Bruxelles, le nouveau Berne.

par Dessislava Dimova

Qu’est-ce qui rend aujourd’hui Bruxelles si différente, si attirante pour les artistes, les galeries, les critiques, les curateurs et les amateurs d’art ? Pourquoi journaux et magazines, du Times à Metropolis M en passant par divers blogs, proclament-ils qu’elle est le nouveau Berlin ? Pourquoi tant de jeunes gens, principalement français, débarquent-ils chaque année du Thalys pour venir y étudier l’art ou simplement y vivre et y travailler comme artistes ? Bruxelles est-elle le nouveau Berlin, un petit Paris ou juste une ville du Nord grise mais bien reliée et un peu plus excitante que Lille ?

Tous ceux qui connaissent suffisamment Bruxelles ne sont pas vraiment impressionnés par cette hype. D’abord, ce n’est pas une chose tout à fait nouvelle. Récemment, Le Salon – une plateforme web dédiée à la scène de l’art contemporain bruxelloise – a republié un article issu d’un numéro de 1974 du magazine Studio International (Londres) intitulé « Incredible Belgium [1] ». Il est frappant de voir comme les choses semblent avoir peu changé. L’énigme et l’excitation que produit Bruxelles reste la même. Il suffit de changer les noms des protagonistes et l’on obtient une image du contexte bruxellois d’aujourd’hui : les expositions d’artistes internationalement reconnus, l’énergie des galeries mais aussi le manque de soutien du gouvernement et de musées dédiés à l’art contemporain. Bruxelles est « incroyable » depuis au moins quarante ans. La différence — et c’est un phénomène mondial et non uniquement belge — est qu’à cette époque ces problèmes ne concernaient qu’un petit cercle de gens qui s’intéressaient à l’art conceptuel, tandis qu’aujourd’hui, nous pouvons parler d’une tendance. Ce nombre impressionnant de vernissages, de gens et d’espaces liés à l’art, c’est nouveau pour Bruxelles.

Nous pouvons tout de même faire remonter le mythe de Bruxelles au moins jusque dans les années soixante-dix. On peut, dès lors, dire que le mythe du collectionneur belge s’est créé autour de quelques collections à cette époque — principalement les Daled à Bruxelles et les Herbert à Gand. Ce type d’association entre artistes et collectionneurs reste assez unique dans l’histoire. La Belgique était une terre d’accueil pour les artistes conceptuels qui y trouvaient un appui intellectuel et financier. Déjà, c’était pour une large part les liaisons des transports qui permettaient la présence d’artistes venus de loin et qui contribuait à la vitalité de la scène. Si de nos jours ce sont le Thalys et l’Eurostar qui procurent à Bruxelles sa situation particulière, dans les années soixante et soixante-dix, c’était son aéroport, puisqu’il était le point de croisement de nombreux vols transatlantiques.

Photo : Dessislava Dimova, Bruxelles / Brussels, La Bourse, 2011.

Photo : Dessislava Dimova, Bruxelles / Brussels, La Bourse, 2011.

Le trafic est effectivement une bonne métaphore pour parler de Bruxelles. Je me rappelle encore mon arrivée ici, un soir, par la gare du Midi, il y a une dizaine d’années. La ville était vide. Il n’y avait personne dans les rues, seulement des voitures. Mon premier souvenir de Bruxelles est un embouteillage. La capitale est un lieu de passage et une ville de navetteurs. La mobilité est un concept-clé de l’urbanisme de Bruxelles, confirme Nicolas Firket, architecte. Il travaille sur un nouveau programme urbain pour le quartier de la gare du Midi et, lorsque je lui demande quel type de développement nous pouvons espérer pour le quartier qui, pour l’instant, n’offre pas aux arrivants un visage très attirant, il répond que l’on doit avant tout penser la question de la mobilité. C’est un concept d’une importance capitale pour les pouvoirs publics car c’est un instrument de pouvoir.

