Derniers usages de la littérature II
Le premier volet de cette série de textes sur l’art et la littérature [1] posait les jalons d’une réflexion sur les liens qu’entretiennent ces deux champs à travers des exemples tirés d’œuvres et d’expositions récentes. En ce qui concerne les premières, certaines tentaient d’instaurer un rapport formel fort entre l’objet livre et la production plastique : le livre demeure une source d’inspiration très importante pour de jeunes artistes dans les productions desquels il apparaît comme un élément récurrent. Au-delà de l’inclusion de ce dernier dans des installations complexes – traité comme un matériau comme un autre – le texte est lui aussi de plus en plus la cible d’artistes qui en font le cœur de leurs interventions, le rallongeant, le triturant, le privant de ses atours paratextuels ou encore le « ré-esthétisant » (la nouvelle traduction d’Au cœur des ténèbres de Conrad par les mots de l’artiste — Thu van Tran — ou encore le « toilettage » du texte du Moby Dick par Daniel Gustav Cramer participent de cette tendance à vouloir intervenir plastiquement sur le corpus même de l’écrit). La question de l’imbrication des deux champs est par ailleurs reposée via la question morale de l’œuvre littéraire et de sa portée générale sur la création, son influence sur une époque : ainsi de Finnegans Wake de James Joyce qui devient le sujet d’un documentaire de Dora Garcia sur la Joycean Society ou encore de Raymond Roussel inspirateur de Duchamp et de toute une génération d’artistes. En ce qui concerne l’exposition, l’exemple de L’Image papillon au MUDAM pointait la limite d’une transcription d’un champ à l’autre et l’absence d’un équivalent à la pratique de W. G. Sebald d’inclusion de l’image dans le texte.
Dans ce second volet, nous essaierons de poursuivre ce questionnement en envisageant le lien de la littérature avec l’art à travers des pratiques d’accumulation de son support habituel, le livre, et sa manière usuelle d’être stockée, à savoir la bibliothèque. Cette dernière, qu’elle soit publique ou privée, gigantesque ou minuscule, peut toujours prétendre au statut d’installation et, par-delà, au rang d’œuvre d’art. Parce qu’elle cristallise nombre de préoccupations allant de la transmission effective des connaissances jusqu’à l’expression des narcissismes en passant par la réinvention de l’autobiographie et l’utilisation du livre en tant que motif, la bibliothèque est un objet complexe qui se situe au beau milieu de pratiques artistiques nouvelles qui cherchent à rapprocher deux disciplines a priori éloignées.
La littérature toute entière est hantée par la grande bibliothèque, c’est peu de le dire. La bibliothèque de Babel, cette nouvelle de Jorge Luis Borges publiée en 1941 dans le mythique recueil Fictions, reste l’indépassable sommet du genre où s’épuise l’imaginaire bibliophile en de vertigineuses spéculations. Si elle a connu tant de succès et demeure un chef-d’œuvre absolu, c’est peut-être parce qu’elle synthétise et potentialise le pouvoir du livre comme gisement de savoir et de dé-savoir infini, d’utopie et de contre-utopie, de vérité et de contre-vérité : ce n’est pas tant la forme classique et dandyesque de l’écriture de Borges qui lui confère sa force que ce qu’elle recèle d’incernable en même temps qu’elle nous donne une forme palpable de l’infini. L’œuvre de Borges ne cesse de poser la question de l’origine et de la fin d’une telle construction et bifurque vers une dimension ouvertement métaphysique [2]. La modernité de cette œuvre réside cependant dans sa très contemporaine résonance avec les puits de connaissance que sont devenus les moteurs de recherche et autres encyclopédies virtuelles type wikipedia. Ce que le maître argentin avait imaginé comme ne pouvant relever que de la puissance divine — la production et l’accès à des connaissances de manière quasi infinie — l’humanité laborieuse et inventrice s’est évertuée à le rendre aussi banal que le geste de se préparer un café avant d’allumer son ordinateur.
