L’objet, la chose et le n’importe quoi dans la sculpture de R.Harrison
Rachel Harrison, « fake titel », kestnergesellschaft, Hanovre / Hanover , 7.06 – 4.08.2013
Puis au / then at S.M.A.K., Gand, 7.09.2013 – 05.01.2014.
On a beaucoup écrit de cet art « post 11.09 » qu’il reflétait l’incertitude du temps présent [1]; on l’a dit pauvre, informe, paresseux ; on l’a aussi beaucoup mis en scène dans de grandes expositions thématiques aux préoccupations non seulement sculpturales (parce qu’il semblait s’agir principalement de scuplture) mais aussi sociétales (« The Uncertainty of Objects and Ideas: Recent Sculpture », 2006-2007 ; « Unmonumental », 2007-2008 ; « Altermodern », 2009) ou humoristiques (« N’importe quoi », 2009 ) [2]. Et, en effet, il n’est pas faux de le considérer comme un certain miroir des derniers grands changements à l’Ouest : l’apparition, en 1998, de Google avec son objectif « d’organiser l’information à l’échelle mondiale et de la rendre universellement accessible et utile » [3] et le vertige paranoïaque qui s’ensuivit, le passage à un nouveau millénaire puis la découverte de la fragilité de la civilisation occidentale par la destruction de l’un de ses emblèmes, bref, tout cela est de l’histoire plus que bien connue. Cependant, de cet art, finalement assez difficile à qualifier clairement (mais a-t-on réellement besoin de telles qualifications catégorisantes ?), et pour lequel l’on pourrait citer Jessica Stockholder, Isa Genzken, Manfred Pernice, Gabriel Kuri ou Rachel Harrison comme ses « représentants » parmi les plus « emblématiques » – bien qu’ils aient tous commencé à exposer plusieurs années avant ce tournant qu’est devenue la table rase de ground zero – l’on semble parfois vite oublier qu’il n’est pas qu’une puissance de constat mais qu’il affirme aussi des choses, notamment par son emploi des objets usuels… L’objet, c’est quelque chose de rassurant parce que l’on sait où regarder mais, paradoxalement, lorsqu’il s’inscrit dans la composition d’une oeuvre d’art, il instille au contraire une certaine incompréhension.
C’est suite à une visite de l’atelier de Rachel Harrison lors de sa résidence à l’Atelier Calder à Saché qu’il nous a semblé pertinent de proposer une lecture du travail de l’artiste à l’aune de celle des récents essais des philosophes Tristan Garcia, Forme et objet [4], et Richard Shusterman, Chemins de l’art [5], une réflexion sur l’objet dans l’art et plus précisément dans l’oeuvre d’art ne pouvant évidemment se départir d’une réflexion sur l’objet d’art et, par là même, sur l’art lui-même.
Sur une colonnette vert d’eau, un morceau de branche d’arbre à laquelle s’accroche une grappe de noix en plastique est surmonté d’un bien vilain chapeau. D’un tableau abstrait multicolore émerge une boîte de flan instantané en sachets. Une petite table travestie d’un enduit grossier et violemment bigarrée supporte une autre branche coupée posée comme un trépied sur laquelle un objet indéterminé supporte lui-même une basket adidas. De ces travaux, pour certains en cours et pour d’autres achevés, se dégage, comme à l’habitude dans le travail d’Harrison, une sensation ambivalente d’accumulation d’objets hétéroclites et pourtant de choix judicieux parmi eux. Nous sommes évidemment face à de la sculpture qui n’évacue pas les considérations formelles classiques inhérentes (?) au médium de volume, d’équilibre ou de matérialité bien qu’elle se place simultanément au-delà [6]. Loin de se résumer à de simples assemblages, les sculptures de l’Américaine adjoignent toujours aux objets qu’elles semblent présenter [7] des éléments « faits main » par l’artiste, à moins que ce ne soit le contraire et qu’elles