Les chemins de l’émergence 3 : les lieux indépendants
Le troisième volet de cette enquête sur l’émergence a pour sujet les lieux indépendants, alternatifs, ou encore artist run spaces selon la dénomination anglaise qui n’a pas d’équivalent en français. Après avoir observé le rôle des salons (Montrouge, Mulhouse, Jeune création) et celui des écoles d’art, ce troisième temps est dédié à ces lieux auxquels il est difficile de donner une appellation unique puisqu’il n’y a pas de régime ou de statut qui les réunirait tous, ni à l’intérieur de l’hexagone, ni à l’échelle européenne et encore moins mondiale. Réunis en colloque les 11 et 12 avril derniers à l’école des beaux-arts de Nantes, une dizaine d’entre eux [1], venus principalement de France mais aussi d’Écosse, de Suède, de Belgique et de Suisse tentaient de dresser un état des lieux sommaire de ces structures qui participent toutes à des degrés divers à l’émergence des jeunes artistes.
Problème de définition
Artists run spaces, lieux alternatifs, not-for-profit art organizations, lieux indépendants : à peine essaye-t-on de trouver une dénomination commune que les difficultés affleurent. Cette hésitation sur les appellations n’est pas anodine, chacune d’entre elles possède une histoire singulière et renvoie à un point de vue spécifique même si dans les faits l’on utilise indifféremment les termes : alternatif, indépendant ou artist run spaces. Contrairement aux centres d’art français qui fêtent leur trentième anniversaire cette année – quand bien même l’origine des centres d’art se situe bien avant ce début de la décennie quatre-vingt – et qui présentent une relative homogénéité dans leur définition (mais là aussi la très grande diversité des centres d’art et l’absence d’un véritable label contribuent à perturber l’existence d’une franche délimitation entre les deux sphères), il n’existe pas de facteur commun qui regrouperait tout ou partie de ces lieux, ni leur taille, ni la composition de leur direction, ni leurs ressources ou leur programmation. Une seule chose est sûre : à la différence des Frac ou des musées, aucun de ces lieux n’a vocation à constituer une collection… À « l’origine », il semble bien qu’il n’y ait que les artist run spaces. À ce propos, l’ouvrage édité par le centre d’art Signal à Malmö, A Parallel History-The Independant Art Arenas of Scåne [2], qui retrace l’historique des lieux indépendants en Scanie de 1968 à 2008 atteste bien la prééminence des lieux dirigés par les artistes dans le développement de la scène alternative, pour ne pas dire de la scène contemporaine tout court. S’il n’existe pas d’équivalent de cet ouvrage pour d’autres régions d’Europe, on peut certainement admettre que ce modèle est largement prévalent pour toute une partie de l’Europe du Nord, notamment l’Angleterre où l’appellation d’artist run space a définitivement gagné ses lettres de noblesse à travers des lieux comme London’s City Racing à Londres et Transmission à Glasgow. Sans vouloir faire œuvre d’historien dans ce court essai, il s’agit de montrer, en s’appuyant sur l’analyse faite par Signal – et quand bien même toute histoire locale possède ses spécificités – que les lieux alternatifs ou indépendants en Europe du Nord ont suivi des itinéraires assez proches : il faut remonter aux années cinquante, avec le constat d’une scène dominée par des institutions conservatrices et régionalistes, pour voir se constituer en réaction des regroupements d’artistes dans le but de créer des structures pour un art alternatif, c’est à dire un art qui s’oppose au conservatisme institutionnel d’alors. Ce modèle semble aussi pouvoir s’appliquer à la France et aux pays latins — le cas de l’Allemagne possèdant sa propre singularité avec l’existence des Kunstvereine qui fonctionnent a priori sur un principe communautaire et citoyen remontant au XIXe siècle — même si une véritable synthèse historique de ces lieux reste à écrire. Dans cette volonté de créer des structures alternatives entre certainement le désir de faire connaître