Histoires d’archives
Le cneai – centre national de l’édition et de l’art imprimé – est consacré à la publication d’artiste. Ses activités recouvrent la réalisation d’éditions et d’expositions ainsi que l’organisation du Salon Light dédié à l’édition indépendante. En outre, il constitue la collection FMRA qui réunit à ce jour environ 10.000 livres, publications et éphéméras de toutes sortes. De par leur forme éditée, les objets qu’elle rassemble connaissent une circulation qui se fait à l’ombre des principaux canaux de diffusion de l’art contemporain. Leur visibilité se construit sur un mode différent de celui des œuvres exposées et implique un autre type de relation avec leur récepteur. Les pages qui suivent résultent d’une plongée dans la collection FMRA.
Toutes produisent cette même sensation sur qui les visite. Elles n’ont pourtant rien d’identique. Au contraire, chaque archive ayant sa spécialité, sa vocation à circonscrire un domaine, elles ne sont intrinsèquement pas comparables. C’est bien plus un fonctionnement qui leur est commun et qui terrifie, cette tendance à la circonscription justement, cette aspiration à tout absorber. Leur penchant pour l’exhaustivité qui se signale par un refus de laisser le moindre espace vide les fait apparaître comme une somme qui ne connaît pas la distinction. Car tout ce qui touche à leur spécialisation est ici présent et sera rejoint par les documents à venir. C’est cet amoncellement en apparence inépuisable qui trouble le visiteur. C’est de ce caractère inépuisable que naît le « vertige de l’archive » dont parle Georges Didi-Huberman à propos de la perte à laquelle Aby Warburg s’est abandonné dans les siennes[i]. Autre habituée de ces lieux, Arlette Farge, à partir des archives judiciaires du XVIIIe siècle dans lesquelles elle cherche les traces tangibles du passé, décrit « la tension [qui] s’organise – souvent conflictuelle – entre la passion de la recueillir tout entière, de la donner à lire toute, de jouer avec son côté spectaculaire et son contenu illimité, et la raison, qui exige qu’elle soit finement questionnée pour prendre sens »[ii]. Cette connaissance sans borne est ainsi présentée comme en attente d’une mise en action par la raison qui a la charge de pallier à une impossibilité, celle d’embrasser entièrement son assemblage infini. Pour ne pas s’y perdre, on convoque la recherche d’un fil conducteur, l’amarrage à un cheminement possible. Dès lors comment sonder celles du cneai où s’accumule un ensemble hétérogène de reproductions de toutes sortes réalisées par des artistes ? Ici aussi l’accumulation remplace le choix et aucune voie ne semble traçable sans point de départ. Mais se pourrait-il que cette insondable profusion justement nous offre un point de vue sur elle-même ? Se pourrait-il que ce soit le matériau qu’est l’archive qui fasse office de raison pour nous y guider ?
Dans l’amas sans borne qu’est l’archive, tous les documents sont égaux. Le désir de conservation et de collecte impose un nivelage qui ne permet à aucun d’entre eux d’être En position de supériorité[iii]. Tous égaux, ils ne font que disparaître, se cachant les uns les autres, leur conservation signant également leur évanouissement. Dans ce contexte, [supplement] de Yann Sérandour s’affirme avec plus de vigueur que n’importe où ailleurs. Simple feuille portant la phrase « Une aiguille dans une botte de foin » faite pour être glissée dans le catalogue raisonné Specific & General Works de Lawrence Weiner, elle exprime autant le besoin d’accroissement qui fonde la pratique de l’archive que la disparition qui en découle. Car, en effet, outre son évidente volonté de parasiter les signes qui jalonnent l’histoire de l’art, cette œuvre de Yann Sérandour, apparaît comme marquée par une forme de dissolution. Faite pour rejoindre les rayonnages d’une étagère, elle semble vouloir définitivement s’y abandonner, révélant une histoire qui n’en finira jamais d’être oubliée. De fait, cette œuvre que l’on envisage depuis le point de vue que constitue son lieu de conservation produit également un doublement de celui-ci. Et, si l’on accepte de ne plus regarder les productions qui remplissent les archives du cneai comme des productions autonomes, mais qu’on les consulte sur place, se révèle un mouvement d’aller-retour entre le contenu et le contenant. Un mouvement d’autant plus ample lorsque l’on se penche sur certaines pratiques centrées sur l’acte de collection.