La déconstruction du mythe babélien par la puissance du numérique trouve de multiples échos chez les artistes, même si la fascination pour ces grandes installations spontanées que sont les bibliothèques reste intacte. Chez Hans-Peter Feldmann, par exemple, les Bookshelves reprennent à l’échelle 1/1 des alignements de livres tels que l’on peut les retrouver dans la plupart des intérieurs de bibliophiles. Avec ces photographies qui reproduisent à l’identique, de manière quasi tautologique – si l’on excepte cependant le noir et blanc qui symbolise le passé et surjoue le rapport à l’archive – la « muralité » d’étagères remplies de bouquins, ce sont toutes ensemble les dimensions domestique, ornementale et éminemment plastique de la bibliothèque qui sont mises en avant. La pratique de l’artiste allemand qui consiste généralement à collecter des multitudes d’images « génétiquement » proches pour les réunir dans des albums ou des grandes installations qui les déhiérarchisent en nivelant leur portée symbolique se retrouve ici dans la mise à plat qu’opère la photographie. Les livres, dont la présence n’est plus signifiée que par les alignements de leurs dos desquels émergent les titres, deviennent le motif de ces grandes compositions sérielles. L’esthétisation qui en découle se fait au détriment du caractère « organique » de la bibliothèque, altérant ainsi sa dimension mythique.
Creusant ce sillon de la désacralisation, de nombreux artistes pratiquent des coupes, recréent des partitions, fragmentent l’entité première. Ainsi, A hole in the shelf (2006) d’Aurélien Froment procède de la même intention : le titre pour le moins factuel de la pièce fait état d’une rupture dans son organisation et son fonctionnement (mais chaque bibliothèque n’est-elle pas destinée, de par sa constitution même, à vivre avec ce genre de paradoxe ?) sans toutefois dramatiser cette « mutilation » comme le fait Borges dans sa nouvelle [3]. L’artiste a recomposé un mini récit à partir des titres des ouvrages sur le mode du cadavre exquis, abandonnant tout principe d’érudition au profit d’une logique ludique qui fait se juxtaposer deux livres de science-fiction, celui, célèbre, de Robert Heinlein, Tomorrow the stars à un autre totalement inconnu, The stars road : il crée ainsi un nouvel itinéraire parfaitement arbitraire au sein d’une bibliothèque déjà « orientée », celle d’Arcosanti [4]. Mais le cadavre exquis se double d’une boucle qui reconduit à la case départ. Borges, dans la mission affectée aux inquisiteurs de décoder le sens de la Bibliothèque de Babel évoque aussi l’idée d’une circularité présidant à la disposition des rayonnages : la boucle, au même titre que l’existence d’un livre qui synthétiserait l’infinité du savoir, fait partie de ses obsessions [5]. L’œuvre de Froment y répond de manière légère, joueuse et même falsificatrice (en incluant un faux livre réalisé par l’artiste lui-même pour rendre la boucle opérante) : l’absence de qualité des livres écornés et leur rapprochement irrespectueux de la notoriété des auteurs participe de la désacralisation du Livre en mettant en avant une bibliothèque d’un genre (la SF) qui, jusqu’à très récemment, ne bénéficiait pas vraiment de la considération accordée à la « grande » littérature [6].
