[Dossier Allemagne] Entretien avec Cédric Aurelle

par Patrice Joly

Concepteur de l’échange Berlin-Paris – entre les galeries parisiennes et berlinoises ­-aux côtés de Bernard de Montferrand, ambassadeur de France en Allemagne, et initiateur de Thermostat qui unit centres d’art et Kunstvereine, Cédric Aurelle, en poste à Berlin depuis trois ans, partage avec nous sa connaissance de la scène allemande et particulièrement de l’« exception » berlinoise. Nous revenons ici sur l’origine d’un double projet né sous les bons auspices de la diplomatie française et porté par un mouvement de rapprochement entre deux parties qui avaient plutôt tendance à se maintenir dans un splendide isolement, différences d’approche et de pratique reposant sur des raisons de nature historique et culturelle auxquelles cet entretien entend apporter un tout nouvel éclairage.

Patrice Joly : Comment ces projets de rapprochement sont-ils nés, y a t-il une origine commune ? Peux-tu nous rappeler les faits ?

Cédric Aurelle : Plus qu’une origine commune, Thermostat et Berlin-Paris présentent une complémentarité ; d’un côté, un projet lié au marché, concentré sur deux capitales, fonctionnant sur un principe événementiel et récurrent ; d’un autre, un projet extensif, institutionnel, développé sur l’ensemble des territoires et dans le temps.

Ils ont tous deux été conçus il y a trois ou quatre ans, avec différents partenaires sur lesquels je reviendrai, en considérant alors la réalité du terrain allemand et de ses acteurs. Une première analyse nous a conduits à faire plusieurs constats et poser quelques postulats de travail : tout d’abord, une méconnaissance réelle de la scène artistique française par les Allemands (et réciproquement), ainsi qu’une étanchéité des réseaux professionnels en dépit de la proximité des deux pays. Ensuite, une évidence : la nouvelle capitale de l’Allemagne réunifiée joue depuis le milieu des années 00 un rôle majeur dans le domaine de l’art contemporain. Berlin s’est en effet imposée depuis une dizaine d’années comme la capitale des artistes, attirant à leur suite autant de curateurs, galeristes et collectionneurs. Mais Berlin, c’est en Allemagne l’arbre qui cache une forêt d’institutions d’art contemporain d’une richesse et d’une variété sans égal en Europe ; la capitale allemande se distinguant paradoxalement, dans le domaine contemporain, par une pauvreté institutionnelle assez déconcertante.

Autre constat, l’arrivée de nouvelles générations de professionnels, de curateurs, de critiques, curieux et dépourvus des a priori négatifs sur la scène française dont étaient bardés leurs prédécesseurs. Enfin, la scène artistique allemande fonctionne, comme toute communauté dans sa complexité, selon ses règles, ses usages et ses prescripteurs avec lesquels composer.

Forts des ces considérations, nous avons choisi de privilégier la concertation avec les professionnels locaux et la mise en réseau systématique des français et allemands, en présageant un enrichissement mutuel, servant au final les artistes défendus par ces derniers. Nous avons substitué un travail souterrain ponctué de résurgences visibles (Berlin-Paris et Thermostat, par exemple) au catapultage d’artistes labellisés par l’institution française. Afin d’élaborer un programme pertinent croisant ces éléments, il convenait dès lors, d’un côté, de s’appuyer sur « l’effet Berlin », sans évacuer pour autant le reste du paysage institutionnel allemand et d’un autre, de ne pas penser seulement en direction des institutions mais aussi de composer avec les acteurs marchands.

Kerstin Brätsch pour DAS INSTITUT BroadwayBrätsch / Corporate Abstraction serie, 2010, huile et divers matériaux sur papier, bois, 182 x 230 cm

Kerstin Brätsch pour DAS INSTITUT BroadwayBrätsch / Corporate Abstraction serie, 2010, huile et divers matériaux sur papier, bois, 182 x 230 cm

Berlin-Paris et Thermostat sont issus de ces considérations.

