Systémologie
Le rêve d’une réunion de tous les savoirs en un ensemble unique parcourt l’histoire de l’humanité. Ce répertoire de la connaissance a connu bien des formes fantasmées comme La bibliothèque de Babel de Borges ou la noosphère de Pierre Teilhard de Chardin, pour n’en citer que quelques unes. Mais, de façon plus prosaïque, sa forme effective apparaît par ce que l’on nomme archive. Tentant d’en sonder le concept, Derrida en localise la genèse dans l’arkheîon grec[1]. Selon lui « Arkhè nomme à la fois le commencement et le commandement (…) là où les choses commencent (…) mais aussi le principe selon la loi, là
où des hommes et des dieux commandent, là où s’exerce l’autorité »[2]. L’unification en un lieu ne se fait qu’à l’aune des valeurs de celui qui en possède les clés. L’instance maîtresse de la classification est celle qui détient le pouvoir de la canaliser par son action de consignation. « Par consignation, n’entendons pas seulement, dans le sens courant de ce mot, le fait d’assigner une résidence ou de confier pour mettre en réserve, en un lieu et un support, mais ici l’acte de consigner en rassemblant les signes (…). La consignation tend à coordonner un seul corpus, en un système ou une synchronie dans laquelle les éléments articulent l’unité d’une configuration idéale »[3]. Ainsi, les lois qui gouvernent l’agencement de l’archive sont loin d’être anodines et les histoires qu’elle compose surgissent d’une raison classificatoire. Les protocoles annoncés comme exempts de toute subjectivité apparaissent ainsi comme des fables dont le narrateur avance masqué. Dès lors, la prise en main individualisée des modalités d’organisation de l’archive s’apparente à une tentative d’extraire les éléments qu’elle ordonne d’une lecture unilatérale et définitive.
Lors d’une récente édition de Table d’hôtes – l’une des structures d’exposition les plus légères qui soit puisque qu’il s’agit d’une table qui accueille des projets d’artistes – Pierre Leguillon montrait sa collection de cartes postales de musées figurant différents types d’objets photographiés sur des fonds colorés. Or c’est justement selon la couleur de ces fonds, qui devraient disparaître au profit de l’objet, qu’est classée la collection de Leguillon. La qualité pour laquelle ces images prennent telle ou telle place dans l’archive n’est pas le sujet de leur représentation mais la couleur sur laquelle est disposé l’objet. On assiste ainsi à une interversion des plans, l’objet passe au second et cède la place à son fond. Le statut strictement informatif de ces images s’efface au profit de leur nature d’image construite. Puisque leur charge descriptive est ignorée par ce classement, les cartes postales de Leguillon perdent de leur stature documentaire.
Dans le projet initial, annulé par manque de place, les cartes postales devaient êtres accrochées sur un mur de façon à écrire la première phrase du roman Le Château des destins croisés d’Italo Calvino dans lequel le romancier narre l’histoire de personnages qui, surpris par la nuit, se retrouvent dans un château où un sort les empêche de parler et les contraint à raconter leurs aventures en utilisant les cartes d’un jeu de tarot. Or, dès qu’une succession de cartes est posée sur la table, elle y reste et sert de trame à l’histoire suivante. Pour chacun des personnages, les mêmes cartes se couvrent d’un sens différent. Ce principe, rapporté aux photographies d’objets culturels, efface la lecture scientifique des objets qu’elles représentent au profit d’un trouble quant à leur nature. Ayant perdu leur vocation à l’objectivité du fait de leur modalité de classement, leur sens n’est plus donné et reste à formuler.