n’adjoignent aux éléments faits mains des objets « extérieurs ». Posé, encastré, dissimulé, pris en sandwich, lorsqu’il n’est pas tout bonnement utilisé pour caler la sculpture [8], l’objet « rapporté » (comme l’on pourrait dire d’une pièce rapportée) semble avoir pour mission d’« indiscipliner » [9] la sculpture pour – par-delà le dialogue qu’il établit avec le monde du banal, pour reprendre le terme de Danto [10] – en miner les certitudes tout en lui permettant, paradoxalement, de conserver une réelle dimension affirmative. En cela, la fonction de cet objet diffère quelque peu de celle du readymade présenté seul, dans la tradition duchampienne, ou sans la confrontation avec le « fait main ». Deux types d’objets assument en réalité cette fonction chez Harrison : l’objet acheté et l’objet trouvé. Chiné sur les brocantes ou choisi dans des magasins discount, le premier type [11] en est un artefact qui ressort du domaine de la consommation de masse, il est par là « reproductible » tandis que le second est « essentiellement singulier, irremplaçable » [12]. Ce dernier joue donc un rôle plus proche de celui des éléments « faits main », contrebalançant la dimension intellectuelle et spéculative du readymade bien qu’il évite l’intense physicalité des éléments produits par l’artiste. Il peut s’agir de socles ou de caisses de transport d’oeuvres, parfois même de cimaises (Indigenous Parts, 1995 – en cours) empruntées sur place aux réserves des musées locaux… Bien sûr, d’une certaine manière ils continuent de jouer leur rôle de socle, de caisse ou de cimaise mais c’est éventrés que des socles vont présenter des vidéos sur des moniteurs placés en leur intérieur (Foot Stays in the Picture, 2007) ; c’est avachies, entassées, que des cimaises vont faire leur office (Marilyn With Wall, 2004-09) ; c’est grimpés les uns sur les autres que les socles vont édifier un mur de scission de l’espace d’exposition (Incidents of Travel in Yucatan, 2011).
Il n’y a pas de volonté de transfiguration conceptuelle chez Harrison, « les choses se représentent elles-mêmes (une perruque est une perruque) et représentent en même temps autre chose » [13] dépassant ainsi la lecture que fait Danto du readymade dans son ouvrage le plus célèbre (à partir de l’exemple warholien des boîtes de Brillo, est-il utile de le rappeler) lorsqu’il affirme que les oeuvres d’art et les simples objets réels ont « des origines ontologiques radicalement différentes » [14], mais aussi celle qu’en transcrit Richard Shusterman lorsqu’il décrit l’influence du maître zen Ch’ing Yuan sur la pensée de Danto en ces termes : « de simples choses réelles peuvent être sublimement transfigurées dans notre perception sans jamais cesser d’être des choses réelles ; elles peuvent être saisies comme des entités les plus profondément spirituelles sans être spiritualisées dans un monde élevé au-delà du monde réel immanent dans lequel nous demeurons » [15] et qu’il actualise lorsqu’il écrit que « la transfiguration immanente des objets ordinaires […] pourrait en faire de l’art, sans les sortir du monde réel pour les inscrire dans un monde de l’art compartimenté, transcendant, dont les objets ont un statut métaphysique totalement différent. » [16] Les objets sont ici « présentés de la même manière que celle dont nous les voyons dans le monde réel, ce n’est que le contexte qui change. » [17] Ils coexistent sur un pied d’égalité avec les formes abstraites produites par la sculptrice dans ce que l’on pourrait décrire comme une ontologie plate. « […] On a vu récemment apparaître cette idée d’“ontologie plate” afin de qualifier des pensées ne hiérarchisant pas les entités du monde autour de substances ou