L’important travail sur le livre d’artiste qu’a réalisé Anne Mœglin-Delcroix dévoile la naissance de celui-ci sous les auspices de la collection[iv]. Comme elle l’explique, « l’une des raisons, la principale peut-être, du développement du livre d’artiste dans les années soixante et soixante-dix tient à l’introduction, dans les arts plastiques, d’une attitude qui tend à substituer à la création au sens traditionnel du terme des pratiques de collecte, d’enquête ou d’inventaire plus ou moins systématiques, dans un esprit de soumission au réel, voire de renoncement volontaire à l’expression subjective »[v]. En effet, qu’il soit pop, minimal ou conceptuel, l’art en activité au moment où il s’introduit dans le livre pour en faire un médium tente, par différents moyens, d’effacer les traces d’expressivité de leurs auteurs. À l’heure de l’objectivité, le classement séduit. Grâce à lui, toute création peut se soumettre à une modalité d’exécution préétablie, reléguant les incertitudes du choix à la détermination de la raison.
Depuis, la compilation d’éléments plus ou moins identiques assemblés selon des critères objectifs a connu une récurrence qui se poursuit aujourd’hui. Ce serait probablement une simplification de considérer que, depuis les livres d’Ed Rusha, tout imprimé contenant un ensemble d’images présentant le même sujet relève d’intentions similaires. Ne serait-ce que parce que des livres de Hans-Peter Feldmann au numéro un de Page Sucker de Ludovic Burel, on passe d’une volonté d’organiser une collection à la soumission à un ensemble non choisi et à un protocole invariable. Dans les premiers, l’artiste dévoile des parties de sa collection d’images provenant de diverses sources, organisées selon des thématiques qui vont de différentes représentations d’un même type d’objet à des accumulations de points de vue sur le fait de regarder comme c’est le cas dans ses différents Voyeurs. Dans le numéro un de Page Sucker sont compilées des images trouvées sur Internet selon le même mot-clé : Skull[vi]. Il est également évident que, de l’activité de la documentation Céline Duval à un livret réalisé par Daniel Dewar et Grégory Gicquel, on n’a pas à faire aux mêmes enjeux. On retrouve dans chacun un attrait pour l’assemblage d’images vernaculaires, mais on passe d’une pratique qui fait œuvre des gestes de collection et de classement à un travail qui utilise ces mêmes gestes pour une occasion unique dans l’élaboration d’une œuvre sculpturale attachée aux formes populaires[vii]. La première remet inlassablement en jeu et en forme sa collection de cartes postales et d’images privées représentant différentes activités du quotidien au travers, entre autres, de sa Revue en quatre images, une feuille, postée à ses abonnés, sur laquelle sont imprimées quatre images provenant de sa collection sélectionnées par une personne invitée. Les seconds ont compilé dans une édition des images de pêcheurs posant avec leurs poissons.
Mais malgré ces différences, nul doute que des années 1960 à aujourd’hui, l’objectivité de la photographie, les catalogues d’images et le fonds que constitue Internet aient irrigué des pratiques diverses qui, néanmoins, se rassemblent sous le même mot-clé, celui de la collection, moteur de l’archivage. Car toutes ces pratiques ont en commun de composer des corpus dans lesquels, selon des axiomes différents, c’est « l’opération de rassemblement » qui ordonne et par là même décontextualise le matériau qu’elles manipulent[viii]. Les éléments qui nous sont présentés ne sont lisibles que sous la dénomination que leur adjoint l’inventaire dans lequel ils figurent. Ainsi, leurs titres individuels, qui n’apparaissent pas, sont déshonorés. Or, le titre est un ancrage. Faisant office de nom, il introduit un fonctionnement référentiel, il impose une détermination, étant ce qui peut « être lu, archivé, programmé »[ix]. Car, au-delà d’une seule définition, le titre est déjà l’annonce d’une place dans les rangs. En cela, il fait office de référencement.