L’apparition des cartes de tarot qui, dans les marges, accompagnent le texte de Calvino, n’est pas sans rappeler les arts de mémoires, ces procédés mnémotechniques qui permettent de se souvenir du déroulement d’un discours. En construisant mentalement plusieurs pièces d’une maison dans laquelle il place des images fortes celui qui utilise ce procédé peut se rappeler de chacun de ses arguments au fil de son discours. Dans le livre qu’elle consacre à cette technique, Frances Yates montre comment au Moyen-âge, sous l’influence de l’hermétisme, l’art de la mémoire se mue en un système qui tend à répertorier toutes les choses existantes et à en ordonner le sens[4]. Ainsi Raymond Lulle, au XIII ème siècle, avait inventé un art combinatoire basé sur la structure de la nature liée aux structures divines. A sa suite, différents penseurs se lancent dans l’exploration des systèmes combinatoires. Parmi ceux-ci, Giulo Camillo fût le constructeur à la fin du XVI ème siècle d’un théâtre de mémoire dans lequel l’utilisateur, placé au centre, se trouvait entouré d’estrades sur lesquelles étaient disposés différents symboles. Leur agencement permettait de circonscrire toutes les choses existantes et ainsi de composer un plan de l’âme. Ce savoir extraordinaire relevait évidemment d’une croyance mystique mais, comme le souligne Bertrand Schefer, il correspond également à une évolution des procédés mnémotechniques qui, à l’heure de l’invention de l’imprimerie, au lieu de disparaître se mécanisèrent[5]. Et les images, qui avant n’étaient que mentales, prennent un sens nouveau. Elle deviennent des symboles, des réalités supérieures. Elles ne sont plus à considérer pour ce qu’elles représentent, mais pour ce qu’elles évoquent, de plus ce pouvoir évocateur évolue selon les agencements et selon la lecture qu’en fait celui qui les contrôle.
Ce rapport à l’agencement des images est à l’œuvre dans le travail d’Aurélien Froment. Il ne s’agit évidemment pas ici de faire de cet artiste un descendant de l’hermétisme mais d’évoquer un traitement des images relativement proche. En effet dans les réalisations d’Aurélien Froment les images nous apparaissent souvent comme des objets de transition. Placées dans des situations de mise en relation, elles portent des significations nées de ces rencontres.
Lors de En abrégé, son exposition en 2008 au FRAC Champagne-Ardenne, on pouvait écouter une discussion entre l’artiste et le magicien Benoît Rosemont à propos des numéros de mémoire prodigieuse de celui-ci[6]. Pour garder en tête les 20 mots qui lui sont donnés par le public, il utilise une version remaniée de l’art de mémoire basée sur un tableau mental comportant des chiffres et des images. Ce que nous fait découvrir Froment au fil de ses questions c’est que dans la tête du magicien les images qui lui servent de référence voient leurs significations constamment remaniées par de petites histoires qui lui permettent de se souvenir du mot souhaité. L’image est ainsi support de modification, comme en attente d’en rencontrer une autre pour composer un troisième sens.
Dans cette même exposition était présenté Hugo Hésitait Littéralement à Battre en Brêche Chacune de Nos Orientations Futures et Naïves, un Memory Game composé de 52 paires de cartes, retournées sur une table, comportant des images provenant d’œuvres de l’artiste. Le titre est une phrase mnémotechnique permettant de se souvenir de la première ligne du tableau périodique des éléments. Au-delà de son apparence anodine, elle s’avère chargée d’une signification appréhendable uniquement par celui qui désire l’utiliser. Sur cette table, qui s’apparente à celle qu’emploi Benoît Rosemont, les rencontres que font advenir les joueurs en retournant les cartes révèlent probablement à qui veut bien le voir des jeux de résonances et de mises en relation dans l’œuvre de Froment. Chaque élément utilisé peut connaître des modifications de sa charge symbolique, qui plus est celle-ci dépend de son lecteur et de sa capacité à jouer des principes combinatoires.