à partir de principes transcendantaux, mais reconnaissant une égale dignité ontologique à tout ce qui est individué. » [18] L’égale dignité ontologique dont parle Tristan Garcia, c’est, appliqué à la sculpture, ce qui caractérise à mon sens celle de Rachel Harrison plus que tout autre postulat. « […] une oeuvre présente et consiste en une canette de Slim Fast, l’employant à la fois comme contenu et comme matériau ; une pile de magazines people flanqués sous l’un des coins d’un socle intervient à la fois comme référence culturelle pop et comme élément sculptural qui vient littéralement sous les pieds de la sculpture en déplacer le poids. Il serait aisé d’envisager ces exemples comme une critique de la société de consommation […] mais il est aussi possible de les aborder d’une manière plus directe, dé-sublimée : comme des faits sculpturaux agissants, avec de réelles conséquences sculpturales. » [19]
Des pages judicieusement fac-similées d’un texte de Francis Ponge placées au milieu de son imposante monographie, Museum With Walls, achèvent d’éclairer le propos de l’artiste quant à ces readymade qui nous occupent ici : « De toute façon, nous nous trouvons, à leur égard, dessillés : nous les voyons enfin, au lieu, purement et simplement, de les utiliser. » [20] Bien qu’elles conservent leur familiarité de résidu d’un ultra-présent mondialisé, ces babioles nous offrent, recontextualisées qu’elles se trouvent – juchées sur des monticules colorés ou prises en leur sein – la possibilité d’un autre regard sur elles : permettant, par leur présence même, de les distinguer de ce qui n’est pas elles et, par là, de distinguer ce qui n’est pas elles comme autre, elles jouent le double jeu d’objet « passif » dans toute son objectité et d’objet « actif » influant bien sûr sur notre représentation de lui-même mais aussi sur notre représentation de ce qui l’environne, représentations qui sont donc particulières à chacun et non inscrites dans les objets que nous nous représentons [21].
Cette problématique du regard sur l’oeuvre / l’objet est mise en abyme dans une série de confrontations de figurines à visage humain à des représentations artistiques canoniques dans Perth Amboy [22] (2001). Becky, une copine de Barbie en fauteuil roulant et l’appareil photo autour du cou, semble contempler une photo d’un paysage comme bouché (en fait l’image d’un fond vert dans un studio de cinéma donnant cette impression de décor vide) ; une tête d’Amérindien coiffée de plumes fait face à une photo de coucher de soleil (provenant des Sunset Series de Rachel Harrison) lourdement encadrée de bois doré et posée sur un petit chevalet ; un visage de femme dessiné sur l’étiquette d’une boîte de conserve de sauce piquante mexicaine « regarde » une reproduction d’un tableau de Teniers le Jeune dépeignant l’Archiduc Léopold Guillaume d’Autriche dans sa galerie de peintures (célèbre mise en abyme de la peinture puisque l’on peut y reconnaître les tableaux de la collection minutieusement reproduits), tandis qu’une statuette chinoise en céramique émaillée paraît inspecter un élément abstrait à la manière d’un « rocher de lettré », bien que ce dernier, hormis sa forme pouvant en effet évoquer celle d’une roche, soit d’un bleu ciel nacré assorti à la robe du savant. Absolument hilarante, cette série de sculptures peut être considérée comme l’un des statements de Rachel Harrison, exemplifiant de manière parfaitement littérale ce regard à la fois perplexe et contemplatif que nous avons, nous-mêmes, devant les oeuvres… « Comment comprendre qu’un objet d’art ne soit pas qu’un objet ? » et, inversement, comment comprendre qu’une oeuvre d’art puisse n’être qu’une chose [23] ?
