu’il s’agisse de la galerie d’Almine Rech, de Barbara Gladstone ou de Nathalie Obadia. La liste s’allongeait à chaque nouvel article de presse à l’occasion duquel son auteur ne manquait pas de citer lesdites galeries en incorporant les nouveaux venus, comme l’on récite un chapelet avec une pointe d’exaltation dans la voix. Les femmes d’influence étaient dans la place.
Concurremment, les galeries belges établies s’étaient fendues de l’ouverture qui d’une annexe, qui d’une nouvelle adresse, histoire d’occuper le terrain et de faire étalage de puissance, là où les arrivants avaient d’emblée placé la barre très haut avec des hangars quasi impossibles à remplir, du moins sur le plan sincèrement artistique : matériellement, ou plutôt monumentalement, on pouvait toujours s’en sortir en quadruplant par exemple la taille des châssis ou le poids du bronze.
Jusque-là, les galeries belges s’étaient contentées de jouer sur leur talent, sans trop en faire extérieurement, un peu comme le faisait Eden Hazard autrefois (et comme il le fait encore parfois en équipe nationale, dans les matchs à peu d’enjeu où on sent bien qu’il se réserve pour Chelsea, au lieu d’y aller en toutes circonstances avec ses tripes comme Wilmots ou Gerets dans le bon vieux temps). Désormais, il était nécessaire d’en imposer un peu plus. Il fallait également défendre quand bien vous vous considériez jusque-là comme la fine fleur de l’attaque. Et il faut dire que ce n’était pas dans le tempérament bruxellois de s’affirmer comme cela. De tout temps, Bruxelles avait préféré agir dans l’ombre, dans la profondeur de ses parcelles, masquée derrière ses étroites mais non moins orgueilleuses façades. Bruxelles était fondamentalement restée une ville du Moyen-Âge, une ville de corporations et de commerçants s’enrichissant à l’abri du regard de l’État, dont on attendait essentiellement qu’il nettoie les rues, assure la sécurité des clients, et n’en fasse pas plus que ce qu’il faisait déjà avec sa TVA à 21%. En sorte que les Hufkens, Baronian et Janssen étaient quand même un peu mal à l’aise face à cette arrivée soudaine de concurrents bien qu’ils jouent les durs soutenant que, fondamentalement, « il n’y avait pas de concurrence car ils ne défendaient pas la même esthétique ». L’esthétique, au final, on y revenait !
Du point de vue de Milton en tout cas, il n’y avait que du plaisir à en tirer. Avec toutes ces galeries qui florissaient — car, bien sûr, les grandes galeries avaient attiré dans leur sillage une nuée de boutiques plus modestes, à l’égal de dauphins bondissant dans les vagues des paquebots — Bruxelles devenait pour les initiés une sorte de vaste salon peuplé d’amis bienveillants où un seuil menait à un autre. Les galeristes étaient en effet des gens très accueillants. Il faut dire que la profession imposait un tel accueil, lequel restait au fond assez illusoire. Néanmoins, pour peu que vous ayez été acheteur d’un malheureux dessin, vous receviez votre passe-droit pour une multitude d’évènements en chambre, de dîners et autres réceptions gracieusement offertes. Milton n’en était pas au point de vaquer de vernissage en vernissage en passant pour le pique-assiette de service, comme le faisaient des étudiants en art désargentés et hagards qu’il avait parfois repérés. Il avait son honneur, qu’on connaissait du reste. Mais cette atmosphère de convivialité n’était pas pour lui déplaire.
En marge des galeries, il connaissait quelques artistes qui se rendaient aux mêmes vernissages que lui. Ces mêmes artistes l’invitaient parfois à venir voir une exposition qu’ils organisaient avec leur association sans but lucratif dans un coin reculé de la ville. Mais il ne s’y rendait jamais, même s’il répondait cordialement aux e-mails d’invitation. Il savait qu’il n’y trouverait que du mauvais vin et des locaux non chauffés. Entretenir des rapports, même distants, avec ce versant de la scène bruxelloise lui garantissait en tout cas qu’il en possédait une vue d’ensemble, et cela asseyait son discours en société.
Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce jour où Milton lut dans un de ses magazines d’art favoris que Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, était devenue le « nouveau Bruxelles ». Le nouveau Bruxelles ? Comment diable était-ce possible ? Il n’avait pourtant presque rien manqué de ce qu’était devenue Bruxelles ces dernières années, ne revenant même plus que très occasionnellement en Charente, voir sa mère.
N’osant en parler autour de lui de crainte de perdre de sa superbe et désireux d’être le premier sur la balle, comme il l’avait été autrefois, il ne fit ni une ni deux, et acheta son billet pour la Guadeloupe. Il ne prévoyait d’y séjourner que l’espace d’un week-end prolongé ne voulant pas s’absenter trop longtemps de son emploi. Il jeta son dévolu sur la semaine du mardi gras ; semaine où les Belges faisaient le carnaval. Ce qui revenait à partir le premier week-end du mois de mars, suivi de deux à trois jours supplémentaires, le temps que ses collègues belges émergent de leurs agapes. Ils n’y verraient que du feu.
L’épreuve était de taille pour Milton, eu égard à son agenda surchargé et aux quatorze heures de vol qu’imposait un voyage vers les Caraïbes. Mais c’était au fond de la plus haute importance. Il se rendait compte à l’occasion de cet épisode à quel point l’art avait pris une place essentielle dans sa vie. À vrai dire, il en avait plus que marre d’Essilor et des verres de lunettes de vue.
Son vol Air France parti de Strasbourg, Milton, comme de coutume, fut incapable de dormir. Cela avait toujours été sa malédiction : la malédiction des transports et de l’absence de sommeil à leur bord. Raison pour laquelle il avait d’ailleurs refusé voici quelques années d’occuper un poste en Chine pour Essilor, qui souhaitait y développer ses activités. À l’heure de l’atterrissage, il se trouva en conséquence dans un état psychique déplorable.
Aux portes de l’aéroport, il s’engouffra dans le premier taxi venu et demanda qu’on le conduise dans le centre de Pointe-à-Pitre. Il prit son courage à deux mains et entreprit de faire la conversation au chauffeur durant le trajet tandis que défilaient au dehors les rangées de palmiers. La Guadeloupe étant une colonie française, au moins n’y avait-il pas la barrière de la langue, comme Milton l’avait expérimentée avec le flamand en Belgique, en de rares mais douloureuses occasions.
Milton avait beau être français lui-même, c’était frappant de voir de quelle manière l’État français menait ici son habituelle politique d’aménagement du territoire, quel que soit l’environnement. Pour les élus locaux, et plus encore pour leur hiérarchie, une plage paradisiaque valait bien la campagne lorraine. Ainsi, sur un panneau d’affichage dressé sur fond de mangroves, pouvait-on lire : « Ici nous construisons la future aérogare régionale. Guadeloupe / Pôle Caraïbes ».
Milton, au cours de sa conversation avec le chauffeur de taxi, l’amena rapidement au fait. Avait-il remarqué quelque chose d’inhabituel, ces derniers temps, dans l’île ? Avait-il noté un accroissement de l’activité artistique ? Quelles étaient les galeries les plus en vues ? Y avait-il ici une ancienne brasserie reconvertie en centre d’art ?
Le chauffeur fit oui de la tête de plusieurs mouvements saccadés semblant indiquer par là à Milton qu’il voyait ce qu’il voulait dire, mais sans être plus précis. Il lui fit comprendre au moyen de gestes et de phrases énigmatiques qu’il pouvait l’emmener directement au cœur battant de la vie artistique. Soit au cœur du « nouveau Bruxelles », se dit Milton, rasséréné.
Il se fit conduire à un hôtel, le temps de déposer son bagage. Le chauffeur l’attendit devant l’entrée et ils repartirent aussitôt. L’équipée traversa à bonne allure les rues du centre-ville bordées de magasins de chaussures, d’accessoires de kitesurf et d’étals de fruits et légumes où se côtoyaient de somptueux régimes de bananes et d’imposantes patates douces, avant de s’éloigner peu à peu de la ville et de longer la côte, bordée de plages privées et de clubs nautiques.