Chez Julien Prévieux, la bibliothèque occupe une place centrale puisque deux de ses œuvres majeures, La totalité des propositions vraies (avant) et Forget the money, en empruntent la forme. La première fut présentée à La Force de l’art en 2009 et témoigne du risque d’obsolescence qu’encourent les publications qui se situent à la marge de la scientificité officielle. Réorganisée selon le bon vouloir de l’artiste qui n’est pas sommé de respecter la logique des savoirs institués, cette bibliothèque constituée d’ouvrages qui, en leur temps, ont pu faire illusion sur leur degré de pertinence scientifique, reconstitue une espèce de corpus de vérité parallèle au corpus officiel chargé de véhiculer la pensée juste. Elle met en lumière la difficulté pour tout savoir et pour tout outil lié à la connaissance de se maintenir à la pointe et interroge en même temps les mécanismes qui président à ces logiques de validation des savoirs en place. Pour ces ouvrages qui, à la date de leur publication, ont pu faire illusion et apparaître comme des percées théoriques, le verdict historique est d’autant plus fatal à leur endroit que le design graphique de leurs couvertures est singulièrement agressif ; de cette marginalisation non voulue se dégage une certaine forme de poésie. Mais cette œuvre parle aussi de la dimension commerciale de l’édition qui fait du livre un produit culturel comme un autre, et donc un produit sujet à péremption. Il faut noter aussi la forme extrêmement spécifique de cette bibliothèque au design ovniesque parfaitement en accord avec les publications qu’elle supporte. Elle répond, en la prolongeant, à la réflexion de Feldmann sur la bibliothèque comme objet à la fois fonctionnel, symbolique et décoratif. L’autre pièce de Julien Prévieux est plus récente et, d’une certaine manière, bien plus liée à l’actualité puisqu’elle fut réalisée en 2011, en réaction à l’affaire Madoff. Ce dernier, qui défraya la chronique en réalisant une des plus grosses filouteries de tous les temps, possédait comme toute personne fortunée une bibliothèque plutôt fournie. Suite à l’obligation qui lui fut faite de vendre tous ses biens pour rembourser les victimes de sa colossale arnaque, ses livres se retrouvèrent bientôt mis aux enchères et l’artiste prit une part active à ces dernières pour constituer une œuvre entièrement issue de la bibliothèque de l’ex-trader. Les choix « littéraires » de Madoff portaient principalement sur des thrillers et des best-sellers qui, avec du recul, témoignent d’un indéniable caractère prémonitoire : End in tears, No second chance, The investigation, White shark, etc. Parallèlement à leur présentation linéaire sur étagères, l’artiste, en prélevant parmi ces ouvrages des extraits où figurent le mot money, constitue une constellation d’indices ne pouvant qu’induire la lecture d’un drame annoncé ; ce faisant il s’érige en biographe impromptu d’une destinée exemplaire et renouvelle radicalement le genre en l’hybridant d’un passage réussi par l’art contemporain.
La biographie peut sans conteste être considérée comme une part non négligeable de la littérature, au moins en volume sinon en reconnaissance. Encore une fois, il n’est pas question dans le cadre de cette étude, de faire l’analyse de l’évolution de la littérature à travers l’émergence des différents genres ni de décider de la pertinence de la biographie comme genre littéraire : la biographie et son pendant indissociable l’autobiographie peuvent cependant être considérées comme étant au centre de la galaxie littéraire pour de multiples raisons. Il suffit ici de reconnaître qu’elles satisfont à nombre de critères qui caractérisent la littérature toute entière dont le degré de « fictionnalité » est peut-être le sujet le plus important. Ici, ce qui nous préoccupe est de savoir comment les deux champs peuvent s’enchevêtrer et se stimuler réciproquement dans un ressourcement bénéfique. Si la littérature — Roussel, Joyce, Borges… — inspire sûrement les artistes, l’inverse est beaucoup moins flagrant. La démarche de Sebald tentant d’incorporer de l’image en plein texte reste largement isolée et apparaît comme l’aveu de l’incontournable prégnance sociétale et cognitive de cette dernière mais aussi comme la volonté d’augmenter les possibilités de l’écriture. Si l’écrivain anglo-allemand intègre dans ses récits des images qui interrompent la chaîne verbale, c’est que ces dernières n’agissent plus comme « renfort du verbe mais s’y substituent [7] ». Le texte sebaldien prend acte de l’insuffisance de la littérature à absorber la complexité du monde et de la nécessité d’y réintroduire ces véritables corps étrangers que sont les images. Ce faisant, il accomplit ou fait accomplir au lecteur une véritable mutation dans le sens où il le fait passer du stade de « simple » lecteur à celui de lecteur spectateur [8].