Ryan Gander est lui aussi passé maître à ce jeu de mise en relation selon des critères subjectifs. Lors de sa conférence Loose associations, il projette des diapositives d’éléments architecturaux ou d’objets aux provenances diverses qu’il lie selon des rapports subjectifs. Dans un texte à propos de cette conférence, Emilie Renard analyse la façon dont l’artiste s’écarte des modalités d’énonciation de la pensée rationnelle[7]. Elle souligne que de cette construction basée sur l’association apparaît une pensée non autoritaire qui s’écarte de la dialectique et du besoin de conclusion au profit d’une approche individualisée. Ce qui lui permet d’en conclure que Loose associations est un instrument producteur de relations
« embarquées dans la trajectoire solipsistique de celui qui les prononce »[8]. Étant donné cette prédominance d’une logique façonnée par l’artiste, on ne s’étonnera pas de découvrir dans sa double exposition It’s a right Heath Robinson affair (A stuttering exhibition in two parts) à la Kadist Art Foundation et chez gb agency un certain nombre d’œuvres dont la lecture nous impose littéralement de passer par l’artiste, chacune convoquant des références dont le traitement nous dévoile surtout les modalités de liaison qu’il a instaurées. Qu’il s’agisse de l’empilement de touches d’un xylophone dans l’ordre dans lequel elles sont jouées lors de l’allumage de Windows XP ou d’un pendentif représentant François Piron façonné par le père de Gander suite à une discussion avec lui sur le personnage du curateur, nombre de ces œuvres sont soumises au cheminement déductif de leur auteur.
Les notions de validité scientifique sont ainsi abandonnées au profit d’une logique interne désormais jugée selon les qualités intrinsèques de celle-ci. Ainsi Raphaël Zarka s’est-il lancé dans une recherche de généalogie formelle qui dépasse les cadres de la méthode stylistique et historique. Dans ses œuvres se croisent des éléments provenant de zones temporelles et typologiques en apparence hétérogènes. Développant sa propre méthode, il crée des faisceaux de connexions qui vont de formes géométriques antiques à celle de brise-lames en béton ou de la relation qu’entretiennent les skateurs avecles formes de l’environnement urbain à celui des artistes processuels avec les matériaux qu’ils manipulent. Sa récente exposition au centre d’art Les églises de Chelles se nomme L’abbé Nollet du nom d’un physicien du XVIIIème siècle ayant développé un mécanisme fait de deux cônes qui, placés sur deux tiges en pente douce, roulent vers le haut. A cette ascension l’artiste lie une photographie du skateur Mike Barker remontant en backside smith grind le plan incliné d’une sculpture de Kowalski à la défense. Les cônes de Nollet sont eux évoqués par une oeuvre en fonte reprise d’une sculpture de Roni Horn et titrée La déduction de Nollet, l’expérience de Ménard. Ménard étant ce personnage borgésien qui réécrit à l’identique le Don Quichotte de Miguel de Cervantes deux siècles après celui-ci et produit ainsi un roman stylistiquement différent.
Le raisonnement qui préside ce chaînage entretient avec les éléments manipulés par l’artiste une relation qui va à l’encontre de toute conception scientifique. Ainsi, on pourrait légitimement s’interroger sur la façon dont il envisage le contexte originel des formes qu’il manipule. C’est ce que fait François Piron lors d’un entretien avec l’artiste qui lui répond que cette question n’est jamais primordiale et que cela relève « peut-être d’une tendance naturelle à l’abstraction, à considérer les choses comme si elles sortaient d’un dictionnaire ou d’un livre »[9].
Cette absence de considération pour la provenance des éléments utilisés implique une conception renouvelée de la manipulation de signes. En privilégiant des mises en rapport qui se jouent selon des règles inventées pour l’occasion, on s’écarte des nécessités dialectiques qui présidaient historiquement à toute forme de réemploi. En effet, depuis le Pop art bon nombre d’artistes s’était lancé dans une analyse des cadres qui déterminent la formation des signes. Puis, dans les années 1990, ceux que Nicolas Bourriaud avait qualifié de « sémionautes » exploraient les possibilités combinatoires qu’offrait le refus de respecter les cadres stylistiques. Mais cette remise en cause de la typologie des registres culturels s’est toujours faite selon une « sacralité négative »[10]. C’est-à-dire que si les fondements et la légitimité de cette segmentation taxinomique est bien remise en cause par des artistes qui refusent de s’y soumettre, leur existence n’en est pas moins affirmée du fait même de cette remise en cause. Or, il semble que chez certains artistes actuels ce soit les règles de référencement qui ont changé. Les éléments qu’ils manipulent, étant soumis à la logique interne des systèmes dans lesquels ils les intègrent, ne fonctionnent plus selon un principe allégorique. Il ne s’agit plus d’en produire une lecture rapportée à leur provenance mais de les exploiter selon un protocole qui leur est étranger et qui les désolidarise de leur sens originel. Grâce à ces formes d’études qui se composent de façon subjective peut-être ont-ils trouvé un moyen de faire voler en éclats les étagères qui structuraient la bibliothèque de tous les savoirs.