ses propres travaux par une voie oblique lorsque tout autre débouché semble impossible. Même s’il ne s’agit en aucune manière de réduire l’histoire des artists run spaces à des affaires de stratégies personnelles – beaucoup d’autres éléments entrent en jeux qui ne peuvent se résoudre à la facilitation des carrières [3] – une première réponse à la question des liens entre l’émergence et les artist run spaces se trouve dans la dimension de do it yourself, car cette dernière ne concerne pas uniquement l’auto-monstration mais aussi les phénomènes de validation et de légitimation auparavant réservés aux musées et autres institutions. En s’attachant des personnalités artistiques de plus en plus puissantes et de plus en plus visibles, en concurrençant la scène officielle de manière de plus en plus efficace, les artist run spaces ont fini par ne plus du tout être des espaces alternatifs et par représenter eux-mêmes de véritables chambres de légitimation [4]. La note d’intention pour le colloque de Nantes d’Elena Tzotzi, l’une des responsables de Signal, met en évidence le chemin parcouru par ces lieux « alternatifs » dont rien aujourd’hui, dans une scène mondialisée et hyperconnectée, ne semble plus trop justifier cette appellation d’alternatif : « L’axe qui était utilisé comme division pratique entre l’établi et l’émergent, le commercial et l’alternatif, l’institution et l’artist-run a depuis longtemps disparu. Il a été remplacé par une relation d’enchevêtrement des catégories précédentes qui convergent dans une aptitude à se frayer un chemin dans le monde de l’art – pour agir intelligemment, ayez toujours un plan, ayez une longueur d’avance, faites-vous connaître et jonglez avec les intérêts implicites et les intentions cachées de la communauté artistique. Le parfait joueur est celui qui se meut doucement et de manière inoffensive entre les camps. »
Confusion des genres
Aujourd’hui l’artist run space semble s’être dissous dans un modèle plus complexe (même s’il est encore bien vivant et continue de fonctionner de manière tout à fait « orthodoxe » comme le montre l’exemple de la Station à Nice où ce sont non seulement des artistes qui dirigent la structure mais également les artistes invités en résidence qui décident de la forme de l’exposition à l’issue de leur séjour) et la composition exclusivement artistique de son équipe s’être hybridée et enrichie de nombreuses autres figures, correspondant en partie à la nouvelle complexité des officiants du monde de l’art : aussi, les dimensions d’auto-émergence et de do it yourself que l’on pouvait auparavant réserver aux artist run spaces n’ont plus autant de réalité. Désormais, ces lieux sont constitués de toutes sortes d’acteurs du monde de l’art… sauf des artistes : la catégorie des curateurs arrive en premier lieu, suivie de près par les critiques d’art, les éditeurs, les producteurs, les régisseurs, les médiateurs, etc. Ces petites communautés mobiles et labiles qui composent les lieux alternatifs se professionnalisent de plus en plus et l’ancienne primauté accordée à la réalisation des expositions s’assortit d’une multitude de fonctionnalités annexes qui lui disputent sa prééminence. Des lieux comme La Loge à Bruxelles ou The Office à Berlin organisent régulièrement des conférences et des rencontres-débats : le centre de l’activité de ces « nouveaux » lieux se déplace de plus en plus vers d’autres types de pratiques, vers plus de convivialité et / ou de proximité avec des visiteurs en demande d’une plus grande implication. The Ister à Bruxelles s’est même fait une spécialité d’organiser des dîners, prétextes à faire se rencontrer des publics divers, son staff étant composé d’anciennes assistantes de galeries, de musiciens, de DJs, mais aussi d’un « maître snackiste »… Pendant ce temps, les institutions développent des stratégies de reconfiguration de leurs lieux qui les poussent à intégrer ce polymorphisme et une architecture « frichesque » que les lieux indépendants adoptent d’emblée, plus par nécessité que