Parmi les multiples facettes du travail de Jacques André, ses re-constitutions de stocks d’ouvrages occupent une place très particulière. L’artiste bruxellois ne se contente pas de racheter massivement des exemplaires de livres disparus de la circulation afin de recréer les conditions originelles de leur apparition dans les librairies, refaisant ainsi le chemin inverse de leur mode de dispersion dans le commerce, il sélectionne ces « achats à répétition » de livres selon des protocoles et des logiques spécifiques qui l’apparentent par certains côtés aux surréalistes. Les livres ne sont bien entendu pas achetés au hasard : pour chaque série, il s’agit de privilégier un auteur et une publication qui a fait date – souvent l’auteur d’un seul livre – comme le fameux Do it de Jerry Rubin qui a, à sa manière, correspondu à un mouvement générationnel, celui des hippies et de son prolongement soixante-huitard. La révolution sexuelle en est un autre exemple qui fait apparaître son penchant pour les théoriciens que l’histoire n’aura pas retenus au nombre de ses représentants majeurs. Mais les choix peuvent se faire aussi de manière beaucoup plus joueuse, ressuscitant à travers les displays des caractéristiques importantes de la vie des auteurs comme le fait de vouloir présenter côte à côte deux piles de douze livres d’André Bazin, Qu’est ce que le cinéma ? qui fait bien évidemment référence au vingt-quatre images par seconde du cinéma de l’époque. Se dégage alors une espèce de portrait en creux de l’artiste via l’agrégation de tous ces auteurs dont on comprend aisément qu’ils ont participé à sa constitution intellectuelle, à sa formation morale et politique mais aussi à l’édification de son goût. À l’inverse de la pièce de Prévieux qui tentait de réécrire la destinée de Madoff à la lumière des choix inconscients de ses livres fétiches, l’œuvre de Jacques André apparaît comme une composition très consciente de sa propre biographie via l’organisation des motifs livresques. Empruntant clairement à l’art de l’installation, à l’art conceptuel et à un surréalisme revisité, la pratique d’André croise le chemin de la littérature via un détour sculptural tout à fait probant : elle cherche à fusionner efficacement ces deux champs, à l’instar de l’écriture de Sebald, quand il apparaît que l’un des deux ne suffit plus pour appréhender le monde dans sa complexité.
- ↑ Cf. Patrice Joly, « Derniers usages de la littérature », 02 n°67, automne 2013. Disponible sur zerodeux.fr
- ↑ « l’univers, avec son élégante provision d’étagères, de tomes énigmatiques, d’infatigables escaliers pour le voyageur et de latrines pour le bibliothécaire assis, ne peut être que l’œuvre d’un dieu. » Jorge Luis Borges, La bibliothèque de Babel, in Fictions, Folio, nouvelle édition augmentée, 1983, p. 73.
- ↑ « En premier lieu la Bibliothèque est si énorme que toute mutilation d’origine humaine ne saurait être qu’infinitésimale. » Idem, p. 78.
- ↑ Lors de ses séjours à Arcosanti — communauté intentionnelle et village écologique fondé par l’architecte visionnaire Paolo Soleri dans les années soixante-dix au nord de Phoenix en Arizona — Aurélien Froment eut l’occasion de fréquenter la bibliothèque du centre d’accueil particulièrement riche d’ouvrages de science-fiction dont il emprunta certains exemplaires pour réaliser cette œuvre.
- ↑ « Antique problème où j’insinue cette cette solution : la Bibliothèque est illimitée et périodique », Jorge Luis Borges, op.cit., p. 81.
- ↑ « La SF est un sous-genre qui possède sa popre histoire formelle, laquelle est complexe, intéressante, et douée d’une dynamique propre qui, pour n’être pas celle de la grande culture (ou du modernisme), se trouve néanmoins inscrite dans un rapport complémentaire et dialectique avec cette dernière. » Fredric Jameson, Archéologies du futur, tome 2 : Penser avec la Science-fiction, chapitre 1 : Progrès contre utopie ou Peut-on imaginer le futur ?, Milo, p. 11.
- ↑ Martine Carré, W. G. Sebald, le retour de l’auteur, Presses universitaires de Lyon, p. 48.
- ↑ « En lui faisant expérimenter successivement le verbe et l’image, le texte le renvoie à deux réalités : celles de la tradition qui l’a construit comme lecteur et celle de son époque qui l’invite à se penser aussi comme spectateur. Les images, devenues facilement reproductibles et aisément manipulables, sont venues bouleverser le champ des pratiques culturelles. Elles s’imposent dans le monde et dans la fiction et appellent des comportements heméneutiques nouveaux. » Idem.