Au niveau international, Bruxelles est plutôt bien située, vous y passerez certainement un jour ou l’autre. Ceux qui y « résident » n’ont même pas besoin d’y vivre : les loyers bon marché font de Bruxelles l’une des quelques capitales dans lesquelles vous pouvez être basé tout en n’y étant quasiment jamais. D’un autre côté, de nombreux artistes travaillent à Bruxelles mais n’y exposent et n’y vendent pas leurs œuvres. Sur un plan local et non artistique, la majorité des gens qui travaillent dans la région de Bruxelles font la navette depuis la Flandre voisine. Le problème, c’est que Bruxelles n’est pas seulement une capitale sur laquelle le reste du pays devrait projeter une richesse matérielle et symbolique, c’est aussi une région à part entière qui entre en compétition avec les deux autres, beaucoup plus puissantes, que sont la Flandre et la Wallonie qui ont leurs propres programmes dans la ville. En pratique, cela explique non seulement les embouteillages monstres mais aussi la pauvreté choquante de la capitale. La ville doit fournir les infrastructures nécessaires à un nombre important de navetteurs qui paient leurs impôts aux régions dont ils viennent. À elles seules, les institutions européennes amènent de manière directe ou indirecte quelque cent mille personnes qui ne sont pas réellement concernées par les intérêts de la ville et n’y paient pas d’impôts [2]. L’expansion cosmopolite que Bruxelles connaît ces dernières années n’a pas été exploitée par les pouvoirs publics, confirme Nicolas Firket. L’argent, tout comme les gens, n’est que de passage.

Depuis que le Parlement européen s’y est installé en 1993 et que la majorité des activités de l’Union européenne s’est concentrée dans la capitale belge, la ville est clairement devenue internationale et a, de fait, attiré des foules d’expatriés. Si auparavant le caractère incroyable de Bruxelles n’excitait que quelques connaisseurs étrangers, il est progressivement devenu un produit de consommation pour les gens « normaux » dotés d’un bon niveau de vie. Ils voulaient des cafés, des bars à la mode, du chocolat et des boutiques de créateurs, alors les entrepreneurs, la mode, le design, les galeries ont suivi. Ajoutez à cela le fait que le ville soit connue pour être la terre d’exil financier de riches Français qui attirent l’attention des magazines people et Bruxelles apparaît soudain sur la carte du monde telle que jamais. Il pourrait bien y avoir de plus en plus de gens du monde de l’art à s’installer à Bruxelles mais ils ne constituent pas une masse critique comparable.

Ces extrêmes laissent leur empreinte sur la ville elle-même. Bruxelles change, mais pas de la même manière partout, tout semble avancer à deux vitesses. La plupart des artistes s’installent dans des quartiers plutôt pauvres – St. Gilles, Forest, Anderlecht, Schaerbeek ou Matonge ont assez peu changé ces dix dernières années. On s’y sent un peu comme dans un village, les immeubles sont décatis, il ne s’y passe pas grand-chose et il est très rare d’y croiser des hommes en costume qui se rendent au bureau. Mais il suffit de se déplacer un tout petit peu, d’aller du côté d’Ixelles, du quartier européen ou du centre-ville, pour découvrir une Bruxelles beaucoup plus prospère et en plein développement.

La scène artistique est certainement dynamique elle aussi, mais se passe-t-il réellement des choses nouvelles ? Il se passe beaucoup de choses mais la situation générale semble souvent trop compliquée pour qu’un changement qualitatif quelconque puisse s’opérer. En réalité, c’est aussi pour cela que nous aimons Bruxelles. Il semble n’y avoir pas de règles, la ville est abandonnée par les politiques du pays, il n’y a pas d’ambition publique ou de grand programme pour quoi que ce soit. Bruxelles est à prendre. Ici, chacun est un étranger, au sens propre ou au sens figuré. « C’est comme un refuge de montagne, remarque la performeuse Valentina Desideri qui est aussi de passage, un refuge qui n’appartient à personne mais que chacun peut utiliser. » Ceci explique sans doute pourquoi Bruxelles a accueilli tant d’exilés au cours de l’histoire. En période de désespoir, cela me fait penser à l’un des plus célèbres d’entre eux : Karl Marx. L’histoire dit qu’il aurait rédigé le Manifeste communiste sur les tables de la désormais très chic Maison du Cygne, une ancienne taverne établie dans un bel immeuble baroque de la Grand Place. C’est cela Bruxelles, une ville qui accueille les révolutionnaires, mais pas les révolutions. D’une manière ou d’une autre, théorie et pratique sont ici confrontées pleinement à leur tragique et fatidique séparation. D’un autre côté — oui, vous avez dû remarquer, il y a toujours un « mais d’un autre côté », à Bruxelles.