« L’art serait effectivement une forme possible du n’importe quoi » [24] commente le critique et curateur Vincent Pécoil lorsqu’il cite la célèbre réponse de Picasso à qui l’on demandait ce qu’il faisait : « N’importe quoi, comme d’habitude. » Ce à quoi pourrait répondre Tristan Garcia : « entendons par “n’importe quoi” ceci aussi bien que cela, de manière à ce que rien n’en soit a priori exclu. » [25] « […] le n’importe quoi est tout simplement le plan d’égalité de ce qui est réel, ce qui est possible, ce qui est inexistant, ce qui est passé, ce qui est impossible, ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui est mauvais. Peu importe. […] Que n’importe quoi soit quelque chose n’indique rien d’autre que la possibilité d’une platitude : ce par quoi tout est également. » [26] Que les objets insérés dans les sculptures de Rachel Harrison n’apportent pas d’autre réponse à ces interrogations problématiques que leur propre présence est un fait, « ces oeuvres répugnent à pourvoir une signification définitive en tant que telle » [27]. Pourquoi d’ailleurs le devraient-elles ? Cette signification aurait-elle un sens ? Ainsi que le cite très justement Anne Ellegood en exergue de son essai déjà mentionné ici, « nous pouvons parler d’une chose, mais nous ne pouvons parler une chose. » [28] Cet interstice médié par le langage entre les choses et nous étant fondamentalement irréductible, que faire si ce n’est affirmer que si le langage peut transmettre de la signification, il ne la contient néanmoins nécessairement pas, et nous permettre de conclure par les mots de Tristan Garcia : « Une pensée préalable des choses ne s’empêche jamais elle-même en nous révélant en définitive notre pensée, notre langage, notre connaissance comme égale aux choses pensées, dites ou connues. » [29]
- ↑ Et moi la première, cf. Aude Launay, « Wassup Britney », 02 n˚45, printemps 2008, p. 26.
- ↑ « The Uncertainty of Objects and Ideas: Recent Sculpture », Hirshhorn Museum et Sculpture Garden, Washington DC, 26.10.2006 – 7.01.2007, commissariat : Anne Ellegood ; « Unmonumental », New Museum, New York, 1.12.2007 – 30.03.2008, commissariat : Richard Flood, Massimiliano Gioni, Laura Hoptman ; « Altermodern », Tate Britain, Londres, 3.02 – 26.04.2009, commissariat : Nicolas Bourriaud ; « N’importe quoi », Mac Lyon, 13.02 – 19.04.2009, commissariat : Vincent Pécoil, Olivier Vadrot. Ces quatre expositions ont en commun d’avoir présenté des oeuvres de Rachel Harrison.
- ↑ wikipedia – Google
- ↑ Tristan Garcia, Forme et objet, un traité des choses, Puf Métaphysiques, 2011.
- ↑ Richard Shusterman, Chemins de l’art, transfigurations, du pragamatisme au zen, Al Dante / AKA, traduction par Raphaël Cuir du chapitre 15 de l’ouvrage collectif, édité par Mark Rollins, Danto and His Critics, Wiley-Blackwell, 2012, 2nde édition.
- ↑ Voir à ce sujet du dépassement du médium et, par là, de la pureté grennbergienne, l’excellent essai d’Anne Ellegood « The Uncertainty of Objects and Ideas », publié dans le catalogue de l’exposition éponyme, The Uncertainty of Objects and Ideas: Recent Sculpture, Hirshhorn Museum & Sculpture Garden, 2007.
- ↑ « Sculpture is always on display, but this is sculpture as display or of display (Can we say “ready-displayed” ?) », John Kelsey, « Our Bodies, Our Shleves », in Rachel Harrison, Museum With Walls, 2010, CCS, Bard College ; Whitechapel Gallery, Londres ; Portikus, Francfort, p. 236.
- ↑ « […] du point de vue pragmatiste, il n’est aucune utilisation “illégitime” d’un objet, dès lors qu’elle remplit le but visé. On néglige certes la puissance propre d’un poème ou d’un billet de banque en se servant simplement de leur papier pour allumer un barbecue (un journal ferait le même effet), ou en les pliant pour caler une table (un bout de bois y suffirait). Lorsqu’on les sous-utilise ainsi, le problème ne tient toutefois pas à un manque de respect envers l’objet utilisé, mais à la possibilité d’un manque à gagner pour l’utilisateur : plutôt que de les enflammer pour allumer mon barbecue, je ferais sans doute mieux de lire la page du recueil de poésies pour en tirer une expérience esthétique ou de garder mon billet de banque pour acheter une bouteille de liquide allume-feu – mais peut-être pas, tout dépendant des circonstances. » Yves Citton dans son introduction à l’ouvrage de Stanley Fish, Quand lire c’est faire, L’autorité des communautés interprétatives (1980), Les prairies ordinaires, 2007, p. 22.