Dans ces pratiques basées sur la collecte, les images qui en côtoient d’autres, détitrées mais présentant des caractéristiques similaires ou répondant au mot d’ordre qui rationnalise l’ouvrage dans lequel elles s’insèrent, perdent la charge signifiante qui leur était originalement adjointe[x]. C’est donc une question d’inscription qui se joue là et cela à plus d’un titre. En effet, le mot « titre » dérive de titulus qui signifie « inscription »[xi]. Or cette incision semble pouvoir être effacée lorsque l’élément qu’elle accompagnait est déplacé dans un autre environnement, sur un autre support. Lequel connaît lui-même un enregistrement qui lui assigne une place et permet de le retrouver dans un classement. Un classement qui lui-même est guidé par une pensée, car il n’existe pas d’archive sans archiviste[xii]. Ici donc, dans l’archive, ces ouvrages apparaissent comme la reproduction du fonctionnement de la raison qui les assemble. Une reproduction qui, ailleurs, s’applique au contenu de l’archive, certains artistes faisant acte d’exhumation d’ouvrages ensevelis dans l’archive. Continuous Project, un collectif composé de Bettina Funcke, Wade Guyton, Joseph Logan et Seth Price a érigé en pratique le fait de photocopier des publications rares et devenues introuvables pour les remettre en circulation. Leur première publication était une copie du premier numéro de la revue Avalanche datant de 1970. Photocopiée intégralement sur des feuilles de format A3, elle était vendue au prix original de la revue. Si cette seule trace de respect de la notion d’authenticité n’annule probablement pas la spéculation en vigueur sur le marché de l’édition ancienne, elle n’en rend pas moins un contenu à nouveau accessible. Au fil de ses différentes publications, Continuous Project a ainsi permis de lire des documents considérables. Ils leur donnent d’ailleurs véritablement la forme de document du fait qu’ils assument leur nature pauvre de photocopie. Évidemment, il s’agit d’un retour depuis le passé, mais un retour qui n’est que partiel, puisque dépourvu de sa matérialité originelle, un retour incomplet. En cela ce sont des revenants, des Fantômes[xiii].
Dans leur ouvrage L’Écorce et le Noyau, les psychanalystes Nicolas Abraham et Maria Torok développent une analyse de la façon dont les secrets de famille se transmettent d’une génération à l’autre[xiv]. Ils nous rappellent que depuis l’Antiquité existent des croyances selon lesquelles des morts reviennent hanter les vivants. Il peut s’agir de n’importe quel trépassé, mais ceux qui y sont le plus prédestinés sont ceux qui disparaissent en emportant dans la tombe un secret ou dont la disparition est frappée d’ignominie. Ainsi, « le « fantôme » – sous toutes ses formes – est bien l’invention des vivants. Une invention, oui, dans le sens où elle doit objectiver, fût-ce sur le mode hallucinatoire, individuel ou collectif, la lacune qu’a créée en nous l’occultation d’une partie de la vie de l’objet aimé »[xv]. Ce qui hante n’est donc pas une apparition, mais un manque, une disparition à laquelle il faut redonner un corps.
Ainsi ce qui, dans le travail de Yann Sérandour, s’envisageait comme une perte dans les archives – une disparition inéluctable dans son classement ainsi qu’une forme de dissolution de l’auteur puisque chacune de ses réalisations s’expriment au travers d’une autre l’ayant précédée – peut nous réapparaître dans le mouvement de répétition au travail dans les pratiques artistiques précitées. En effet, le fantôme que décrivent Nicolas Abraham et Maria Torok est le legs non-dit d’une génération à celle qui lui succède, s’exprimant au travers d’elle depuis un passé refoulé. En cela, le travail du fantôme « est source d’une répétition sans fin, ne donnant plus de place à la rationalisation »[xvi]. Or, l’archive est également mobilisée par une répétition sans fin. Elle est un monde composé de reproductions et façonné par le recommencement inlassable et déraisonnable d’un geste d’assimilation de documents complémentaires. Tendue vers l’exhaustivité, mais traversée par la perte qu’une telle ambition implique, l’histoire qu’elle construit n’a rien de la ligne droite d’une évolution positive. Elle se produit elle-même. Elle traque les traces laissées par un passé qu’elle-même a rendu manipulable. L’histoire qui se joue ici se compose à partir de l’extraction de documents de leur contexte devenant signifiants par leur mise en commun ou leur répétition, le sens naissant des interprétations qui en découlent. Si le classement de l’archive est déraisonnable c’est bien parce qu’il refuse la mise en avant ou la mise à l’index de l’un plutôt qu’un autre selon des critères de qualité ou d’importance. L’histoire devenue document perd son apparente inaltérabilité, plus rien ne fonde son unicité. L’archive ainsi génère elle-même une histoire travaillée en son cœur par une volonté de répéter ses reproductions.