Cet éloignement du centre inquiéta quelque peu Milton qui n’osa cependant en toucher mot au chauffeur. Il se contenta de scruter la route qui s’ouvrait devant eux, dans l’attente de voir surgir la silhouette rassurante d’un immeuble de Blomme ou d’Herzog & de Meuron.
Mais en lieu et place de cela, le chauffeur bifurqua soudainement vers l’intérieur des terres et entreprit l’ascension d’une route en lacets particulièrement raide qui les mena en l’espace de dix minutes sur un plateau rocheux, dominant la mer. Quelques voitures étaient stationnées là. Et l’un ou l’autre touriste se tenait devant un paysage majestueux, les coudes levés, les bras sur le sommet des hanches.
C’était là, indiqua à Milton le chauffeur satisfait, certain de lui avoir rendu le meilleur et le plus beau des services en l’emmenant là où la beauté pouvait être embrassée d’un regard et d’un seul.
Milton, dépité, ne sut que dire. Le moral dans les chaussettes, il repartit après un quart d’heure à peine et demanda au chauffeur perplexe de le ramener immédiatement à l’aéroport, non sans repasser à l’hôtel pour reprendre sa valise. Arrivé en Guadeloupe le matin, compte tenu du décalage horaire, Milton avait noté que le vol vers Strasbourg repartait sur le coup de seize heures. Il changerait son billet et tâcherait de dormir une heure ou deux dans l’enceinte climatisée de l’aéroport. En plus de la chaleur et de la fatigue, c’était le doute qui l’assaillait désormais. Si Pointe-à-Pitre était le nouveau Bruxelles et qu’il n’avait rien trouvé ici de ce qu’il pensait être Bruxelles, qu’en était-il de Bruxelles qui était censé être le nouveau Berlin ? Au final, il était ramené aux origines. C’est vers Berlin que tout convergeait…
De retour à l’aéroport et passé un moment de réflexion (si du moins on pouvait encore parler de réflexion eu égard à la fatigue et au stress), Milton décida sans ambages de demander à l’employée du bureau d’Air France de changer son billet Pointe-à-Pitre / Strasbourg en un billet Pointe-à-Pitre / Berlin. La somme à payer pour un tel changement de dernière minute était assez considérable mais Milton n’en était plus à ça près. Il travaillerait d’autant plus dur le mois prochain, ferait des heures supplémentaires pour renflouer les caisses, peu importait…
Par chance, il s’endormit cette fois. La dernière image qu’il eut devant les yeux avant de sombrer dans les bras de Morphée durant près de huit heures et de se réveiller au-dessus de l’Atlantique en pleine nuit fut le soleil descendant sur la forêt des Bains Jaunes, couronnant la Basse-Terre, partie ouest de la Guadeloupe…
Pour parvenir à Berlin via Strasbourg, il devait transiter par Francfort. Cela augurait de beaucoup de changements et d’une longue attente dans les aéroports. Il mit ce temps à profit pour répondre à quelques e-mails urgents et consulta comme par réflexe le site du journal Le Soir pour prendre quelques nouvelles de Belgique. C’était le début de la campagne électorale, chaque parti y allait de sa petite pique. On parlait suppression du chômage, confédéralisme, construction d’une nouvelle ligne de métro, parkings de dissuasion à Berchem-Sainte-Agathe.
Il arriva sur Berlin aux alentours de six heures du soir. En posant son pied sur le tarmac de l’aéroport, il lui sembla qu’il avait plu toute la journée mais que le soleil, finalement, avait vaincu. L’astre était parvenu à faire darder quelques ultimes rayons dorés sur un ciel lourd de nuages, avant que la nuit ne tombe. L’air était glacé, et produisait un effet d’autant plus violent sur l’organisme de Milton que ses chairs étaient encore riches du souvenir enveloppant du climat caribéen.