L’art, comme le reste de la vie ici, est marqué par cette double contrainte d’exaltation et de désespoir, de vivacité et d’ennui, d’obstacles apparemment insurmontables et d’illusion d’une totale liberté. Il y a peu d’investissement dans les arts à Bruxelles de la part de l’administration publique, ce qui donne à sa scène artistique un sentiment général de non officialité, bien que l’agenda de l’art contemporain indépendant www.thewalk.be compte « seulement » onze initiatives et espaces d’art indépendants dans la ville en ce moment. En comparaison, NECA, le guide « officiel » des galeries, recense trente-huit galeries privées et quinze centres d’art, un mélange d’institutions comme Bozar ou l’artist-run space Établissement d’en face, le centre d’art privé le CAB ou le seul centre d’art municipal, Centrale. Pour le meilleur ou pour le pire, l’art n’a pas été instrumentalisé comme expédient culturel ici. Comme dans les autres champs, les initiatives privées et l’argent privé sont au centre de la plupart des activités. De nouvelles galeries venues de l’étranger ou de Belgique ne cessent de s’y installer. Certaines, comme la pourtant très active lituanienne Tulips and Roses, en viennent aussi à fermer. Mais certaines institutions emblématiques d’Anvers comme la galerie Office Baroque ou le centre culturel flamand pour l’art contemporain NICC y ont emménagé récemment — une installation certainement moins remarquée. Les raisons qui se cachent derrière ces déplacements stratégiques sont, cela va sans dire, différentes pour de riches galeries internationales et pour de petites institutions locales. Trouver des fonds est, pour ces dernières, plus aisé à un niveau régional et, même avec des coupes budgétaires, des institutions comme Objectif à Anvers continuent à maintenir une programmation forte. Mais Bruxelles reste le centre d’action, bien que peu d’initiatives — comme Établissement d’en face ou Komplot — bénéficient d’un soutien financier entièrement public (même si Komplot est hébergé dans un espace privé). Le premier centre d’art contemporain de Bruxelles, le Wiels, est l’exemple le plus remarquable de financement mixte, chose rare pour une institution de ce type et de cette taille en Europe.

Photo : Vessela Nozharova, Bruxelles / Brussels, La Grande Place, 2005.

Photo : Vessela Nozharova, Bruxelles / Brussels, La Grande Place, 2005.

L’on sait que ce fut une tâche longue et ardue que de créer et de financer le Wiels qui, dans sa courte histoire, a failli fermer déjà plusieurs fois en raison d’un manque ou d’une absence de subventions publiques. Le Wiels est le produit d’une vision et le fruit de la persévérance d’individus, comme Herman Daled ou son actuel directeur Dirk Snauwaert dont l’implication dans la scène locale est à la hauteur de sa renommée internationale. Le Wiels était très attendu et il n’a pas déçu ces attentes. Il a effectivement créé ici un réel changement dans les arts notamment en renforçant le sentiment d’une scène propre à la ville. « Il a aussi permis de créer une conscience publique de l’art plus importante » ajoute Anne-Claire Schmitz, la directrice d’un nouvel espace d’initiative privée à Bruxelles qui a rapidement gagné en importance : La Loge.

Beaucoup semblent s’accorder sur le fait que s’il y a une scène en effervescence à Bruxelles, c’est bien celle de la performance (qui doit certainement au succès, là aussi très personnel, d’Anne Teresa De Keersmaeker). Kaai theater, P.A.R.T.S l’école de danse de De Keersmaeker ou Kunstenfestivaldesarts ont une programmation d’un niveau exceptionnellement élevé, de bons financements (côté flamand) et, par-dessus tout, un sens de la direction et une ambition assez inhabituels pour Bruxelles.