Pour Berlin-Paris, notre ambassadeur, Bernard de Montferrand, a joué un rôle initiateur, en formulant dès sa prise de fonction le vœu de monter un projet avec des galeries. Nous avons consulté les professionnels avec la volonté d’associer à notre réflexion des acteurs influents de la scène artistique berlinoise et de nous appuyer sur de rares bons connaisseurs de la scène française (Mehdi Chouakri, Esther Schipper, Marie-Blanche Carlier…), pour ensuite intégrer d’autres acteurs ne présentant pas nécessairement de tropisme français, au contraire. De ces discussions est née l’idée d’un échange. Nous avons dès lors envisagé une sélection de galeries reflétant au mieux la scène artistique berlinoise dans sa diversité, des plus établies aux officines les plus expérimentales.

Soucieux d’ancrer le projet dans le contexte local, nous avons proposé aux galeristes berlinois de s’engager en choisissant eux-mêmes leurs partenaires parisiens. Nous gagions que la diversité de la scène parisienne serait également perceptible au travers de cette sélection aléatoire, ce qui, à mon sens, fut le cas.

Par ailleurs, le projet a fonctionné sur la complémentarité des deux scènes artistiques. D’un côté, Berlin, la ville des artistes, ressource en idées et énergies, d’un autre, Paris, la ville structurée par des institutions nombreuses et puissantes, soutenue par une nouvelle scène de collectionneurs et galeristes très entreprenants.

Berlin-Paris a de plus été pensé comme une opération médiatique visant à valoriser l’image de notre scène artistique en utilisant, sur un principe d’aïkido, « l’effet Berlin », tout en associant des galeries très influentes qui, en s’engageant dans cette aventure, laissaient penser qu’il devait bien se passer quelque chose à Paris !

Passons à Thermostat qui est en quelque sorte l’envers de Berlin-Paris : ce projet compose avec le vaste territoire allemand doté d’un paysage institutionnel riche et varié dont les Kunstvereine sont une des caractéristiques. Ces institutions, propres à l’espace germanophone, ont pour mission d’accompagner la création émergente, sans constituer de collections, et sont en cela très proches de nos centres d’art. Il s’avère que d.c.a, l’association française de développement des centres d’art, souhaitait de son côté développer ses activités en Allemagne. Nous nous sommes ainsi naturellement retrouvés à construire un projet main dans la main.

Thermostat a été « fomenté » par les directeurs de centres d’art qui avaient une réelle volonté d’explorer le territoire allemand, à charge pour nous de susciter le désir en retour auprès des professionnels que nous avions identifiés avec d.c.a. De manière très pragmatique, nous avons invité une trentaine d’allemands en France à rencontrer leurs homologues français réunis pour l’occasion dans le cadre d’un séminaire à Paris.

S’en est suivie une rencontre à Berlin. Des problématiques communes ont pu être développées à l’occasion de ces rendez-vous et progressivement se sont dessinées des affinités entre partenaires désireux de développer des projets ensemble.

P.J. : Y a-t-il eu des résistances côté allemand ?

C.A. : Pour Berlin-Paris, en dehors de quelques fins de non-recevoir, nous avons plutôt été agréablement surpris par l’accueil très positif qui nous a été réservé par la plupart des galeristes. Aujourd’hui, c’est nous qui résistons à la pression car nombre de galeristes berlinois veulent participer au projet !

Pour Thermostat, cela a été un peu plus complexe. Il y a en Allemagne, pour des raisons historiques liées au nazisme, une ligne de démarcation sacro-sainte entre les institutions politiques et culturelles. L’approche des partenaires est, de ce fait, délicate ; c’est toutefois l’avantage de disposer d’un bureau spécialisé pour les arts plastiques qui peut avancer sans porte-drapeaux. Notre objectif était de toute manière de favoriser les rencontres et de générer des projets, sans instrumentaliser les artistes ou les partenaires à des fins politiques et en respectant leur liberté de programmation. Aussi, Thermostat a été conçu comme une plate-forme de visibilité pour les projets nés de ces rencontres et une opération de mise en valeur de l’action essentielle que jouent tant les centres d’art que les Kunstvereine pour la découverte et l’accompagnement d’artistes émergents ou de positions singulières dans nos deux pays, voire au-delà.

Shannon Bool Pub Stair Carpet, 2010 Laine 79 x 385 cm Vue de l'installation Avec l'aimable autorisation de la Galerie Kadel Willborn Photo : Tobias Hübel

Shannon Bool Pub Stair Carpet, 2010 Laine 79 x 385 cm Vue de l'installation Avec l'aimable autorisation de la Galerie Kadel Willborn Photo : Tobias Hübel

P.J. : Comment analyses-tu les différences entre la scène française et la scène allemande ?