Tandis qu’il se hâtait d’entrer dans le bâtiment adjacent à la piste d’atterrissage où étaient portés les bagages des passagers, il aperçut Mathilda Legemah, de la galerie Carlier & Gebauer, qui était descendue par l’escalier mobile de la pointe de l’avion, tandis que lui était descendu par celui de la queue.
Mathilda était la régisseuse principale de la galerie Carlier & Gebauer, établie au numéro 67 de la Markgrafenstraße, à qui Milton avait acheté coup sur coup une peinture de Tomasz Kowalski et une sculpture de Mark Wallinger lors des éditions de la FIAC de 2007 et de 2008. Ces achats répétés, très inhabituels pour Milton, avaient initié une relation assez intense entre lui et la galerie qui pensait tenir un nouvel aficionado. Il avait ainsi eu deux ou trois conversations Skype avec Mathilda pour régler des détails quant au transport des œuvres et à leur dédouanement, s’agissant de la peinture de Kowalski qu’il avait choisie sur dossier et qui devait être acheminée depuis l’Allemagne.
Il rejoignit Mathilda à hauteur du tapis à bagages et lui tendit la main chaleureusement. Après les dernières heures qu’il avait vécues, retrouver un visage connu du monde de l’art était pour Milton un soulagement.
Mathilda ne le reconnut pas de suite, bien qu’elle masquât adroitement son incrédulité, et il fallut l’insistance de Milton et son évocation de certains détails des transactions qui les avaient réunis pour qu’elle se souvienne de lui. Une fois la mémoire avivée, elle se montra plus cordiale. Elle revenait d’une foire en Asie, via Francfort. Elle supervisait le transport des œuvres qui n’avaient pas été vendues et veillait à les ramener à bon port, à la galerie. Milton, soudainement très enthousiaste, lui confia qu’il était enchanté de venir à Berlin. Que Berlin, c’était tout de même quelque chose. Qu’il n’y avait pas deux villes semblables à Berlin. Que Berlin était l’équivalent de ce qu’avait été New York dans les années soixante, pour l’art contemporain : la Mecque, le nec plus ultra… Mais face à ce discours, Mathilda resta pour le moins interdite, et ce ne fut qu’au moment où Milton ralentit un peu son débit de paroles qu’elle parvint à lui dire avec le peu de français qu’elle maîtrisait que Milton se trompait… Aujourd’hui, Berlin n’était plus Berlin : c’était le nouveau Bâton Rouge.
(SIC) asbl
Sébastien Biset, Aurélie Bouvart, Anaël Lejeune,
Olivier Mignon, Raphaël Pirenne, Yoann Van Parys.
The Bains Jaunes Forest
For a year or two Milton saw the publication here and there of many articles in support of the idea that Brussels had become the “new Berlin”, meaning a hotbed of European art. They ranged from the specialized art press to general mass-circulation newspapers, and one or two prestigious press titles like The Times and Artforum had even joined the fray by looking into the subject.
Milton thoroughly shared this view and the fact of seeing the press thus confirm his feeling gave him a great sense of satisfaction. As an art lover and occasional collector, Milton could also feel proud that he had sensed the change ahead of the pack, he who had now been living in the Belgian capital for six months, and had the good fortune to be involved in its art scene by way of openings and visits to museums and galleries.
Milton’s satisfaction at having seen it happening was all the greater because he could not be accused of opportunism. No, he was not one of those collectors who had gone into exile in Brussels for tax reasons, following the promulgation of taxes on the wealthy in France. Hailing from Poitou-Charentes, he had ended up in Brussels as a result of the way his career had gone. He had come here above all to work, and his interest in art did not happen yesterday. In Paris, he had already been dragged by a colleague to the Rue Louise Weiss galleries in the early 2000s, where he had bought a few works, and it was quite naturally that he continued along that track when he came to Brussels. But he was still a sensible and occasional collector, essentially mindful of the fact that his career was in the optical industry (he was a representative for the Essilor brand, one of the world leaders in the sector of lenses for spectacles)—a career that was nearing its end in a fine way.