The Last Uses of Literature II
The first part of this series of essays about art and literature [1] staked out a line of thinking about the links between these two fields, using examples drawn from recent works and exhibitions. As far as the former are concerned, some tried to introduce a formal relation between the book as object and visual production: the book is still a very important source of inspiration for young artists in productions in which it appears like a recurrent factor. Over and above the inclusion of books in complex installations—dealt with like any other material—the text is also being increasingly targeted by artists making it the nub of their interventions, by making it longer, distorting it, stripping it of its para-textual attire, and “re-aestheticizing” it (the new translation of Conrad’s Heart Of Darkness using the words of the artist Thu van Tran, and the “grooming” of the text of Moby Dick by Daniel Gustav Cramer are part of this trend where people want to intervene in a visual way in the actual body of the text). The issue of dovetailing the two fields is being raised anew by way of the moral question of the literary work and its general impact on creation, and its influence on a period: so it is with James Joyce’s Finnegans Wake which becomes the subject of a documentary by Dora Garcia about the Joycean Society, and Raymond Roussel, who inspired Duchamp and a whole generation of artists. As far as the exhibition is concerned, the example of “L’image papillon” presented last summer at the MUDAM pinpointed the limit of a transcription from one field to another and the absence of any equivalent to Sebald’s practice of including imagery in the text.
In this second part we shall try to pursue this line of questioning by looking at the link between art and literature through accumulative practices involving its usual medium, the book, and its usual way of being stored, namely in libraries. These latter, be they public or private, gigantic or tiny, can always lay claim to installation status and, thereby, to the rank of artwork. Because the library crystallizes many concerns ranging from the effective transmission of knowledge to the expression of forms of narcissism, by way of the re-invention of the autobiography and the use of the book as a motif, it is a complex object situated slap-bang in the middle of new artistic practices which are seeking to draw together two on the face of it very separate disciplines.
It would be an understatement to say that the whole of literature is haunted by the great library. The Library of Babel, the short story by Jorge Luis Borges published in 1941 in the mythical collection Fictions, is still the peerless acme of the genre, in which the bibliophile imagination becomes exhausted by dizzy-making speculations. If this tale has enjoyed so much success and remains an absolute masterpiece still, this is perhaps because it summarizes the power of the book, and lends it its potential, as an infinite deposit of knowledge and un-knowledge, utopia and counter-utopia, truth and untruth: it is not so much the classical and dandy-like form of Borges’s writing which gives it its strength as the fact that it contains things indefinable, at the same time as it gives us a tangible form of the infinite. Borges’s œuvre is forever asking the question about the origin and end of such a construction, and veers towards an overly metaphysical dimension [2]. The modernity of this œuvre nevertheless lies in its very contemporary echo with the founts of knowledge that search engines and virtual encyclopaedias like Wikipedia have become. What the Argentinian master had imagined as only possibly stemming from divine power—the production of and access to knowledge in an almost infinite manner—, hardworking and inventive humanity has done its utmost to render as commonplace as the gesture of making yourself a cup of coffee before turning on your computer.
The deconstruction of the Babel myth through the power of the digital finds many an echo among artists, even if the fascination with these great spontaneous installations called libraries remains intact. With Hans-Peter Feldmann, for example, the Bookshelves depict, on a 1:1 scale, rows of books as can be found in the homes of most bibliophiles. With these photographs which identically—and in an almost tautological way, if we nevertheless except the black and white that symbolizes the past and overplays the relation to the archive—reproduce the “on-the-wallness” of shelves filled with books, it is the domestic, ornamental and eminently visual dimensions of the library which are emphasized all together. The German artist’s praxis, which generally consists in collecting whole hosts of images that are “genetically” close, and then putting them together in albums and large installations which relieve them of any hierarchy by levelling their symbolic scope, recurs here in the planeness introduced by photography. The books, whose presence is now only signified by the rows of their spines from which the titles emerge, become the motif of these large serial compositions. The aestheticization that results happens to the detriment of the “organic” character of the library, thus altering its mythical dimension.