C.A. : Pour commencer, l’atlantisme allemand : comme l’a montré l’exposition Paris-Berlin, rapports et contrastes, France-Allemagne 1900-1933, au Centre Pompidou en 1978, le premier tiers du xxème siècle a été traversé par ces liens et allers-retours entre les deux pays et leurs artistes, la France ayant joué un rôle fondateur dans l’invention de la Modernité, l’Allemagne dans sa mise en crise. Le nazisme et la 2nde Guerre Mondiale brisent cet axe majeur en Europe. Le Plan Marshall culturel imposé par les Américains après la guerre commence à faire son effet au milieu des années 50 en Allemagne, détournant pour longtemps l’attention des prescripteurs des vieux réseaux européens et plus particulièrement francophiles vers les artistes de New York et l’Expressionnisme Abstrait triomphant. Cologne et Düsseldorf seront les capitales de ce foyer atlantiste en Europe jusque dans les années 90. Ce n’est qu’avec l’arrivée d’une nouvelle génération que les cartes sont rebattues.

Ensuite un aspect culturel : l’art contemporain, sur les plans institutionnel, historique, marchand et sociologique, est profondément ancré dans la société allemande. La richesse et le nombre de collections privées, l’engagement bourgeois historique dans le système de l’art et sa structuration, les 250 Kunstvereine (initiatives privées), la place majeure qui lui est réservée dans toute la presse quotidienne, généraliste ou spécialisée attestent que l’art est omniprésent dans les relations sociales. Pour mieux comprendre cette imbrication entre l’art et la société en Allemagne, il faut remonter au début du xixème siècle : à cette époque, la bourgeoisie allemande conquérante, propagatrice des Lumières, entreprend de s’arroger les prérogatives de l’aristocratie dans le domaine de la commande artistique, ce dont l’invention des Kunstvereine sera la manifestation concrète.

En France, l’art demeure le fait du prince, vient d’en haut et son système est structuré par l’institution publique ; il reste, jusqu’à récemment, perçu comme tel depuis l’Allemagne.

Un troisième élément, administratif : là où la France connaît un principe d’organisation centralisateur, l’Allemagne reste très attachée à un principe fédéral. Si le « phénomène Berlin » tend à saper cette réalité avec l’afflux massif des artistes à Berlin, il ne faut pas pour autant oublier l’importance des écoles artistiques régionales ayant un rayonnement international, qu’il s’agisse de Leipzig avec ses peintres, ou de Düsseldorf avec ses photographes ou autour de la Städelschule à Francfort qui fournit un bonne part du contingent des artistes qu’on retrouve aujourd’hui sur une foire comme Liste à Bâle. Il n’y a pas d’équivalent en France où toute validation passe par Paris et où la périphérie n’a d’autre fonction que d’alimenter le centre.

Un dernier point, matériel, concernant avant tout Berlin et Paris. Paris, ville finie, saturée, n’offre aucun espace à un artiste qui veut y exercer ; Berlin, au contraire, regorge d’espace. Cet espace disponible offre une « liberté » d’expérimentation et de pratique pour les artistes, ce qui fait défaut à Paris où, peut-être parce que trop à l’étroit, la ville ne permet pas toutes les pratiques. C’est tout au moins l’une des raisons avancées par nombre d’artistes étant venus s’installer à Berlin…

P.J. : Penses-tu que Berlin-Paris survivra au départ de ses deux « parrains » ?

C.A. : Ce n’est pas la mafia ! Donc, oui, il devrait y survivre, ayant justement été pensé dans une logique de rendez-vous réguliers. Des manifestations d’intérêt pour l’avenir ont par ailleurs déjà été formulées ici ou là…

Interview with Cédric Aurelle by Patrice Joly

Cédric Aurelle has been working in Berlin for three years. Berlin-Paris—exchanges between Paris and Berlin galleries—was his brainchild, alongside Bernard de Montferrand, France’s ambassador to Germany, just as Thermostat, which brings art centres and Kunstvereine together. Here he shares with us his knowledge of the German art scene and in particular of the “special case” of Berlin. We go back over the origins of a twofold project which came about under the favourable auspices of French diplomacy and has been backed by a movement which has seen the coming-together of two parties which tended to maintain positions of splendid isolation, their different approaches and methods being based on historical and cultural reasons on which this interview is keen to shed some brand new light.