In a nutshell, and to use a word dear to the Belgian people so fond of insurance (in the sense of fire or life insurance), he was “covered”. White as snow in this context of growing interest for the local art scene: beyond reproach. He had even had a Belgian lover for almost two years, as he would fondly admit during a dinner at an opening. His wife had never been aware of anything.
So he could confirm that Brussels had become the new Berlin. He was the immediate witness of it, as he would assert at those same dinners at openings, when the wine had sufficiently gone to his head. To be sure, he would embroider the situation, for he had only been a relatively distant and sporadic onlooker, but he made sure that he put such ideas forward when his audience was less informed than he. With local inhabitants it was different. He knew that he had to have impeccable credentials. The Belgians had a slightly proud side and even though they were accommodating, it was not a good idea to titillate them.
Milton regularly re-read Astérix in Belgium, which he considered his indispensable good manners guide, and he made a point of remembering the words of Julius Caesar, who had said that of all the peoples of Gaul, the Belgians were the best.
What he could definitely say, backed up by proof, was that major art names had set up shop in Brussels. Be it Almine Rech’s gallery, or Barbara Gladstone’s, or Nathalie Obadia’s, the list lengthened with each new press piece, in which the author unfailingly mentioned the said galleries and included newcomers, the way one counts one’s beads with a note of exaltation in one’s voice. Women of influence were in the market place.
Concurrently, established Belgian galleries had come up with the opening of an annex here, and a new address there, all to do with occupying the terrain and displaying power, precisely where the new arrivals had instantly put the bar very high with hangar-sized premises, almost impossible to fill, at least on the sincerely artistic level: materially, or rather monumentally, it was always possible to get by, for example, by quadrupling the size of the stretchers and increasing the weight of the bronze.
Hitherto, Belgian galleries had been content to play on their talent, without making too much of it to the world outside, a little the way Eden Hazard did in the old days (and as he still sometimes does in the national football team, in slightly challenging matches where one clearly feels that he is reserving his strength for Chelsea instead of playing full out, in all circumstances, with his gut, like Wilmots and Gerets did in the good old days). But from now on it was necessary to be a little bit more impressive. It was also necessary to defend, even if, up until then, you regarded yourself as the cream of the offence. And it should be said that it was not in the Brussels temperament to assert oneself in this way. Brussels had always preferred acting in the shadows, in the depths of its plots of land, masked behind its narrow but no less proud façades. Brussels had basically remained a city of the Middle Ages, a city of guilds and merchants growing ever richer away from the State’s prying eyes, and what people essentially expected of the State was that it should clean the streets, guarantee the safety of customers, and not do any more than what it was already doing with its 21% VAT. In such a way that people like Hufkens, Baronian and Janssen were nonetheless slightly ill at ease in the face of this sudden arrival of competitors, even though they acted tough by saying that, basically, “there was no competition because they were not championing the same aesthetic”. In the end of the day, people were coming back to aesthetics!
From Milton’s viewpoint, in any event, there was only pleasure to be had from all this. With all these flourishing galleries—because, needless to say, the large galleries had attracted in their wake a swarm of more modest boutiques, like dolphins leaping in the wash made by liners—Brussels was becoming, for the initiated, a kind of huge salon filled with well-meaning friends, where one threshold led to another. The gallery owners were in fact very welcoming people. It should be said that the profession imposed this kind of welcome, which was essentially somewhat illusory. Nevertheless, provided that you had purchased a paltry drawing, you had your preferential treatment for a whole host of private events, dinners and receptions all offered free of charge. Milton was not at the stage of freeloading from opening to opening, the way he had sometimes seen penniless art students doing. He had his honour, and people knew as much as well. But this atmosphere of conviviality did not displease him.
On the sidelines of galleries, he knew a few artists who went to the same openings as he did. These same artists would sometimes invite him to come and see an exhibition which they were organizing with their not-for-profit association in a farflung nook of the city. But he never went to them even if he cordially answered the emails inviting him. He knew that he would never find anything but lousy wine there, in unheated premises.