par véritable envie : jusqu’où peut aller cette stratégie de recyclage de l’esprit indépendant qui renvoie à une « cooptation de la subversion » [5] et qui se traduit également par une offre multifonctionnelle [6] ? Il ne s’agit pas non plus ici de refaire l’historique de la critique institutionnelle : les première et deuxième vagues de cette critique n’ont pas véritablement produit de solutions tangibles ni de stratégies unifiées [7], les lieux alternatifs et autres artist run spaces ne constituant pas de blocs homogènes en agissant de manière dispersée. L’essence militante qui animait ces lieux historiquement sièges de la contre-culture s’est lentement transformée en son pendant bureaucratique / chasseur de subventions comme le constate amèrement AA Bronson dans son fameux article sur « L’humiliation du bureaucrate » [8]. La composante artiste s’est également érodée de sorte que la dénomination artist run space tend à devenir elle-même obsolète. Les lieux « indépendants » sont de plus en plus coincés entre la nécessité de trouver des financements pour faire vivre des structures fragiles, et le risque d’un enkystement institutionnel synonyme de perte de vitalité et de pertinence artistique. Certains optent pour une connivence critique avec l’institution et jouent de fait le rôle de poisson-pilote, d’autres poussent toujours plus loin la recherche en occupant des lieux impossibles à investir par l’institution du fait de sa lourdeur administrative comme le fait The Ister par exemple en organisant une exposition dans l’étage temporairement inutilisé d’un hôpital bruxellois. Dans cette course poursuite entre l’institution qui se désinstitutionnalise en surface et l’alternatif sommé de réinventer constamment de nouvelles fonctionnalités, se déploie la marge de manœuvre de plus en plus étroite de ces lieux menacés de toutes parts.
Émergence partout, militantisme nulle part
Cette érosion de la dimension contestataire du milieu alternatif que AA Bronson ne cesse de déplorer, lui qui reproche aux artists run spaces de n’être plus dirigés par des artistes, est-elle néfaste à l’émergence des jeunes artistes ? A priori ces deux dimensions antagoniques d’émergence et d’alternatif n’ont plus beaucoup de raisons de s’opposer aujourd’hui. Quand bien même Elena Tzotzi parle d’attitude pour différencier lieux alternatifs et institutions, Claire Le Restif, directrice du Credac à Ivry en banlieue parisienne et vice-présidente de d.c.a. (association française de développement des centres d’art) réfute fortement cette opposition : pour elle, on ne peut faire le reproche aux centres d’art de moins bien « s’occuper » des artistes. La différence majeure entre lieux alternatifs et centres d’art tiendrait selon elle à un déficit de structuration des premiers et une attention bien moindre apportée au public. Certes, c’est une évidence que les lieux alternatifs ne peuvent procurer aux artistes les mêmes conditions de production et de réception que les centres d’art, encore que, pour certains « gros » lieux indépendants – qui par ailleurs postulent ouvertement pour la reconnaissance de leur lieu au titre de centre d’art (40mcube à Rennes ou la Salle de bains à Lyon), et dont le fonctionnement se rapproche de « petits » centres d’art – il est tout à fait éclairant de comparer les prestations respectives pour s’apercevoir que les productions accordées aux jeunes artistes tendent à se rapprocher ou même à s’inverser ; idem pour la question des publics. La différence tend donc à s’amenuiser à tous les niveaux entre des lieux indépendants effectuant de plus en plus des missions de service public proches de celles de centres d’art et d’où la dimension militante qui les animait initialement aurait de plus en plus tendance à disparaître. Ne resteraient donc plus beaucoup de prérogatives à ces lieux indépendants, si ce n’est justement tous les déficits que nous avons pu constater à leur endroit : amateurisme, nonchalance, adolescence, absence du sentiment de mission de service public, absence