- ↑ Sur le modèle de « l’indiscipline en acte » qu’explique Yves Citton dans son introduction à l’ouvrage de Stanley Fish, op. cit., p. 11-12 : « Au-delà d’une interdisciplinarité qui se contente de faire dialoguer les experts par-dessus les barrières institutionnelles […], le parcours intellectuel de Stanley Fish illustre l’appel d’une indisciplinarité qui somme le savant de mettre son expertise à l’épreuve inconfortable de ce qui menace non seulement les frontières de sa discipline mais ses fondements mêmes. »
- ↑ Arthur Danto, La transfiguration du banal (1981), Seuil, 1989, pour la traduction française.
- ↑ Cette distinction entre les deux types d’objets est approfondie dans le texte d’Iwona Blazwick « Mystery, Ancient and Modern : Indigenous Parts », in Rachel Harrison, Museum With Walls, op.cit., p. 106.
- ↑ Ibid., Margaret Iversen citée par Iwona Blazwick.
- ↑ Ellen Seifermann, « Many Layered Objects, Notes on Rachel Harrison’s Strategies », in If I did it, jrp|/ringier, 2007, p. 117.
- ↑ Arthur Danto, La transfiguration du banal, op. cit., p. 33. « D’une manière ou d’une autre, cette pensée cherche à rejoindre le statut d’“objet d’art” à partir de l’“objet nu”, en s’interrogeant sur les processus de différentiation par lesquels certaines choses se distinguent pour nous des autres, au point d’être considérées et “vues comme” des oeuvres… » Tristan Garcia, Forme et Objet, p. 297.
- ↑ Richard Shusterman, op.cit., p.42-43.
- ↑ Richard Shusterman, op.cit., p.61.
- ↑ Rachel Harrison, entretien avec l’auteur.
- ↑ Tristan Garcia, p. 11.
- ↑ John Kelsey, « Sculpture in an Abandoned Field », in If I did It, op.cit., p. 122.
- ↑ Francis Ponge, « Autour du savon », in La Nouvelle Revue Française, n˚169, 1er janvier 1967, p. 13.
- ↑ « Ce que se représente quelqu’un, personne d’autre ne peut se le représenter, sans échanger la présence de soi de la première personne par la présence de soi de quelqu’un d’autre. Il est certes possible d’en communiquer un effet, mais pas de la partager dans son entièreté. » Tristan Garcia, op.cit., p. 264.
- ↑ Créée en 2001 pour l’exposition éponyme à la galerie Greene Naftali, New York, Perth Amboy a été re-présentée en 2009 lors des expositions « Consider the Lobster » au CCS Bard College, Annandale-on-Hudson, « HAYCATION » à Portikus, Francfort- sur-le-Main et « Conquest of the Useless » à la Whitechapel Gallery, Londres qui ont donné lieu par la suite à la publication du catalogue Museum With Walls (op.cit.). Je ne mentionne ici qu’une partie de l’installation qui prend pour nom celui d’une petite ville du New Jersey où aurait eu lieu une apparition sainte en 2000, sur la vitre d’une maison.
- ↑ Tristan Garcia (op.cit., p. 298-299), oppose ici les conceptions analytiques et dialectique-critique de l’oeuvre d’art, toutes deux parfaitement aporétiques sur ces questions.
- ↑ Vincent Pécoil, « N’importe quoi », in Catalogue N’importe quoi, Lyon, Musée d’art contemporain ; Dijon, Les Presses du réel, collection : La Salle de bains, 2009, p.3.
- ↑ Tristan Garcia, op.cit., p.29.
- ↑ Idem, p.40.
- ↑ Tom Eccles, in Rachel Harrison, Museum With Walls, op.cit., p.14.
- ↑ Dick Higgins, “A Something Else Manifesto,” in Dick Higgins and Emmett Williams, eds., Manifestos, A Great Bear Pamphlet, New York, Something Else Press, 1966, p.20.