Il est évidemment difficile de dire ce qui sera le mieux pour Bruxelles : de surmonter ses contradictions ou de continuer à être étouffée par elles. Je suis à peu près sûre que la plupart des gens du monde de l’art — qu’ils soient locaux ou internationaux— qui en ont fait leur chez-eux, espèrent secrètement que la ville va rester ce no-man’s land au centre de l’Europe dans lequel l’énergie continuera à s’abîmer dans une sorte trou noir, créant au passage quelques vagues, peut-être plus importantes qu’auparavant, mais pas un phénomène digne d’attirer trop de hype médiatique. Nous pourrons alors continuer à nous plaindre, mais nous y reviendrons aussi.

De retour d’Anvers où nous avions discuté avec Chris Fitzpatrick, le directeur d’Objectif, de l’importance des subventions publiques pour l’art en dépit des pressions politiques ou populistes qui peuvent y être associées, je bavardais avec Raimundas Malasauskas, curateur désormais basé à Bruxelles. J’admets volontiers que j’espérais qu’il me gratifierait de quelques-uns de ses aphorismes plutôt sombres à propos de Bruxelles qui reflètent parfaitement mes sentiments, mais en mieux formulé. « J’ai exactement trente amis à Bruxelles, dit-il, et je projette de tous les inviter à dîner un jour. » Vous pensez qu’il aura besoin d’une grande table ? Rassurez-vous, il n’y en aura jamais plus de cinq à la fois à Bruxelles au même moment.

« Penses-tu que Bruxelles soit un nouveau Berlin? », lui demandai-je, tentant de couvrir le bruit du moteur de la voiture – c’est une vieille voiture que la mienne. « Quoi ? Le nouveau Berne ? » « Non, répétai-je plus fort, le nouveau Ber-lin ! » « Eh bien, je pense sans aucun doute que Bruxelles est le nouveau Berne, approuva-t-il, et tu peux me citer ! »

  1. Le Salon
  2. La population totale de la Région de Bruxelles est d’un peu plus d’un million d’habitants.

Brussels, the new Bern.

Just what is it that makes Brussels today so different, so appealing for artists, galleries, writers, curators, and art lovers alike? Why do newspapers and magazines from the New York Times to Metropolis M to random blogs, proclaim it is the new Berlin? Why do so many young, mainly French, people disembark from the Thalys train each year to study art here or simply to live and work in the city as artists? Is Brussels the new Berlin, a little Paris, or just a grey but well-connected city in the North, slightly more exciting than Lille?

Anybody who knows Brussels well enough is not really impressed by the hype. For one thing, it is not entirely new. Recently Le Salon – a web platform dedicated to the contemporary art scene in Brussels – reprinted an article from a 1974 issue of the magazine Studio International (London) titled “Incredible Belgium [1]”. It is striking how little seems to have changed. The enigma and excitement Brussels offers is the same. You change the names of the protagonists and you get the picture of what the Brussels context is like today. The shows with acclaimed international artists, the energy of the galleries but also the lack of government support and the dearth of museums dedicated to contemporary art. Brussels has been “incredible” for at least forty years. The difference — and this is a global and not uniquely Belgian phenomenon — is that back then these problems concerned a very small circle of people involved with Conceptual Art, while today we can speak of a trend. The sheer number of openings, people and venues is something Brussels has never experienced before.

We can, however, trace the myth of Brussels at least back to the 1970s. It would be safe to say that the myth of the Belgian collector for example was created around just a handful of collections from that time – most notably the Daleds in Brussels and the Herberts in Ghent. This partnership between artists and collectors remains pretty much unique in history. Belgium was a welcoming island for conceptual artists, who found here intellectual and financial support. Not unlike today, it was also to a large extent transport connections that allowed the presence of artists coming from far away and contributed to the vitality of the scene. If today it is the Thalys and the Eurostar that secure Brussels’s unique position, in the 1960s and 1970s Brussels was the connecting airport for many cross-Atlantic flights.