d’obligation de résultat, possibilité de rater les expositions, de ne pas les médiatiser suffisamment, de ne pas communiquer sérieusement, bref une espèce de résistance passive à la loi dominante de l’efficacité médiatico-professionnelle du moment [9], celle-là même qui fait dire à AA Bronson : « je dis toujours à mes étudiants et étudiantes que les artistes sont choisis par leur vocation et non l’inverse » [10]. Toujours est-il qu’en ce qui concerne l’émergence du jeune artiste, cela n’a à peu près aucune incidence sur la carrière de ce dernier : il lui est assez recommandé dans un premier temps de passer par le lieu alternatif où il pourra faire ses premières passes d’armes avec le monde de l’art, y tirer des balles à blanc sans risquer de blesser l’ego des professionnels et affirmer son potentiel de subversion qui lui garantira rapidement une petite notoriété, avant de passer à l’étape suivante, celle du centre d’art qui lui assurera un plus grand confort de réalisation avant d’arriver au moment ultime de son atterrissage dans la grande galerie où il pourra enfin rencontrer le grand collectionneur qui lui amènera le stade suprême de la reconnaissance…
- ↑ Il s’agit de : Circuit (Lausanne), It’s our Playground (Glasgow), La Loge (Bruxelles), La salle de bains (Lyon), La station (Nice), 40mcube (Rennes), Signal (Malmö), TREIZE (Paris), Triangle (Marseille), Tripode (Rezé), réunis pour Les rencontres européennes des lieux indépendants, alternatifs et associatifs à l’École des beaux-arts de Nantes, à l’initiative de la revue 02.
- ↑ Carl Lindh, Emma Reichert, Elena Tzotzi, A Parallel History – The Independant Art Arenas of Scåne, 1968-2008, Signal, 2009.
- ↑ Il ne s’agit pas dans ce court essai de faire l’historique des lieux alternatifs dans les pays occidentaux mais bien d’évoquer les problématiques liées à l’émergence au sein de ces lieux.
- ↑ Il ne s’agit pas non plus de nier ou de minorer l’aspect politique et social du développement des artist run spaces, qui encore une fois, n’est pas le sujet de cette étude : à ce propos, il est intéressant de lire l’article de Vincent Bonin sur les derniers développements de la critique institutionnelle : « Ici, les mauvaise nouvelles nous parviennent toujours trop tard : la critique des institutions au Canada (1967 – 2012) » in Instutions by Artists, Eds. J Khonsary et K.L. Podesva, Fillip Éditions / Pacific Association of Artist Run Centres, Vancouver, 2012, pp. 297-314.
- ↑ idem
- ↑ Cf. texte de Laura Mahlstein dans ce même numéro de 02.
- ↑ Cf. Vincent Bonin, art cit., p.301-302.
- ↑ AA Bronson, « La transfiguration du bureaucrate », pp.283-296 pour la traduction française, in Institutions by Artists, op.cit. (Ce texte est la reprise de « L’humiliation du bureaucrate », datant de 1983, disponible sur : http://goodreads.ca/aabronson/).
- ↑ À noter que la plupart des lieux présents au colloque se sont fortement opposés à l’impératif de programmer nécessairement des jeunes artistes en pointant les risques d’instrumentalisation pour ces derniers et la volonté de programmer indifféremment les artistes en ne tenant absolument pas compte du stade d’avancée de leur carrière.
- ↑ AA Bronson, art.cit., p.287.
The Paths of Emergence III: Independent Venues
The subject of part three of this survey about emergence is independent, alternative venues, also known as “artist-run spaces”. After taking a look at the roles of salons (Montrouge, Mulhouse, Jeune Création) and art schools, this third essay is devoted to those places which it is hard to find a single name for, because there is no system or status encompassing them all, either within France, or, even more so, on a European and worldwide scale. Ten such venues [1] attended a conference on 11-12 April at the Nantes School of Fine Arts. They came mainly from France, but also from Scotland, Sweden, Belgium, and Switzerland, and attempted to draw up a brief inventory of these organizations which are all, in differing degrees, involved with the emergence of young artists.