Patrice Joly: How have these projects based on reconciliation and rapprochement come about? Is there a common origin? Can you tell us how it all happened?

Cédric Aurelle: More than a common origin. Thermostat and Berlin-Paris have a complementarity. On the one hand, a project connected to the market, focused on two capitals, operating on a factual and recurrent principle; on the other, an extensive, institutional project, developed in all territories and in time. Both were devised three or four years ago, with different partners—to whom I’ll come back in due course—, with an eye, at that time, on the reality of the German terrain and the people involved therein. An initial analysis prompted us to make several observations and posit various working postulates: first and foremost, a real lack of knowledge about the French art scene on the part of the Germans (and vice versa), as well as a watertight element in the various professional networks, in spite of the proximity of the two countries. Then, something obvious: since the mid-2000s, the new capital of reunified Germany has been playing a major role in the field of contemporary art. For about a decade now, Berlin has in fact set itself up as the artists’ capital, attracting in their wake as many curators, gallery owners and directors, and collectors. But in Germany Berlin is the trees for which you can’t see the forest of contemporary art institutions, of a wealth and variety that are unmatched in Europe; and, paradoxically enough, the German capital stands out, in the contemporary arena, because of a somewhat disconcerting dearth of such institutions.

Another thing we observed: the arrival of new generations of professionals, curators, and critics, all curious and not burdened by negative preconceptions about the French scene, which was certainly not the case with their predecessors. Lastly, the German art scene operates like any other complex community, with its rules and regulations, its customs, and the people calling the shots with whom you have to come to terms.

On the strength of such considerations, we decided to encourage consultation with local professionals and systematic networking with French and German players, presaging a mutual enrichment, in the end of the day helping the artists being championed by these latter. We replaced the catapulting of artists earmarked by French institutions with underground work punctuated by visible revival-like phenomena (Berlin-Paris and Thermostat, for example). To work out a relevant programme bringing in these factors, it was thenceforth advisable, on the one hand, to rely on the “Berlin effect”, but without doing away with the rest of the German institutional landscape, and, on the other, not to think solely institution-wards, but also to come to terms with those involved in the art trade, the dealers. Berlin-Paris and Thermostat both resulted from these considerations.

For Berlin-Paris, our ambassador, Bernard de Montferrand, played a ground-breaking role: as soon as he assumed his office, he expressed a desire to set up a project with galleries. We consulted various professionals with the intent of associating influential people in the Berlin art scene with our line of thinking, and relying on rare well-informed connoisseurs of the French scene (Mehdi Chouakri, Esther Schipper, Marie-Blanche Carlier…); then we drew in other people who did not necessarily gravitate towards France—quite to the contrary. These discussions gave rise to the idea of an exchange. From then on we imagined a selection of galleries best reflecting the Berlin art scene in all its diversity, from the most established to the most experimental of dens. We were keen to anchor the project in the local context, so we suggested that Berlin gallery owners become involved themselves in choosing their Parisian partners. We were wagering that the diversity of the Paris scene would be equally as perceptible through this random selection, and this, in my view, is what happened.

What’s more, the project operated with the complementarity of the two art scenes. On the one hand, Berlin, the artists’ city, brimming with ideas and energy; on the other, Paris, a city structured by numerous, powerful institutions, underpinned by a new scene of very enterprising collectors and gallery owners.

Berlin-Paris was conceived, in addition, like a media operation aimed at enhancing and promoting the image of our art scene, using—with an aikido principle—the “Berlin effect”, while at the same time associating very influential galleries which, by becoming involving in this adventure, got the idea across that something had to be going on in Paris!

Let’s move on to Thermostat which, in a way, is the flipside of Berlin-Paris: this project comes to terms with the huge German territory, endowed with a rich and varied institutional landscape, in which the Kunstvereine are just one of the features. The brief of these institutions, peculiar to the German-speaking region, is to go hand-in-hand with emerging artwork, but without putting collections together, and in this respect they are very akin to our French Art Centres. It so happened that the French association for the Development of Art Centres—the DCA—was keen, for its part, to develop its activities in Germany. So quite naturally we found ourselves constructing a project together.