In going deeper into this demythologization, many artists make cuts and sections, re-create partitions, and break up the primary entity. So Aurélien Froment’s A Hole in the Shelf (2006) proceeds from the same intention: the nothing if not factual title of the piece describes a rupture in the way it is organized and functions (but is not each and every library fated to experience this kind of paradox, by virtue of its very constitution?) without, however, dramatizing this “mutilation” the way Borges does in his short story [3]. The artist has put back together a mini-narrative based on the books’ titles in the manner of the game of consequences (also known as the “Exquisite Corpse” game), abandoning any principle of erudition in favour of a playful logic which creates a juxtaposition of two science-fiction books, Robert Heinlein’s famous Tomorrow the Stars, and another totally unknown one called The Star Road. In so doing he creates a thoroughly arbitrary new itinerary with an already “oriented” library, the one in Arcosanti [4]. But the exquisite corpse is coupled with a loop which leads back to go. In the mission entrusted to the inquisitors to decipher the meaning of the Library of Babel, Borges also conjures up the idea of a circularity presiding over the arrangement of the shelving: the loop, just like the existence of a book summarizing the infiniteness of knowledge, is one of his obsessions [5]. Froment’s work responds to this in a lighthearted, larksome and even falsifying way (by including a phoney book made by the artist himself to make the loop operative): the lack of quality in the dog-eared books and their disrespectful comparison with the authors’ fame is part and parcel of the demythologization of the Book by highlighting a library of a genre (sci-fi) which, until very recently, did not really enjoy the esteem afforded “great” literature [6].
In Julien Prévieux’s œuvre the library has a central place, because two of his major works, La totalité des propositions vraies (avant) and Forget the Money, borrow its form. The former was shown at La Force de l’Art in 2009, and illustrates the risk of obsolescence run by publications which are situated on the sidelines of official scientificity. Reorganized as the artist sees fit—and he is not bound to respect the logic of instituted knowledge—, this library, made up of books which, in their day, were able to create an illusion about their degree of scientific relevance, re-constructs a sort of corpus of truth parallel to the official corpus responsible for conveying prevailing thinking. It sheds light on the difficulty for all knowledge and for all tools connected with knowledge to stay in the forefront, and at the same time it questions the mechanisms which govern these systems of logic validating established areas of knowledge. For these books which, on their publication date, were able to create illusions and appear like theoretical breakthroughs, the historical verdict is all the more fatal in their regard because the graphic design of their covers is singularly aggressive; from this unwanted marginalization there emanates a certain kind of poetry. But this work also talks about the commercial dimension of publishing which makes the book a cultural product like any other, and thus a product liable to lapse. We should also note the extremely specific form of this library with its UFO-like design making a perfect link with the publications it holds. By extending it, it responds to Feldmann’s thinking about the library as an at once functional, symbolic and decorative object. Julien Prévieux’s other piece is more recent and, in a way, much more closely tied to topical news, because it was produced in 2011, as a reaction to the Madoff affair. Like any wealthy person, this man who became the talk of the town by engineering one of the biggest financial swindles of all time, had a rather well-stocked library. After being forced to sell off all his possessions to pay back the victims of his colossal scam, his books were before long put up for auction, and the artist took an active part in those sales in order to create a work resulting entirely from the former trader’s library. Madoff’s “literary” choices are focused mainly on thrillers and bestsellers which, with hindsight, have something undeniably premonitory about them: End in Tears, No Second Chance, The Investigation, White Shark, and the like. In tandem with their linear presentation on shelves, by taking extracts from these books featuring the word “money”, the artist forms a constellation of clues from which one can only induce the reading of a drama foretold; in so doing, he sets himself up as an impromptu biographer of an exemplary destiny and radically renews the genre in hybridizing it by a successful shift through contemporary art.
Biography can be indisputably regarded as a not inconsiderable part of literature, at least in terms of volume, if not of acclaim. Once again, it is not a question, within the bounds of this study, to make an analysis of the evolution of literature through the emergence of the different genres, nor come to any decision about the relevance of the biography as a literary genre: the biography and its inseparable counterpart, the autobiography, may nevertheless be regarded as being at the centre of the literary galaxy for many different reasons. Suffice it here to acknowledge that it meets many of the criteria which hallmark literature as a whole, where the degree of “fictionality” is perhaps the most important subject. What concerns us here is knowing how the two fields can be interwoven and mutually stimulate each other in a beneficial regeneration. If literature—Roussel, Joyce, Borges…—undoubtedly inspires artists, the reverse is much less blatantly obvious. Sebald’s method trying to incorporate the image in the body of the text remains pretty isolated and appears like the avowal of the seminal societal and cognitive significance of this latter, but also as the desire to increase the possibilities of writing. If the Anglo-German writer includes in his narratives images which interrupt the verbal sequence, this is because these latter no longer act as a “reinforcement of the word, but replace it [7] ”. The Sebald text takes note of the inadequacy of literature when it comes to absorbing the complexity of the world and the need to re-introduce into it those foreign bodies, no less, which we call images. In so doing, he accomplishes—or gets the reader to accomplish—nothing less than a mutation in the sense that he gets him to shift from the stage of the “simple” reader to that of the reader-cum-spectator [8].