A Problem of Definition
Artists run spaces, alternative venues, not-for-profit art organizations, independent spaces—as soon as one tries to find a common name, problems crop up. This uncertainty about names is not insignificant, for each one of them has a particular history and refers to a specific viewpoint, even if, when it comes down to it, people use the terms alternative, independent and artist-run somewhat indiscriminately. Unlike French art centres, which are celebrating their 30th anniversary this year—even though the origins of art centres lie well before the 1980s—and present a relative homogeneity in their definition (but here, too, the very wide diversity of art centres and the absence of any real label both contribute to troubling the existence of a clear-cut delimitation between the two spheres), there is no common factor encompassing all or some of these venues, be it their size, the way they are run, their resources, or their programmes. Just one thing is certain: unlike the FRACs (Regional Contemporary Art Collections) and museums, it is not the brief of any of these places to put together a collection… “Originally”, it would indeed seem that there were just artist-run spaces. In this respect, the book published by the Signal art centre in Malmö A Parallel History-The Independant Art Arenas of Scåne [2], which retraces the background history of independent venues in Skåne between 1968 and 2008, clearly illustrates the predominance of artist-run places and spaces in the development of the alternative scene, not to say the contemporary scene, period. There is no equivalent of this book for other parts of Europe, but it can certainly be admitted that this model may be broadly applied to a whole swathe of northern Europe, especially England, where the term “artist-run space” has once and for all earned respectability through venues like London’s City Racing in London and Transmission in Glasgow. Without wishing to sound like a historian in this short essay, it is a matter of showing, based on the analysis made by Signal—and all local history does have its specific features, come what may—, that alternative and independent spaces and venues in northern Europe have taken fairly similar paths: we have to go back to the 1950s, with the observation of a scene dominated by conservative and regionalist institutions, to see groups of artists starting to form in reaction to that scene, with the goal of creating structures for an alternative art, meaning an art opposed to the institutional conservatism of those days. This model also seems applicable to France and the Latin countries—the case of Germany has its own specific character with the existence of the Kunstvereine, which operate, on the face of it at least, on a community- and citizen-oriented principle going back to the 19th century—even if a real historical summary of these places remains to be written. In this desire to create alternative venues, we definitely find the wish to get one’s own works known through some oblique avenue, when all other outlets seem impossible. Even if this in no way involves reducing the history of artist-run spaces to matters of personal strategies—many other factors come into play which cannot be reduced to the facilitation of careers [3] —an initial response to the question of connections between emergence and artist-run spaces can be found in the DIY dimension, for this latter does not only concern self-exhibition but also the phenomena of validation and legitimization formerly reserved for museums and other institutions. By integrating ever more powerful and visible art figures, and by rivalling the official scene in increasingly effective ways, artist-run spaces have ended up by not being alternative venues at all, and by representing themselves as nothing less than chambers of legitimization. [4]. Elena Tzotzi’s note of intent for the Nantes conference—she being one of the people running Signal—sheds light on the path taken by these “alternative” places, for which nothing, nowadays, in a globalized and interconnected scene, seems to greatly justify this alternative name any more: “The axis that used to serve as a handy divider between the established and the emerging, the commercial and the alternative, the institution and the artist-run is long gone. It’s been replaced by an entangled relationship between the former categories that converge in a fine-tuned ability to navigate the art world – to act smart, always have a plan, think one step ahead, put yourself out there and successfully juggle the unspoken interests and underlying agendas of the art community. The perfect player is the one that moves smoothly, and harmlessly, between camps.”