Indeed traffic is a good metaphor for Brussels. I still remember the first time I arrived here, getting out of the Midi station onto the evening streets, some ten years ago. The city was empty. There were no people, only cars. My first memory of Brussels is a traffic jam. The capital is a place of passage and a city of commuters. Mobility is a key concept in the urbanism of Brussels, confirms architect Nicolas Firket of NFA. Firket is at work on a new master plan for the Midi train station area. When I ask him what kind of developments we could expect for the neighbourhood, which at the moment doesn’t present a very appealing face of Brussels to newcomers, he says that any expectation should first address the issue of mobility. This is a language of central importance for all public authorities and an instrument of power.

On an international level, Brussels is well located, so you eventually find yourself passing through. Those of us who stay don’t even need to actually live here, rents are cheap which makes Brussels one of the few capitals in the world, where you can be based while virtually never being there. On the other hand a lot of artists are working in Brussels but do not exhibit or sell their work here. On a local and non-artistic level, most people working in the Brussels region commute from surrounding Flanders. The problem is that Brussels is not simply a capital city in which the rest of the country should project material and symbolical wealth. Brussels is a region in its own right, which has to compete with the other two, much stronger regions – Flanders and Wallonia, which have their own agendas within the city. On a practical level this accounts not only for the impressive traffic jams but also for the capital’s shocking poverty. The city has to provide the infrastructure for a significant number of commuters who pay taxes to the regions they are coming from. The European institutions alone bring in either directly or indirectly some 100 000 people, who are not really concerned with the city’s interests and do not pay taxes [2]. The cosmopolitan expansion that Brussels has been experiencing in recent years has not been capitalised on by the public authorities, confirms Nicolas Firket. Money, just like people, is only passing through.

In the years since the European parliament opened here in 1993 and the majority of EU activities were concentrated in the Belgian capital, the city has become truly international and attracted all kinds of expat crowds. If before the “incredibleness” of Brussels was already exciting for a few international connoisseurs, it gradually became accessible to “normal” people with well-paid jobs. These people wanted cafés, trendy bars, chocolate shops and designer boutiques. So entrepreneurs, fashion, design, galleries followed. Add to this the city’s fame as a place of financial exile for wealthy French people who have attracted the attention of glossy magazines, and Brussels is suddenly on the world map like it has never been before. There may be more and more art people moving to Brussels but they do not constitute a comparable critical mass.

Photo : Vessela Nozharova, Bruxelles / Brussels (saucisses, sausages), 2005.

Photo : Vessela Nozharova, Bruxelles / Brussels (saucisses, sausages), 2005.

These extremes leave their imprint on the city itself. Bussels is changing but not in similar ways everywhere, everything seems to move at two speeds. Most artists are based in large but generally poor neighbourhoods – St. Gilles, Forest, Anderlecht, Schaerbeek and Matonge have changed little over the past ten years. The feeling in thel is very “local”, the buildings are run down, there isn’t much going on and you are very unlikely to see men in suits going to the office. But it suffices to move around a little bit — Ixelles, the European neighbourhoods and the city centre — to see a much more prosperous and fast developing side of Brussels.

The art scene is certainly on the move too, but is anything really new happening? There is a lot going on but the overall circumstances often seem too complicated for any major qualitative change to take place. In reality, this is also why we all like Brussels. There seem to be no rules, it has been abandoned by the country’s politics, there is no public goal or decisive agenda being imposed on anything. Brussels is free for the taking. Here everybody is a foreigner literally or figuratively speaking. “It is like a mountain hut – remarks France-based performance artist Valentina Desideri who is also passing through – a refuge that does not belong to anybody but everybody can use.” This probably explains also why Brussels was such a preferred place for exile throughout history. In times of desperation, it often helps me to think of one of the most famous non-French people among them – Karl Marx. The story goes that he used to write the Communist manifesto on the tables of the now quite expensive Maison du Cygne – a former tavern in a beautiful baroque building on the Grand Place. This is what Brussels is about – it brilliantly plays host to revolutionaries, but not revolutions. Somehow theory and practice are fully confronted here by their fateful and tragic separation. On the other hand – oh well, you’ve figured that out already, there is always “but on the other hand in” Brussels.