In any event, having even distant connections with this side of the Brussels scene guaranteed that he would have an overall view, and this underpinned what he had to say in social situations.
So everything was for the best in the best of all possible worlds until the day Milton read in one of his favourite art magazines that Pointe-à-Pitre, in Guadeloupe, had become the “new Brussels”. The new Brussels? How the hell was that possible? And yet he had let almost nothing that had happened in Brussels over the last few years escape his attention, even to the point of returning only very occasionally to Charente, to see his mother.
Not daring to talk about it to those around him for fear of damaging his pride, and keen to be the first on the ball, as he had previously been, he did not think twice about it, and bought his ticket for Guadeloupe. He only planned going there for a long weekend, because he didn’t want to stay away from his job for too long, and he chose the week of Mardi Gras; the week when Belgians celebrated Carnival. This meant leaving on the first weekend in March, followed by two or three extra days, while his Belgian colleagues emerged from their feasts; he could easily fool them.
The ordeal was a considerable one for Milton given his overloaded schedule and the 14-hour flight involved by a trip to the Caribbean. But it was basically of paramount importance. During this episode, he realized to what degree art had assumed an essential place in his life. If the truth be told, he was more than fed up with Essilor and lenses for glasses.
Once his Air France flight left from Strasbourg, Milton was unable to sleep, as was his wont. This had always been his curse: the curse of transport and the lack of sleep in it. This, incidentally, is why, a few years ago, he had refused to take up a job in China for Essilor, which was keen to develop its activities there. As a result, when he landed in Guadeloupe, he was in a lamentable physical state.
Outside the airport he tumbled into the first taxi that drew up and asked to be taken to the centre of Pointe-à-Pitre. He plucked up all his courage and struck up a conversation with the driver during the trip, while rows of palm trees sped by outside. Because Guadeloupe was a French colony, at least there was no language barrier, the way Milton had experienced it with Flemish in Belgium, on rare but painful occasions.
It was all very well Milton being French himself, it was still striking to see how the French State was here conducting its usual territorial development policy, whatever the environment and geography. For elected officials, and even more for their hierarchy, a heavenly beach was was well worth the countryside of Lorraine. So, on a billboard erected against a backdrop of mangroves you could read: “Here we are building the future regional airport. Guadeloupe / Gateway to the Caribbean”.
In his conversation with the taxi driver, Milton quickly got to the point. Had he recently noticed anything unusual on the island? Had he noticed any increase in artistic activity? What were the most high-profile galleries? Was there an old brewery here that had been turned into an art centre?
The driver nodded his head several times, seeming to tell Milton, in so doing, that he saw what he meant, but without being more specific. Using enigmatic gestures and sentences, he got it across to him that he could take him directly to the very heart of the island’s artistic life. In other words, to the heart of the “new Brussels”, Milton said to himself, reassured.
He asked to be taken to a hotel, just long enough to leave his luggage. The driver waited for him at the entrance and in no time they set off again. The escapade took them at a brisk pace through the downtown streets lined with shops selling shoes and kite-surf accessories, and fruit and vegetable stands, where sumptuous arrays of bananas rubbed shoulders with impressive sweet potatoes, before gradually leaving the city behind and driving along the coast, lined with private beaches and sailing clubs.
Milton was a little anxious as they left the city, but he didn’t dare say anything to the driver. He contented himself with peering at the road which opened up ahead of them, expecting to see the comforting silhouette of a building by Blomme, or Herzog & de Meuron rise up before them.
But instead of that, the driver suddenly turned inland, away from the coast and up a particularly steep switchback road which led them within ten minutes to a rocky plateau overlooking the sea. A few cars were parked there, and a few tourists stood there in front of a majestic landscape, their arms akimbo. This was it, the satisfied driver said to Milton, sure that he had rendered him the best and most beautiful of services by taking him to where beauty could be embraced in just one glance.