[5] Bertrand Scefer, « Les lieux de l’image », in : Giulo Camillo, Le théâtre de la mémoire, Paris, Allia, 2007.
[6] Pour une transcription de cet entretien voir : Aurélien Froment, « Le chiffre à la lettre. Entretien avec Benoît Rosemont », Back Cover, n°2, printemps/été 2009, p.14-17.
[7] Emilie Renard, « This Way Ryan » in : Ryan Gander, Loose associations and other lectures, Paris, Onestar Press, 2007.
[9] François Piron, « compact et poreux : discussion avec Raphaël Zarka », in : Raphaël Zarka, En milieu continu, Nantes, Ecole régionale des beaux-art de Nantes, 2007, p.91.
[10] Marie-Josée Mondzain, Image, icône, économie. Les sources byzantines de l’imaginaire contemporain, Paris, Seuil, 1996. Cité par Tristan Trémeau, « Soudain, les fantômes théologiques de l’image vinrent à ma rencontre », L’art même, n°27, disponible sur : http://www2.cfwb.be/lartmeme/fram001.htm.
Translation Emilie Friedlander
The dream of a unification of all knowledge in a single system runs through the history of humanity. This repertoire of knowledge has assumed numerous fantastical forms, like Borges’ Library of Babel or Pierre Teilhard de Chardin’s noosphere, to name only a few. On a more prosaic level, it appears in the form of the archive. Attempting to probe its inner logic, Derrida locates the archive’s genesis in the Greek arkheion[1]: “Arkhè names at once the commencement and the commandment […] there where things commence […] but also the principle according to the law, there where men and gods command, there where authority, social order are exercised.”[2]The unification of knowledge can be measured only by the yardstick of the values of the individual who performs it. The moment in which classification occurs is the moment that holds the power to canalize knowledge through an act of consignation. “By consignation, we do not only mean, in the ordinary sense of the word, the act of assigning residence or of entrusting so as to put into reserve (to consign, to deposit), in a place and on a substrate, but here the act of consigning through gathering together signs […] Consignation aims to coordinate a single corpus, in a system or a synchrony in which all the elements articulate the unity of an ideal configuration.”[3]According to this notion, the laws that govern the archive’s organization are far from being innocent, and the histories it produces arise out of a classificatory reason. Protocols judged exempt from all traces of subjectivity reveal their true nature as fables set forth by a masked narrator. As a result, the individualized mastery of the modalities of the archive’s organization resembles an attempt to extract the elements that it orders from a unilateral and definitive reading.
During a recent edition of the Table d’hôtes–one of the simplest exhibition structures in existence, a table for displaying artists’ projects–Pierre Leguillon exhibitedhis collection of museum postcards, each featuring a different type of object photographed against a colored background. Oddly, it is the color of these backgrounds, normally overlooked, that provides Leguillon’s criterion of classification. The quality determining each image’s positioning in the archive is not the object it represents, but the color that object has been allied with. We witness an inversion of planes, the object passing to a secondary role as it cedes its place to its background. The strictly didactic status of these photographs disappears, revealing their nature as constructed images. Because their descriptive potential is undermined by this configuration, they lose their documentary stature.
In the artist’s original vision for the project, cancelled due to a lack of space, the postcards were to be mounted on a wall, spelling out the first sentence of Italo Calvino’s The Castle of Crossed Destinies. Here, the novelist narrates the story of a group of people who, surprised in the night, discover themselves in a castle, deprived of the ability to speak and constrained to recount their adventures with tarot cards. But as soon as the first sequence of cards is laid down on the table, it provides the plot of the story that follows. For each of the characters, the cards take on a different meaning. This principle, when applied to photographs of cultural objects, erases our scientific reading of the objects they represent and prompts us to doubt their true nature.Once their modality of classification has deprived them of their vocation in objectivity, their meaning is no longer a given, and remains open to formulation.