Thermostat was “fomented” by art centre directors who were really determined to explore the German territory, and it was up to us to kindle a reciprocal desire among the professional people we had identified with the DCA. In a very pragmatic way, we invited some thirty Germans to France to meet their French counterparts, all gathered for the occasion at a seminar held in Paris. There was then a meeting in Berlin. Shared issues were successfully teased out at these meetings, and affinities were gradually established between partners keen to develop projects together.

PJ: Was there resistance from the German side?

CA: For Berlin-Paris, apart from the odd refusal, we were rather pleasantly surprised by the very positive reception given us by most gallery owners. Nowadays it’s we who are putting up resistance to pressure, because quite a few Berlin gallery owners want to take part in the project!

For Thermostat, things were a bit more complicated. In Germany, for historical reasons to do with Nazism, there’s a sacrosanct dividing line between political and cultural institutions. As a result, the partners’ approach is delicate; but this, anyway, is the advantage of having a specialized office for the visual arts which can move forward without standard-bearers. Our aim, in any event, was to encourage meetings and generate projects, without using or exploiting either artists or partners for political purposes, and respecting their programming freedom. So Thermostat was devised both as a visibility platform for projects resulting from these meetings, and a promotional operation focused on the essential actions of both Art Centres and Kunstvereine, with regard to discovering and assisting emerging artists, and developing specific positions in our two countries, and even beyond.

PJ: How do you analyze the differences between the French art scene and the German art scene?

CA: For starters: German Atlanticism… As was illustrated by the exhibition Paris-Berlin, rapports et contrastes, France-Allemagne 1900-1933, held at the Centre Pompidou in 1978, the first third of the 20th century was permeated by those links and all that to-ing and fro-ing between the two countries and their artists. France played a crucial role in the invention of Modernity, Germany in the crisis that beset it. Nazism and the Second World War shattered that major European link. The cultural Marshall Plan set up by the Americans after the war started to have some effect in the mid-1950s in Germany, as, for many years, it diverted the attention of leading figures and opinion-makers in the old European networks—the more particularly the Francophile ones—towards New York artists and triumphant Abstract Expressionism. Cologne and Dūsseldorf would be the capitals of this Atlanticist focus in Europe right up until the 1990s. It was only with the advent of a new generation that the cards were reshuffled.

Then there’s a cultural aspect: on institutional, historical, mercantile and sociological levels, the roots of contemporary art run deep in German society. The wealth and number of private collections, historical middle-class involvement in the art system and the way it is structured, the 250 Kunstvereine (private initiatives), and the major place earmarked for contemporary art throughout the daily press, be it general interest or specialized, all attest to the fact that art is omnipresent in the social arena. To gain a better understanding of this dovetailing between art and society in Germany, we have to go back to the beginning of the 19th century: at that time, the all-conquering German bourgeoisie, spreading the Enlightenment word, undertook to assume for itself the privileges of the aristocracy in the field of artistic commissions—the very field in which the invention of the Kunstvereine would be a tangible feature.

In France, art remained something arbitrary, hailing from on high, and its system was structured by the public institution; and until recently, this was how it was perceived from Germany.

There is a third, administrative, factor: precisely where France has a centralizing organizational principle, Germany remains very attached to the federal principle. If the “Berlin phenomenon” tends to undermine this reality with the massive influx of artists to Berlin, we should nevertheless not forget the importance of the regional art schools with their international sphere of influence, be it in Leipzig with its painters, or Dūsseldorf with its photographers, or around the Städelschule in Frankfurt, providing a healthy share of the contingent of artists to be found nowadays at an event such as the Liste Young Art Fair in Basel. There is no such equivalent in France, where all manner of validation passes by way of Paris, and where the outlying regions have no function other than to feed the centre.

There is a final, material point which concerns Berlin and Paris, above all. Paris, a finite, saturated city, does not offer any space for artists wishing to work there; Berlin, on the contrary, is awash with space. This available space offers artists a “freedom” to experiment and create, which is not so in Paris, where, perhaps because things are too cramped, the city does not permit all kinds of activity. This, at the very least, is one of the reasons put forward by many artists who have set up shop in Berlin…

PJ: Do you think that Berlin-Paris will survive the departure of its two sponsoring “godfathers”?

CA: We’re not talking about the mafia! So, yes, it should survive, precisely because it has been devised on the basis of a logical system involving regular meet-ups. Interesting events for the future have already been worked out here and there, by the by…

 


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