Piqued, Milton did not know what to say. Feeling down at heart, after barely a quarter of an hour, he left, and asked the puzzled driver to take him immediately to the airport, without going by the hotel to pick up his suitcase. When he arrived in Guadeloupe that morning, taking the time difference into account, Milton had noted that the flight back to Strasbourg left at precisely 4 p.m. He would change his ticket and try to sleep for an hour or two in the air-conditioned airport. He was assailed by doubt, as well as by heat and tiredness. If Pointe-à-Pitre was the new Brussels, and he had found nothing that related to what he thought Brussels to be, what about Brussels, which was meant to be the new Berlin? In the end, he was being taken back to square one. Everything was converging on Berlin…
Back in the airport and after a moment of reflection (if it was at least possible to still talk in terms of reflection given his fatigue and stress), without beating about the bush Milton decided to ask the employee at the Air France desk to change his Pointe-à-Pitre / Strasbourg ticket for a Pointe-à-Pitre / Berlin ticket. The extra charge for such a last minute change was quite considerable, but Milton was no longer bothered by such things. He would work even harder next month, put in overtime hours to swell the coffers, it didn’t really matter…
As luck would have it, he managed to sleep this time. The last image he had before his eyes, before falling asleep and waking up over the Atlantic in the dead of night, was the sun going down over the tropical forest of Bains Jaunes, crowning the Basse-Terre, the western part of Guadeloupe…
To get to Berlin via Strasbourg, he had to transit via Frankfurt. This meant a lot of changes and time spent hanging about in airports. He made the most of this time to answer a few urgent emails, and, as if as a reflex, he consulted the Le Soir newspaper website, to get some news about Belgium. It was the beginning of the electoral campaign, and each party was making its cutting remarks. There was talk about dealing with unemployment, confederalism, the construction of a new metro line, and a park-and-ride system at Berchem-Sainte-Agathe.
He got to Berlin at about six in the evening. As he set foot on the tarmac, it seemed to him that it had rained all day long, but that the sun had finally won. It had managed to beam a few last golden rays onto a sky filled with clouds, before nightfall. The air was freezing cold, and had an effect on Milton’s body that was even more violent because his flesh was still full of warm memories of the Caribbean climate.
While he hurried into the building beside the runway, where the passengers’ baggage had been taken, he spied Mathilda Legemah, of the Carlier & Gebauer Gallery, who had got off the plane at the front, while he had used the stairs at the rear.
Mathilda was the head manager of the Carlier & Gebauer gallery, located at No. 67, Markgrafenstrasse, from which Milton had bought, in quick succession, a painting by Tomasz Kowalski and a sculpture by Mark Wallinger at the 2007 and 2008 FIAC fairs. Because of these repeated purchases, which were very unusual for Milton, a rather intense relationship had sprung up between him and the gallery, which thought it had a new aficionado. So he had had two or three Skype conversations with Mathilda to sort out details about transporting the works and customs clearance, particularly for the Kowalski painting which he had chosen from a catalogue and which had to be transported from Germany.
He joined Mathilda at the baggage claim and warmly stretched out his hand to her. After the last few hours he had been through, finding a known art world face was a relief for Milton.
Mathilda did not recognize him right away, although she cleverly masked the fact and Milton had to go on about certain details of the transactions which had brought them together before she finally did remember who he was. Once her memory had been revived, she became more friendly. She was coming back from a fair in Asia, via Frankfurt. She was supervising the transport of works which had not been sold, making sure that they found their way back to the gallery. Milton, suddenly very enthusiastic, told her that he was delighted to be in Berlin. That Berlin was still a place to reckon with. That there were not two cities like Berlin, that Berlin was the equivalent of what New York had been in the 1960s, for contemporary art: the Mecca, the nec plus ultra… But listening to his words, Mathilda was dumbfounded, and it was only when Milton slightly slowed his rush of words that she managed to tell him, with the little bit of French she had, that Milton was wrong… Today, Berlin was no longer Berlin: it was the new Baton Rouge.
(SIC) asbl
Sébastien Biset, Aurélie Bouvart, Anaël Lejeune,
Olivier Mignon, Raphaël Pirenne, Yoann Van Parys.
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