The tarot cards in the margins of Calvino’s text recall the art of memory, the mnemonic techniques used to remember the progression of a discourse. By mentally constructing the many rooms of a house and filling them with strong images, a person who employs this procedure is able to recall each of the arguments comprising a given discourse. In her book on this technique, Frances Yates demonstrates how in the Middle Ages, under the influence of hermeticism, the art of memory transforms into a system that indexes all existing things and orders their meaning.[4]To this end, Raymond Lulle, in the thirteenth century, invents a combinatory art based on the structure of nature, itself linked to divine structures. Following this development, different thinkers embark on an exploration of combinatory systems. Among them, Giulo Camillo, whoconstructs a memory theater at the end of the 16th century; standing at the center, the user discovers himself surrounded by semi-circular, terraced platforms, each bearing a different symbol. Their spatial organization allows the viewer to mentally circumscribe all existing things and thereby create a map of the human soul. This extraordinary wisdom clearly smacks of mystical belief; at the same time, Bertrand Schefer points out,it corresponds to an evolution of mnemonic procedures that, at the advent of the printing press, became a mechanical one, instead of disappearing.[5]Images, heretofore entirely mental, take on a new meaning; they become symbols, superior realities. They are no longer to be appreciated for what they represent, but for what they evoke; what is more, their evocative power evolves according to their organization and the individual reading of the person who controls them.
This view of the organization of images forms a central thread in Aurélien Froment’s work. Without reducing the artist to a descendent of hermeticism, it is possible to detect a parallel in his relationship to the image. The images he presents us with often appear to us as objects of transition; placed in situations of opposition and similarity, they carry the significations born out of these relationships.
In En abrégé, his exhibition at the FRAC Champagne-Ardenne in 2008, visitors listen to a discussion between the artist and the magician Benoît Rosement concerning the latter’s prodigious memory. In order to retain the twenty words provided to him by the public, the magician uses a modified version of the art of memory based on a mental picture composed of numbers and images. What the audience discovers over the course of the dialogue is that the individual significations of the images he employs as references are constantly shifting, transformed by the little stories he uses to recall the desired word. The image emerges as a site of modification, as though it were always waiting to encounter another, generating a third meaning.
In the same exhibition, Froment presents Hugo Hésitait Littéralement à Battre en Brêche Chacune de Nos Orientations Futures et Naïves (“Hugo litterally hesitated to beat the living daylights out of each of our future and naive orientations”), a memory game composed of 52 pairs of cards, face-down on a table, each sporting an image of one of the artist’s works.The title is a mnemonic acronym representing the first line of the Periodic Table of Elements. Beyond its innocent appearance, it presents a second signification, graspable only to those who use it. If you look hard enough for it, the juxtapositions created by the players as they overturn the cards reveal the play of resonances and relationships at the heart of Froment’s oeuvre. Each element is susceptible to modifications in its symbolic import, which in turn depends on the individual who reads it and his or her capacity to make the most out of the combinatory principles at play.
Ryan Gander has also become a master in this game of mise-en-relation according to subjective criteria. During Loose Associations, a conference, he projects slides of architectural elements and objects of diverse origin, each linked through a series of subjective ties. In her text on the conference, Emilie Renard analyzes the way in which the artist distances himself from the modalities of enunciation associated with rational thought.[6] She argues that the artist’s construction, based on association, yields a breed of non-authoritarian thought favoring individualized approaches over dialectical reasoning and the primacy of the logical conclusion. She concludes with a view of Loose Associations as a generator of “relations, taken in the solipsistic path of the one who utters them.”[7]Given the predominance of a logic unique to Gander, we would not we surprised to discover, in his exhibition It’s a right Heath Robinson affair (A stuttering exhibition in two parts) at the Kadist Art Foundation and the gb agency, a number of works that can be read only via the intermediary of the artist himself. In each of these works, the artist summons references whose creative handling reveals the modalities of linkage he has imposed upon them. Be it a pile of xylophone bars, arranged in the order in which they are played to reproduce the start-up jingle of Windows XP; or a charm bracelet representing François Piron, fashioned by Gander’s father following a discussion on the curator, a great number of these works have been subjected to the unique deductive reasoning of their author.