Art, just like the rest of life here, is marked by this double bind of exhilaration and desperation, of vivacity and boredom, of seemingly insurmountable obstacles and illusions of total freedom. There is little dedicated investment from the public administration in the arts in Brussels, which gives its art scene a kind of a general non-official feel, although the independent art agenda www.thewalk.be, lists “only” eleven independent art spaces and projects in Brussels at the moment. In comparison the “official” gallery guide NECA lists thirty-eight private galleries and fifteen art centres, a mix of institutions like fine arts centre Bozar or the artist-run Etablissement d’en face, the CAB private art centre, and the only municipal contemporary art centre, Centrale. For better or worse art has not been exploited as a cultural expedient here. As in every other field, private initiatives and private money are at the centre of most activities. New galleries keep moving in from abroad or from within Belgium. Some like the formerly very active Lithuanian Tulips and Roses eventually close down too. But then, some of Antwerp’s emblematic institutions such as Office Baroque gallery and the Flemish cultural centre for contemporary art NICC both relocated to Brussels recently – a probably less obvious move. The reasons behind these strategic displacements are needless to say different for wealthy international galleries and for small local institutions. Financing for them is easier on a regional level, and even with funding cutbacks, institutions like Objectif in Antwerp for instance continue to sustain a strong programme. But Brussels remains the centre of action, although few initiatives here – like Etablissement d’en face and Komplot – benefit from entirely public support (although Komplot is accommodated in a privately owned space). The first contemporary art centre in Brussels, the Wiels is the most notable example of mixed financing, something rare for an institution of such type and scale in Europe.

It was a notoriously long and arduous task to create and finance the Wiels, which in its short history has nearly closed down a couple of times due to failing or inconsistent public support. The Wiels is also mostly the product of the vision and persistence of individuals, such as Herman Daled and its current director Dirk Snauwaert whose involvement with the local situation is on a par with his international authority. Wiels was very much awaited and certainly lived up to expectations. It effectively created a very tangible change in the arts in the capital not least by consolidating a feeling of a scene peculiar to Brussels. “It also created more public consciousness about art”, adds Anne-Claire Schmitz who is the director of a new Brussels venue rapidly becoming a major one – the privately initiated La Loge.

Most people seem to agree that if anything in Brussels is really buzzing this is the performing arts scene (a legacy to a large extent of the likewise extremely individual success of Anne Teresa De Keersmaeker). Kaai theater, De Keersmaeker’s dance school P.A.R.T.S and the Kunstenfestivaldesarts have an exceptionally high level of programming, good financing (on the Flemish side) and above all a sense of direction and ambition quite unusual for Brussels.

It is indeed hard to tell what will be best for Brussels – will it overcome its contradictions, or continue to be stifled by them? I am quite sure that most of the local or international art people who have made Brussels their home, secretly hope the city will remain the same no-man’s land in the centre of Europe, in which energy will keep falling into a sort of black hole, creating a few waves, maybe bigger than before, but not a phenomenon worthy of too much media hype. Then we can go on complaining, but keep coming back.

Driving back to Brussels from Antwerp where with Objectif’s director Chris Fitzpatrick we discussed the importance of public support for art despite any populist or political pressures that might be associated with it, I was talking to now fellow Brussels-based curator Raimundas Malasauskas. I must admit I was hoping he would repeat some of his rather dark aphorisms about Brussels, which mirror my own feelings, but are just better formulated. “I have exactly thirty friends in Brussels he said, and I plan to invite them all for dinner one day.” You think he would need a big table? I can reassure you, there won’t be more than five of them in Brussels at the same time.

Do you think Brussels is a new Berlin?”, I asked him in the car over the noise of the engine – I have an old jalopy. “What? The new Bern?” “No, I repeat louder, the new Ber-lin!” “Well, I definitely think Brussels is the new Bern, he nods, you can quote me on that.

  1. Le Salon
  2. The total population of Brussels Region is a little over a million.
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par CRO : Félicien Grand d'Esnon et Alexis Loisel-Montambaux