[i] Georges Didi-Huberman, « Savoir-mouvement (l’homme qui parlait aux papillons) », préface à Philippe-Alain Michaud, Warburg et l’image en mouvement, Paris, Macula, 1998, p. 14.
[ii] Arlette Farge, Le Goût de l’archive, Paris, Seuil, 1989, p. 22.
[iii] En position est le titre de la proposition de Yann Sérandour pour le Prix Ricard de 2006. Il s’agissait d’une jaquette recouvrant le catalogue, reprenant la forme de la couverture du recueil de textes de Dan Graham Ma Position. Si elle était invisible dans l’exposition elle n’en masquait pas moins intégralement la publication qui l’accompagnait, cet ajout la faisant disparaitre lorsqu’elle se présente fermée et, à plus forte raison, positionnée parmi d’autres livres.
[iv] Voir principalement Anne Mœglin-Delcroix, Esthétique du livre d’artiste, 1960-1980, Paris, Jean-Michel Place, 1997 et Sur le livre d’artiste – Articles et écrits de circonstance 1981-2005, Marseille, Le mot et le reste, 2006.
[v] Anne Mœglin-Delcroix, Sur le livre d’artiste – Articles et écrits de circonstance 1981-2005, Marseille, Le mot et le reste, 2006, p. 172.
[vi] Ludovic Burel, Page Sucker – Skull, Paris, tux-tv.net, 2002.
[vii] Le livret auquel nous faisons ici référence a été édité à l’occasion de l’exposition (DA) HEAVY DUTY SELF MADE MATERIAL BOY HARDWARE STORE de Daniel Dewar et Grégory Gicquel à la galerie Loevenbruck, Paris, du 20 mars au 30 avril 2004.
[viii] Patricia Falguière, « Les raisons du catalogue » in Cahiers du Musée national d’Art moderne, n°56, été – automne 1996, p. 17.
[ix] Jacques Derrida, Parages, Paris, Galilée, 1986, p. 226.
[x] Une différence évidemment existe à ce propos pour le Page Sucker de Ludovic Burel. Bien que les titres originaux n’y apparaissent pas plus que dans les autres livres mentionnés, ils sont la raison pour laquelle les images s’y trouvent. Dans les autres pratiques de collection c’est justement la mise en commun qui annule le titre et non le choix de ne pas les faire figurer. Cependant, étant donné que les recherches d’images de Ludovic Burel se font par mots-clés, on pourrait ici envisager un retournement de cette relation titre/image. L’image étant choisie pour son titre même, c’est celui-ci qui répond au mot d’ordre qui gouverne l’ensemble, ce qui n’empêche pas que l’un comme l’autre perdent toute relation avec leur contexte de provenance.
[xi] Jacques Derrida, op. cit.
[xii] Notons ici que les archives du cneai sont actuellement en train d’être reclassées pour être rendue accessible sur Internet. Ce nouveau classement permet de retrouver un même document selon plusieurs critères. Les archives physiques ne sont désormais plus classées par ordre alphabétique de noms d’auteurs, mais par dimensions de supports. Si ce choix répond à une nécessité de conservation, il a également un effet sur la lecture de son ensemble. Les corpus étant démembrés, il devient possible de se livrer à des examens de la collection ne répondant pas à des critères nominatifs.
[xiii] Fantômes est le titre d’une série d’objets réalisés par Yann Sérandour. Il s’agit de parallélépipèdes qui s’insèrent dans une bibliothèque. Sur leurs tranches des motifs géométriques reprenant ceux de fameuses collections de livres donnent l’impression qu’il s’agit de livres dont on ne verrait que la tranche. Ici, si l’objet livre nous apparaît par mimétisme il s’avère n’être qu’un signe, un leurre. Une fois de plus on peut y percevoir une forme de désenchantement, l’objet n’étant lisible que par ses apparences et restant fermé sur lui-même.
[xiv] Nicolas Abraham et Maria Torok, L’Écorce et le Noyau, Paris, Flammarion, 1987.