Muddled Genres
These days, the artist-run space seems to have broken down into a more complex model (even if it is still very much alive and kicking, and continues to function in an altogether “orthodox” way, as is shown by the example of La Station in Nice, where it is not only artists who run the place, but also guest artists in residencies who decide on the form of the show when their stint is up), and the exclusively artistic composition of its team seems to have become hybridized and enhanced by many other figures, partly corresponding to the new complexity of those officiating in the art world. As a result, the self-emergence and DIY dimensions previously earmarked for artist-run spaces no longer have as much reality. Henceforth, these places are being manned by all sorts of people involved in the art world… except artists: the curator category comes at the top of the list, closely followed by art critics, publishers, producers, managers, mediators, etc. These small mobile and changeable communities which make up alternative venues are becoming increasingly professionalized and the old hegemony afforded the production of exhibitions and shows is going hand-in-hand with a whole host of associated functional factors competing for predominance. Places like La Loge in Brussels and The Office in Berlin regularly organize lectures and discussion meetings: the hub of the activity of these “new” venues is shifting more and more towards other types of activities, towards greater user-friendliness and conviviality and/or a hands-on attitude with visitors, who are demanding a greater involvement. The Ister in Brussels has even made a speciality of organizing dinners, pretexts for getting different kinds of public to cross paths, its staff being made up of former gallery assistants, musicians, DJs, as well as a “master snackist”… During this time, institutions have been developing strategies for reconfiguring their spaces which are pushing them to integrate this polymorphism and “wasteland-like” architecture which independent venues adopt right away, more out of necessity than out of any real desire. How far can this strategy of recycling the independent spirit go, referring as it does to a “co-opting of subversion [5] which is also conveyed by a multi-functional supply [6]? Nor is it a matter here of re-making the history of institutional criticism: the first and second waves of this criticism have not really produced either tangible solutions or unified strategies, [7], with alternative venues and artist-run spaces failing to form homogeneous blocs by acting in a dispersed manner. The militant essence that informed these places which, historically, are hotbeds of the counter-culture, has gradually turned into its bureaucratic counterpart, chasing grants and subsidies, as is bitterly noted by AA Bronson in his famous article on “The Humiliation of the Bureaucrat”. [8]. The artist ingredient has also been eroded, in such a way that the term “artist-run space” is itself tending to become obsolete. “Independent” venues are more and more cornered between the need to find funding in order to enable fragile structures to survive, and the risk of an institutional encystment, synonymous with loss of vitality and artistic relevance. Some are opting for a critical connivance with the institution and, de facto, playing the role of pilot-fish, while others are pushing their quest ever further by occupying places that are impossible for the institution to make use of, because of their administrative topheaviness, as The Ister, for example, is doing by organizing an exhibition on the temporarily unused floor of a Brussels hospital. In this mad dash between the institution which is becoming de-institutionalized superficially, and the alternative place summoned to constantly re-invent new kinds of function, we find an ever narrower margin of manœuvre for these venues which are being threatened from every quarter.
Emergence everywhere, militancy nowhere
Is this erosion of the anti-establishment dimension of the alternative milieu which AA Bronson is forever lamenting—reproaching, as he does, artist-run spaces for no longer being run by artists—harmful for the emergence of young artists? On the face of it, these two contrasting dimensions of emergence and alternativeness no longer have much reason to be agin one another these days. But while Elena Tzotzi talks about attitude to make distinctions between alternative venues and institutions, Claire Le Restif, director of the Credac at Ivry in the Paris suburbs and vice-president of d.c.a. (the French association for the development of art centres) strongly refutes this clash: for her, it is not possible to rebuke art centres for taking less care of artists. According to her,the major difference between alternative venues and art centres has to do with an organizational shortfall in the case of