Post-Op. Du perceptuel au pictural. 1958-2014
Une proposition de Matthieu Poirier
Galerie Perrotin, Paris *, du 8 Mars au 19 Avril 2014.
« Post-Op », un terme percutant, presque manifeste, pour titrer la nouvelle exposition de Matthieu Poirier à la Galerie Perrotin. Le commissaire, co-auteur de la vaste manifestation « Dynamo » au Grand Palais en 2013, revient avec une proposition qui s’établit dans la même optique. Un ensemble d’œuvres d’artistes illustres des années 60-70 tels : Heinz Mack, Dieter Roth ou Piero Dozario, côtoient des créateurs des nouvelles générations comme Nicolas Roggy ou Michael Scott. Ces mises en relations interrogent les notions de perception et de pictural. Il s’agit d’inverser les déclamations de Clément Greenberg qui prônait la pureté de la forme avec « Post Painterly Abstraction » -Los Angeles Conty Museum of Art, 1964- contre le maniérisme de l’expressionnisme abstrait ou du Pop Art.
« Post-Op » s’inscrit d’une autre manière, et souhaite dévoiler une histoire de l’art perméable, poreuse, façonnée par la rencontre de différents courants artistiques. Les œuvres présentées restent inéluctablement empruntes de références à l’art optique, à la géométrie formelle quasi hypnotique de l’Op-Art. Mais si la continuité demeure évidente, les artistes ici exposés s’inscrivent dans une volonté de nuancer, de dissoudre les oppositions pour préférer le dialogue. Matthieu Poirier dans un accrochage sobre et épuré démontre, avec force, ce mouvement « post-opératoire » qui finit par relier « op », « pop », et « action painting » comme on le perçoit, par exemple, avec les lignes sinueuses jouxtant une trame cinétique à l’effet moiré, d’Untitled (2014) de Nicolas Roggy. Les deux premiers espaces, ornés de grands formats, amorcent un questionnement qui se porte au delà de la surface où s’égare notre œil. Celle-ci auparavant pure et lisse, devient plus brute, malmenée sous les coups de pinceaux, de scie, ou même parfois de scalpel opérés par l’artiste. La peinture dépasse le simple agencement d’aplats colorés, pour mettre en jeu différentes dimensions. Le pictural quitte la seule surface plane pour se faire objet en volume ou assemblage avec notamment : Good People Ugly Faces (2012) de Tillman Kaiser, losange taillé de multiples ouvertures, ou Opération Freak-Out (2012) de John Tremblay, une forme découpée telle l’image agrandie d’une cellule, pansée de grilles métalliques.
« Post-Op: du perceptuel au pictural » s’attache à confirmer les dires de Bridget Riley « estimant nécessaire d’affirmer que la « perception est le médium ». Cependant l’exposition va plus loin car de cette « perception-médium » s’extrait aussi une matière traitée pour elle même, par empattement ou découpe. Telle une résurgence de la mouvance Support-Surface, l’objet toile se montre dans Execution changes #65 A B C (2012) de Julian Hoeber, le support de xylographie creusé à la tronçonneuse aussi, dans la série Combinations de Claudia Comte.
Enfin « Post-Op » délimite un horizon, ou plutôt un réseau de lignes inframinces, qui déplace le pictural vers des zones moins exubérantes mais tout aussi poétiques. La salle centrale de l’exposition, à dominante grise, demeure sans doute la plus réussie du parcours. À l’image du petit format Untitled (2013) de Florian et Michael Quistrebert, les œuvres réunies dans cet espace réfléchissent la peinture dans son mode d’existence à travers un regard aujourd’hui influencé par l’image numérique. Nous retiendrons également de cette exposition, l’historique Wall Drawing 50 (1970) de Sol LeWitt, les œuvres au tracé évanescent de Kazuko Miyamoto, ou encore les feuilles de papier orthonormé tailladées par Éric Baudart. Toutes ces expériences de la perception et de la peinture, au-delà d’une simple acception visuelle, approchent le sensible.
- * Avec : Eric Baudart, Louise Bourgeois, Claudia Comte, Emilie Ding, Piero Dozario, Juilan Hoeber, Tillman Kaiser, Manferd Kuttner, Sol LeWitt, Heinz Mack, Kazuko Miyamoto, Florian & Michael Quistrebert, Nicolas Roggy, Dieter Roth, Michael Scott, Philip Taafe, Blair Thurman, John Tremblay, Dan Walsh, Richard Wright.
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