- ↑ Tristan Garcia, op.cit., p.10.
Objects, Things and Any Old Things in Rachel Harrison’s Sculpture
Much has been written about how “post 9/11” art reflected the uncertainty of the present period [1]. It has been called poor (as in povera), shapeless, and lazy. It has also been often presented in large thematic exhibitions concerned not only with things sculptural (because what seemed to be involved was mainly sculpture) but also with things societal (The Uncertainty of Objects and Ideas: Recent Sculpture, 2006-2007; Unmonumental, 2007-2008; Altermodern, 2009) and humorous (N’importe quoi, 2009).[2] And it is in fact not erroneous to regard it like a certain mirror of the latest great changes in the West: the appearance, in 1998, of Google, with its aim “of organizing the world’s information and make it universally accessible and useful”[3] and the paranoid vertigo that ensued, the shift to a new millennium, then the discovery of the fragility of western civilization by the destruction of one of its emblems… in a nutshell, all this is history that is well-known and then some. Where that art is concerned, however—and in the end of the day it is quite hard to describe clearly (but do we really need such pigeonholing categorizations?), and in whose regard we might mention Jessica Stockholder, Isa Genzken, Manfred Pernice, Gabriel Kuri and Rachel Harrison as some of its most “emblematic representatives”, even though they all started exhibiting several years before that turning-point that the tabula rasa of ground zero has become—we sometimes seem to quickly forget that it is not just a potent observation, but that it also asserts certain things, notably through its use of ordinary objects. An object is something comforting because you know where to look, but, paradoxically, when it is included in the composition of an artwork, on the contrary it instils a certain lack of understanding.
It was after a visit to Rachel Harrison’s studio during her residency at the Atelier Calder in Saché that it seemed relevant to us to propose a reading of the artist’s work using the yardstick of the reading of the recent essays by the philosophers Tristan Garcia, Forme et objet, [4] and Richard Shusterman, Art as Religion, Transfigurations of Danto’s Dao [5], a reflection on the object in art and more precisely in the artwork being obviously unable to depart from a reflection on the art object and, thereby, on art itself.
On a small sea-green column, a piece of a tree’s branch, to which is affixed a bunch of plastic walnuts, is surmounted by a thoroughly ugly hat. From a multicoloured abstract picture emerges an instant tin of custard powder in packets. A small table disguised by rough and violently colourful rendering supports another cut branch placed like a tripod, on which an indeterminate object itself supports an Adidas sneaker. From these works, some in progress, others finished, there is released—as is customary in Harrison’s work—an ambivalent sensation of accumulating eclectic objects, yet exercising shrewd choices among them. We are obviously looking at sculpture that does not get rid of the classic formal considerations (inherent?) to the medium of volume, balance and materiality, even though it places itself simultaneously beyond [6]. Far from being resumed in simple assemblages, the American’s sculptures always adjoin to the objects which they seem to be presenting [7] objects that are “hand-made” by the artist, unless the opposite is the case, and they adjoin “exterior” objects to the hand-made elements. Placed, embedded, dissimulated, or sandwiched, when it is not quite simply used to steady the sculpture [8], the brief of the object “added on” (the way we might talk about a piece added on) seems to be to “undiscipline” [9] the sculpture, in order — over and above the dialogue that it establishes with the world of the commonplace, to borrow Danto’s term [10] — to undermine certainties while, paradoxically, making it possible to conserve a real affirmative dimension. As such, the function of this object differs somewhat from that of the readymade presented on its own, in the Duchampian tradition, or without any comparison with the “hand-made”. Two types of objects actually assume this function in Harrison’s work: the purchased object and the found object. Whether found while bargainhunting in bric-à-brac shops, or chosen in discount centres, the first type [11] is an artefact coming from the world of mass consumerism, so it is “reproducible”, while the second is “essentially singular, and irreplaceable” [12]. This latter thus plays a role closer to that of “hand-made” things, offsetting the intellectual and speculative dimension of the readymade, even if it sidesteps the intense physicality of things produced by the artist. It may be a question of stands and pedestals, or crates for transporting works, sometimes even drywall picture rails (Indigenous Parts, 1995-in progress), borrowed on the spot from local museum reserves… In a way, needless to say, they are still playing their part as stands, crates or picture rails, but it is in a disembowelled way that stands will present videos on monitors placed inside them (Foot Stays in the Picture, 2007); it is in a sagging, piled-up way that picture rails will do their job (Marilyn with Wall, 2004-209); and it is climbing on each other that stands will build a dividing wall in the exhibition space (Incidents of Travel in Yucatan, 2011).