The principles of scientific validity are thereby abandoned, giving way to an internal logic judged solely in terms of its own, intrinsic qualities. Following this line of thinking, Raphaël Zarka embarks upon a search for formal genealogy that would transcend the boundaries of the traditional, stylistic and historical method. In several of his works, elements originating out of discrete temporal and typological zones intersect one another in heterogeneous costume. Developing his own genealogical method, he creates bundles of connective filaments, ranging from antique geometric forms to concrete breakwaters, or to the parallel between the relationship of skaters to the forms of the urban environment, and that of processual artists to the materials they manipulate. L’abbé Nollet, his recent exhibition at the Les églises de Chelles center of art, borrows its name from the 18th century physicist who developed a gadget made out of two cones that, placed atop two branches stretching down on a small slope, roll upwards. The artist links this ascent to a photograph of the skater Mike Barker traveling up the inclined plane of a Kowalski sculputure in La Défense (backside smith grind). Nollet’s cones are evoked by a work in cast iron inspired by a Roni Horn sculpture and entitled La déduction de Nollet, l’expérience de Ménard (“Nollet’s deduction, Ménard’s experience”)–Ménard being the Borgesian character who rewrites Miguel de Cervantes’ Don Quixote word for word two centuries after the original, and somehow manages to produce a novel that is stylistically different.
The reasoning that presides over this chain of relationships establishes a bond with the manipulated elements that opposes all scientific determinations. In this way, one might legitimately interrogate Zarka’s vision of the original context from which these forms arise. Which is exactly what François Piron does in his interview with the artist; Zarkareplies that this question is never a primordial one, and that it indicates “perhaps a natural tendency toward abstraction, to consider things as though they were the products of a dictionary or a book.”[8]
This lack of consideration for the provenance of a work’s elements indicates a revised conception of the manipulation of signs. By privileging relationships established through rules unique to the creation of each work, we distance ourselves from the dialectic necessities that historically presided over every form of reuse. Since Pop Art, numerous artists attempted to analyze the framework circumscribing the formation of signs. Later, in the 1990s, those that Nicholas Bourriaud termed “Semionauts” explored the combinatory possibilities occasioned by a refusal to respect stylistic frameworks. But this reconsideration of the typology of cultural registers has always been conducted in a spirit of “negative sacredness”[9]; if the foundations and the legitimacy of this taxonomic segmentation is cast into question by the artists who refuse to submit themselves to it, the existence of these institutions is nonetheless affirmed. And yet, it seems that for certain contemporary artists, it is the indexical rules that have changed.
The elements they manipulate, submitted to the internal logic of the systems into which they have been integrated, no longer function according to an allegoric principle. Rather than produce a reading of these forms that links them back to their sources, these artists exploit them through a protocol that is foreign to them, that divorces them them from their original meaning. Thanks to these studies, materializing out of individual subjectivity, these artists have perhaps found a way to shatter the shelves of what was once the library of total knowledge.
[1] Jacques Derrida, Archive Fever: A Freudian Impression, translated from the French by Eric Prenowitz, Chicago, University of Chicago Press, 1996, p.2.
[2] Ibid, p.1.
[3] Ibid, p.3.
[4] Frances A. Yates, L’Art de la mémoire, Paris, Gallimard, 1987.
[5] Bertrand Schefer, “Les lieux de l’image,” in Giulo Camillo, Le théâtre de la mémoire, Paris, Allia, 2007.
[6] Emilie Renard, “This Way Ryan” in Ryan Gander, Loose associations and other lectures, Paris, Onestar Press, 2007.
[7] Ibid, p.16.
[8]François Piron, “compact et poreux : discussion avec Raphaël Zarka,” in Raphaël Zarka, En milieu continu, Nantes, Ecole régionale des beaux-art de Nantes, 2007, p.91.
[9]Marie-Josée Mondzain, Image, icône, économie. Les sources byzantines de l’imaginaire contemporain, Paris, Seuil, 1996. Cité par Tristan Trémeau, « Soudain, les fantômes théologiques de l’image vinrent à ma rencontre », L’art même, n°27, disponible sur : http://www2.cfwb.be/lartmeme/fram001.htm.
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