the former, and far less attention being paid to the public. Certainly, it is obvious enough that alternative venues cannot obtain for artists the same production and reception conditions as art centres, even though, for certain “big” independent venues—which, furthermore, openly postulate in favour of their venue being recognized as an art centre (40mcube in Rennes, and La Salle de Bains in Lyon), with the way they operate becoming more and more like that of “small” art centres—it is altogether enlightening to compare their respective performances and services in order to realize that the productions earmarked for young artists are tending to become more alike, or even reversed; the same goes for the issue of the public, in its various forms. So at every level the difference is tending to diminish between independent venues carrying out more and more public service tasks akin to those of art centres, resulting in the fact that the militant dimension which initially informed them is tending to disappear more and more. So there are not many prerogatives left for these independent venues, except, it just so happens, for all the shortcomings that we have noted in their regard: amateurism, nonchalance, adolescence, absence of any sense of public service brief, absence of any obligation to come up with results, the possibility of exhibitions being flops, not ensuring enough media coverage, not communicating in any serious way—in a nutshell a sort of passive resistance to the predominant law of the media-cum-professional effectiveness of the moment, [9], that selfsame law which causes AA Bronson to say: “I always tell my students that artists are chosen by their vocation, not vice versa”. [10]. The fact remains that as far as the emergence of young artists is concerned, this has more or less no influence on their career. Initially, it is highly recommended that young artists pass by way of the alternative venue, where they will be able to have their first skirmish with the art world, fire off a few blanks without risking wounding the ego of the professionals, and assert their subversive potential which will swiftly guarantee them some small notoriety, before proceeding to the next stage, that represented by the art centre, which will provide them with greater production backing, before reaching the ultimate moment of landing in a major gallery, where they will finally have a chance to meet the great collector who will take them on to the supreme stage of recognition…
- ↑ They were: Circuit (Lausanne), It’s our Playground (Glasgow), La Loge (Brussels), La salle de bains (Lyon), La station (Nice), 40mcube (Rennes), Signal (Malmö), TREIZE (Paris), Triangle (Marseille), Tripode (Rezé), brought together for The European Meeting of Nonprofit and Artist-run Spaces at the Nantes School of Fine Arts by the magazine 02.
- ↑ Carl Lindh, Emma Reichert, Elena Tzotzi, A Parallel History – The Independant Art Arenas of Scåne, 1968-2008, Signal, 2009.
- ↑ This short essay will not present the background history of alternative venues in western countries, but rather discuss the issues associated with emergence in these venues.
- ↑ Nor is it a matter of denying or downplaying the importance of the political and social aspect of the development of artist-run spaces, which, once again, is not the brief of this study: in this respect it is interesting to read Vincent Bonin’s article about the latest developments in institutional criticism : “Here, Bad News Always Arrives Too Late, Institutional Critique in Canada (1967 – 2012)” in Instutions by Artists, J Khonsary and K. L. Podesva (Eds.), Fillip Éditions / Pacific Association of Artist Run Centres, Vancouver, 2012, pp. 49-79.
- ↑ idem
- ↑ Cf. the essay by Laura Mahlstein in this issue of 02.
- ↑ Cf. Vincent Bonin, art cit., p.58.
- ↑ AA Bronson, “The Transfiguration of the Bureaucrat”, pp.25-47 in Institutions by Artists, op.cit. (This text is the new version of “The Humiliation of the Bureaucrat: Artist-Run Centres as Museums by Artists”, in Museums by Artists, Eds. AA Bronson and Peggy Gale, Toronto: Art Metropole, 1983.)
- ↑ It should be noted that most of the venues represented at the conference were strongly opposed to the imperative of perforce programming young artists, pointing out the risks of exploitation for these latter and the desire to programme artists indiscriminately without in any way taking into account the progress of their careers.
- ↑ AA Bronson, art.cit., p.32.
- Partage : ,
- Du même auteur : Le marathon du commissaire : Frac Sud, Mucem, Mac Marseille, Que sont mes revues devenues ?, Tous migrants ?, Derniers usages de la littérature II, Derniers usages de la littérature,
articles liés
« Toucher l’insensé »
par Juliette Belleret
Une exploration des acquisitions récentes du Cnap
par Vanessa Morisset
Le marathon du commissaire : Frac Sud, Mucem, Mac Marseille
par Patrice Joly