The CNEAI—Centre National de l’Edition et de l’Art Imprimé—is consecrated to publications by artists. Its activities range from the realization of artist’s books and exhibitions to the organization of Salon Light, a seminar devoted to independent publishing. The CNEAI also houses the FMRA collection, uniting as many as 10,000 books, publications, and ephemera of all kinds. These printed objects travel an alternative route when they circulate, distinct from the presentational strategies we associate with the contemporary art world. Their visibility is constituted differently from that of exhibited art work, and implies an alternate relationship to their receiver. The pages that follow are the result of a dive into the FMRA collection.
Archive Stories
By François Aubart
All of them produce this same sensation in the visitor. But there is nothing identical about them. In fact, since each archive has its own speciality, the vocation of circumscribing a particular domain, they are not intrinsically comparable. More likely, it is their common function which terrifies, this very tendency to circumscribe, this aim of absorbing everything. Their penchant for exhaustiveness, signaled by a lack of even the smallest cranny of empty space, makes them seem like sums, void of distinction. Everything in any way related to their specialization is present here, and will be joined by more documents to come. It is this appearance of inexhaustible quantity that troubles the visitor. It is this inexhaustible character that gives rise to the “archive vertigo” Georges Didi-Huberman describes as the sensation Aby Warburg frequently experienced inside his own collections.[1]Fellow archive buff Arlette Farge, recalling her expeditions through the legal archives of the 18th century in search of tangible traces of the past, describes “the tension that originates–often conflictual–between the impulse to take it all in, to read everything, to play with its spectacular aspect and its unlimited content, and reason, which demands that we question the archive before allowing it to accrue meaning.”[2] The accumulation of knowledge represented by the archive is thus assumed to lie in wait of reason, which is vested with an impossible task: that of encompassing the entirety of an infinite assemblage. To avoid losing ourselves, we set about finding a unifying thread, a means of linking each object to the next. But how do we tackle a collection like the CNEAI, with its heterogeneous ensemble of reproductions of all kinds, realized by artists? Here, accumulation replaces choice, and no path is possible without a starting point. But could it be that this inscrutable profusion actually offers us some insight into its own nature? Is it possible that the archive as a material entity can serve as its own kind of reason, capable of guiding us?
In the boundless mass that is the archive, all documents are equal. The drive for conservation and collection produces a leveling effect, prevent any single one of them from rising to a position of superiority.[3] As equals, they can do nothing but disappear, hiding behind one another, their conservation akin to a falling limp. Yann Sérandour’s [supplement] asserts itself with more vigor in this context than it would anywhere else. A simple page bearing the phrase “Une aiguille dans une botte de foin” (“a needle in a haystack”), designed the be slid inside Lawrence Weiner’s catalogue raisonné Specific & General Works, it expresses both the need for accretion that drives archival practice and the disappearance it occasions. Ultimately, beyond its obvious desire to parasitically appropriate the signs that stud the history of art, Yann Séradour’s work is marked by a form of dissolution. Destined for the bookshelf, it seems to want to definitively abandon this home, like a story that will never finish being forgotten. Envisioned from the point of view that its site of conservation constitutes, the piece occasions a doubling of the latter. And if we decide to no longer regard the productions filling the archives of the CNEAI as autonomous ones, to peruse them within the context of their environment, we encounter a movement of alternation between the content and its container. Once when we hone in on certain practices related to the act collecting, this movement becomes all the more momentous.
Anne Mœglin-Delcroix’s seminal writings on the artist’s book unveil its birth under the auspices of the collection.[4] “One of the reasons–the principle one, perhaps–for the development of the artist’s book in the sixties and seventies,” she explains, “was the introduction, in the visual arts, of an attitude that tends to substitute the more or less systematic practices of collecting, of surveying, and of inventorying for creation in the traditional sense of the term. This occured in a spirit of submission to the real, even a voluntary renunciation of subjective expression.”[5] Whether it be pop, minimal, or conceptual in nature, the moment art enters the book, makes it its own umbrella medium, it erases the traces of its author’s expressivity. In the era of objectivity, classification seduces. Thanks to it, all of creation can be submitted to a modality of predetermined procedure, relegating the uncertainties of choice to the determination of reason.