Among the many facets of Jacques André’s work, his re-constructions of stocks of books have a very special place. The Brussels artist is not content to purchase, on a massive scale, copies of books that have gone out of circulation, in order to re-create the original conditions of their appearance in bookshops, thus retracing the reverse path of their manner of dispersal in shops. Rather, he selects these “repeated purchases” of books in accordance with specific procedures and systems of logic which liken him, in certain ways, to the Surrealists. The books, needless to say, are not purchased haphazardly: for each series, it is a matter of singling out a preferred author and a publication that made its mark—often the author of a single book—like Jerry Rubin’s famous Do It, which, in its own way, tallied with a generational movement, that of the hippies and its May’68 extension. La révolution sexuelle is another example which brings out its penchant for those theoreticians whom history would not retain among its major representatives. But choices can also be made in a much more playful way, reviving through displays certain important characteristics of the lives of authors, like the fact of wanting to present, side by side, two piles of twelve books by Hervé Bazin, Qu’est-ce que le cinéma ? which, obviously enough, makes reference to the twenty-four frames per second of films of the day. There thus emerges a sort of portrait, in the negative, of the artist by way of the aggregation of all these authors in whose regard we easily understand how they have taken part in his intellectual formation, as well as in his moral and political formation, not forgetting the edification in his taste. Unlike Prévieux’s piece, which attempted to re-write Madoff’s destiny in the light of the unconscious choices of his fetish books, Jacques André’s œuvre seems like a very conscious composition of his own biography by way of the organization of book-related motifs. Obviously borrowing from installation art, Conceptual Art and a re-visited Surrealism, André’s praxis overlaps with the path of literature via a thoroughly convincing sculptural detour: this is an example of a praxis which is seeking to effectively merge these two fields, like Sebald’s writing, when it appears that one of the two is no longer enough to grasp the world in all its complexity.
- ↑ Cf. Patrice Joly, “The Last Uses of Literature”, 02 n°67, autumn 2013. Available at zerodeux.fr
- ↑ “…the universe, with its elegant endowment of shelves, of enigmatic volumes, of indefatigable ladders for the voyager, and of privies for the seated librarian, can only be the work of a god.” Jorge Luis Borges, The Library of Babel, in Fictions, New York, 1962, p.81.
- ↑ “…the Library is so enormous that any reduction undertaken by humans is infinitesimal.” Idem, p. 85
- ↑ During his stays at Arcosanti — an intentional community and ecological village founded by the visionary architect Paolo Soleri in the 1960s north of Phoenix in Arizona — Aurélien Froment had a chance to spend time in the reception centre library which is particularly well-stocked with science-fiction works, copies of some of which he borrowed to produce this work.
- ↑ “I dare insinuate the following solution to this ancient problem: The Library is limitless and periodic”, Jorge Luis Borges, op.cit., p. 81.
- ↑ “SF is a sub-genre with a complex and interesting formal history of its own, and with its own dynamic, which is not that of high culture but which stands in a complementary and dialectical relationship to high culture or modernism as such.” Fredric Jameson, “Progress versus Utopia; Or Can We Imagine the Future?”, in Science-Fiction Studies, vol.9, 1982, p. 149.
- ↑ Martine Carré, W. G. Sebald, le retour de l’auteur, Presses universitaires de Lyon, p. 48.
- ↑ “By making him experiment successively with the word and the image, the text refers him to two realities: that of the tradition which has constructed him as a reader and that of his day and age which invites him to think of himself as a spectator. The images, which have become easily reproducible and easy to manipulate, have upset the field of cultural practices. In the world and in fiction, they impose and summon new forms of hermeneutic behaviour.” idem
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