Harrison shows no desire for conceptual transfiguration, “the things represent themselves (a wig is a wig), and at the same time something else” [13], thus going beyond the reading Danto makes of the readymade in his most celebrated book (using the Warholian example of the Brillo boxes, it is worth bearing in mind) when he says that works of art and simple real objects have “radically different ontological origins” [14], but also the reading offered by Richard Shusterman when he describes the influence of the Zen master Ch’ing Yuan on Danto’s thinking by referring to how simple real things can be sublimely transfigured in our perception without ever ceasing to be real things; they can be grasped as the most profoundly spiritual entities without being spiritualized in a world elevated beyond the immanent real world in which we live [15] and which he updates when he writes that “[…] the immanent transfiguration of ordinary objects […] could make them art without taking them out of the real world and into a compartmentalized, transcendent art world whose objects have an entirely different metaphysical status”.[16] Objects are here “simply presented the same way they are seen in the real world, only the context changes.” [17] They co-exist on an equal footing with the abstract forms produced by the sculptress which we might describe as a flat ontology. “[…] We have recently seen this idea of “flat ontology” appearing to qualify thoughts which do not hierarchize the world’s entities around substances or based on transcendental principles, but acknowledging an equal ontological dignity in anything that is individuated.” [18] Applied to sculpture, the equal ontological dignity referred to by Tristan Garcia is what, in my view, hallmarks Rachel Harrison’s sculpture more than any other postulate. “[…] a work both displays and consists of a can of Slim Fast, employing it as both content and material; or a stack of glossy celebrity tabloids shoved under one corner of a plinth intervenes as both pop cultural reference and as a structural element that literally gets under the feet of the sculpture shifting its weight. We could easily discuss such instances as a critique of consumer society […] but we can also approach them in a more direct, de-sublimated way: as active sculptural facts with real sculptural consequences.” [19]
Shrewdly facsimiled pages of a text by Francis Ponge placed in the middle of her impressive monograph, Museum With Walls, manage to shed light on the artist’s idea with regard to the readymades which concern us here: “At any rate, we find ourselves, with regard to them, disabused : we finally see them, instead of purely and simply utilizing them.” [20] Although they retain their casual appearance of residue from a globalized ultrapresent, these knick-knacks—re-contextualized as they may be, perched on coloured mounds or caught within them—offer us the possibility of another way of looking at them: making it possible, by their very presence, to tell them apart from what is not them and, thereby, distinguishing what is not them as something other, they play the twofold game of “passive” object in all its objectivity and “active” object, needless to say having an effect on our representation of itself but also on our representation of what is all around it, representations that are peculiar to each one and not incorporated in the objects that we represent for ourselves. [21]
This issue of looking at the work/object involves mise en abyme, in a series of confrontations between small figures with human faces and canonical artistic representations in Perth Amboy (2001) [22]. Becky, a friend of Barbie in a wheelchair with a camera slung around her neck, seems to be contemplating a photo of a landscape that seems bare (in fact the image of a green background in a film studio giving the impression of an empty décor): the head of an Amerindian with a feathered headdress looks at a photo of a sunset (coming from Rachel Harrison’s Sunset Series) heavily framed with gilded wood and placed on a small easel: a woman’s face drawn on the label of a can of Mexican hot sauce “is looking at” the reproduction of a picture by Teniers the Younger depicting Archduke Leopold Wilhelm of Austria in his picture gallery (a famous painting within a painting, because in it you can recognize the meticulously reproduced pictures in the collection), while a Chinese statuette in enamelled ceramic seems to be inspecting an abstract element in the manner of a “scholar’s stone”, even if, apart from its form which might in fact evoke that of a rock, has a pearly skyblue hue, matching the scholar’s gown. This absolutely hilarious series of sculptures may be regarded as one of Rachel Harrison’s main “statements”, exemplifying, in a perfectly literal way, this at once perplexed and contemplative gaze that we ourselves have in front of works… “How are we to understand that an art object is not just an object ?” and, conversely, how are we to understand that a work of art can only be a thing [23]?