This compiling of more or less identical elements, assembled according to objective criteria, has encountered a revival that continues to this day. It would probably be gross simplification to argue that, since the books of Ed Rusha, every printed ensemble of images presenting the same subject speaks to similar intentions. Which may be because as we turn from the books of Hans-Peter Feldmann to the first issue of Ludovic Burel’s Page Sucker, for instance, we move from the desire to organize a collection to the submission to an unchosen ensemble and an invariable protocol. Feldmann unveils portions of his collection of images of diverse provenance, organized according to themes ranging from varying representations of a single type of object to the accumulation of different perspectives on the act of looking, as is the case in Voyeurs. The first issue of Page Sucker, by contrast, compiles images found on the Internet using “Skull6” as a search term.[6] Likewise, it is not hard to divine that the issues at stake in Céline Duval’s documentary activity and a booklet realized by Daniel Dewar and Grégory Gicquel are of an entirely different character. In both, we discover an attraction for the assemblage of vernacular images; but while the one hinges primarily on the gestures of collection and classification, the other uses these gestures as part of the elaboration of a sculptural work, attached to popular forms.[7] The first tirelessly replays the artist’s collection of postcards and private images representing different quotidian activities; in her Revue en quatre images, for example, a sheet of paper, mailed to her subscribers, displays four printed images from her collection, selected by a special guest. On their end, Daniel Dewar and Grégory Gicquel compile a book of images of fisherman posing with their catches.
Despite this differences, there is no doubt that from the sixties to today, the objectivity of photography, image catalogues, and the resources of the internet have irrigated all of these diverse practices, which converge around a single keyword: collecting, the motor of the archive. All of them involve building corpuses in which, via varying axioms, the “operation of reassembling” both orders and decontextualizes the manipulated materials.[8] We can comprehend the elements we encounter only in relation to the designations of the inventory in which they figure. Their individual titles, which do not appear, are dishonored. At the same time, the title remains an anchoring point. As a name, as that aspect of a piece that can “be read, archived, coded,” it introduces a referential function, implies an act of discrimination.[9] Beyond a simple definition, the title advertises the object’s position within the ranks of the collection. It performs the role of an index.
The images we encounter side by side, robbed of their titles but exhibiting similar characteristics or corresponding to the watchword that rationalizes the work in which they appear, forfeit the signifying charge they carried at their inception.[10] What is at play here reveals itself to be a question of inscription, and a multifaceted one at that. Indeed, the word “title” derives from the latin “titulus,” which means “inscription.”[11] But this engraving can be erased if the element that it accompanies is placed in a different environment, one that assigns it a place within a novel classificatory system.This new classification is itself governed by a thought, for there can be no archive without an archivist.[12] The works in an archive, therefore, emerge as the reproduction of the functioning of the reasoning that brings them together. Elsewhere, this reproduction applies primarily to the content of the archive; certain artists, for example, build practices out of unearthing the items buried within it. Continuous Project, a collective composed of Bettina Funcke, Wade Guyton, Joseph Logan, and Seth Price, photocopies rare publications that have become impossible to find in order to put them back in circulation. Their first publication was a copy of the first issue of Avalanche magazine, dating back to 1970. Photocopied in its entirety, on A3 paper, this facsimile was sold at the original cost of the magazine. If this sole trace of respect for the notion of authenticity has no effect on the current going rate for an original copy, the project at least renders its content accessible again. Through its various publications, Continuous Project has brought many significant documents back to life. Their use of the aesthetically poor medium of the photocopy grants these documents true “document” form. We experience this gesture as a return to the past, but one that is only partial, deprived of its original materiality, an incomplete return; their publications are ghosts, Phantômes.[13]
In L’Écorce et le Noyau (“The Shell and The Kernel”), the psychoanalysts Nicolas Abraham and Maria Torok analyze the way in which the secrets of a family are passed on from one generation to the next.[14] They remind us that the belief that the dead come back to haunt the living has existed since Antiquity. Any dead person can be the culprit, but those who are most likely to do so are those who vanish into the tomb bearing secrets, or whose disappearance is shrouded in scandal. The “ghost,” in all its forms, is indeed the invention of the living–an invention, yes, in the sense that it seeks to objectify the hole created in us by the occultation of a part of the life of the loved object.”[15] He who haunts is therefore not an apparition, but a lack, a disappearance to which we seek to restore a body.
Which brings us to that which, in the work of Yann Sérandour, we experience as a loss within the archive: an ineluctable disappearance in his classification system as well as a kind of dissolution of the author, to the extent that each of his realizations express themselves through the one that preceded it. This loss reappears in the movement of repetition at work in the artistic practices mentioned above. The ghost that Nicolas Abraham and Maria Torok describe is the silent legacy of one generation in the one that succeeds it, surfacing from out of a past that has been suppressed. His work, they argue, constitutes “a source of repetition without end, no longer allowing any room for rationalization.”[16]The archive, similarly, is governed by a repetition without end. It is a world composed of reproductions and fashioned by the unceasing and senseless reiteration of the assimilation of complementary documents. Aiming for exhaustivity, but marked by the loss that such an ambition implies, the story that it constructs looks nothing like the straight trajectory of positive evolution. It produces itself, following the traces left behind by a past that it has rendered modifiable. The story arises out of the removal of documents from their context, becoming signifiers through their mutual association or repetition, their meaning arising out of the interpretations that then flow forth. If the classification of the archive is senseless, it is because it refuses to privilege or accept into its index one object over another according to the criteria of quality or importance. The story, now document, forfeits its inalterability; the qualities that once made it unique disappear. The archive generates its own story, transformed by the desire to repeat its reproductions.
[1]Georges Didi-Huberman, “Savoir-mouvement (l’homme qui parlait aux papillons)”, preface to Philippe-Alain Michaud, Warburg et l’image en mouvement, Paris, Macula, 1998, p. 14.
[3]En position (“in position”) is the title of Yann Sérandour’s proposal for the 2006 Prix Ricard. Sérandour imagined a jacket for the exhibition catalogue inspired by the cover of Ma Position, an anthology of texts by Dan Graham. The object was not only invisible in the context of the exhibition, but had the effect of masking the publication it accompanied, causing the book to disappear when it was closed or–better yet–positioned among other books.
[4]See Anne Mœglin-Delcroix, Esthétique du livre d’artiste, 1960-1980, Paris, Jean-Michel Place, 1997 and Sur le livre d’artiste – Articles et écrits de circonstance 1981-2005, Marseille, Le mot et le reste, 2006.
[5]Anne Mœglin-Delcroix, Sur le livre d’artiste – Articles et écrits de circonstance 1981-2005, Marseille, Le mot et le reste, 2006, p. 172.
[7] Booklet published for the occasion of Daniel Dewar and Grégory Gicquel’s exhibition (DA) HEAVY DUTY SELF MADE MATERIAL BOY HARDWARE STORE at Galerie Loevenbruck, Paris, March 20 to April 30, 2004.
[8]Patricia Falguière, “Les raisons du catalogue” in Cahiers du Musée national d’Art moderne, no.56, Summer– Autumn 1996, p. 17.
[10] One exception to this argument can be found in Ludovic Burel’s Page Sucker. Though the original titles are no more apparent to the beholder than in the other books we have mentioned, they guide the artist’s choice of images. In other collecting practices, it is precisely the act of grouping objects together that eradicates the title, not a decision to hide it. Considering that Ludovic Burel uses keywords to select his images, we can imagine a reversal of this relation between title and image. Because the image is chosen for its title, the title becomes the watchword that governs the ensemble. This, however, does not prevent his images from losing all relation to their original context.
[12] Let us note here that the archives of the CNEAI are currently in the process of being re-indexed for publication on the internet. This new classification will allow users to track down a single document using multiple criteria. The physical archives are no longer organized alphabetically by artist’s name, but by their physical dimensions. If this choice is the product of the necessity of conservation, it nonetheless has an effect on the way in which we read the archive as a whole. Fractured, the corpus becomes navigable by characteristics other than nominative criteria.
[13]Fantômes is the title of a series of objects by Yann Sérandour, parallelepipeds designed to be inserted in a bookshelf. Geometrical motifs on that portion of the object that is exposed to view recreate the insignia of famous book collections, creating the impression of a spine of a book. What appears at first to be a book proves to be only a sign, a decoy. Once more, we perceive in Sérandour’s work a kind of disenchantment; the object can be read only in light of its outward appearance, and remains closed upon itself.
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