“Art is effectively a possible form of any old thing” [24] comments the critic and curator Vincent Pécoil, when he quotes Picasso’s famous answer, when asked what he was doing: “Any old thing, as usual.” To which Tristan Garcia might reply: “let us understand by ‘any old thing’ this as well as that, in such a way that nothing is, a priori, excluded.” [25] “[…] the any old thing is quite simply the level of equality of what is real, what is possible, what is non-existent, what is past, what is impossible, what is true, what is untrue, what is bad. It does not much matter. […] The fact that any old thing is something indicates nothing other than the possibility of a flatness: whereby everything is equally.” [26] That the objects fitted into Rachel Harrison’s sculptures bring no other response to these problematic questions than their own presence is a fact, “there is a reluctance in these works to provide an ultimate ‘meaning’ as such.” [27] Why should they anyway? What meaning would that ‘meaning’ have? As Anne Ellegood quotes very aptly in the epigraph to her essay, already mentioned here: “We can talk about a thing, but we cannot talk a thing.” [28] This interstice between things and us being mediated by the language, and basically quintessential, what are we to do if not assert that if language can transmit a meaning, it nevertheless does not necessarily contain it, and enables us to conclude with these words from Tristan Garcia: “A preliminary way of thinking about things never refrains itself by once and for all revealing to us our thinking, our language, and our knowledge as equal to things thought, said and known [29].”
- ↑ And I the first, cf. Aude Launay, “Wassup Britney”, 02 n˚45, spring 2008, p.26.
- ↑ “The Uncertainty of Objects and Ideas: Recent Sculpture”, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington DC, 26.10.2006-7.01.2007, curated by Anne Ellegood ; “Unmonumental”, New Museum, New York, 1.12.2007- 30.03.2008 curated by Richard Flood, Massimiliano Gioni, Laura Hoptman ; “Altermodern”, Tate Britain, London, 3.02-26.04.2009, curated by Nicolas Bourriaud ; “N’importe quoi”, Mac Lyon, 13.02-19.04. 2009, curated by Vincent Pécoil, Olivier Vadrot. These four shows share in common their presentation of Rachel Harrison’s works.
- ↑ wikipedia – Google
- ↑ Tristan Garcia, Forme et objet, un traité des choses, Puf Métaphysiques, 2011.
- ↑ Richard Shusterman in Danto and His Critics, edited by Mark Rollins, Wiley-Blackwell, 2012, 2nd edition.
- ↑ On this subject about going beyond the medium, and, thereby, about Greenbergian purity, see Anne Ellegood’s excellent essay “The Uncertainty of Objects and Ideas”, published in the catalogue of the eponymous exhibition, The Uncertainty of Objects and Ideas : Recent Sculpture, Hirshhorn Museum & Sculpture Garden, 2007.
- ↑ “Sculpture is always on display, but this is sculpture as display or of display (Can we say “ready-displayed” ?)”, John Kelsey, “Our Bodies, Our Shleves », in Rachel Harrison, Museum With Walls, 2010, CCS, Bard College ; Whitechapel Gallery, London ; Portikus, Frankfurt, p. 236.
- ↑ “[…] from the pragmatist viewpoint, there is no “illegitimate” use of an object, once it fulfils the goal aimed at. People certainly overlook the particular power of a poem or a bank note by simply using their paper to light a barbecue (a newspaper would have the same effect), or folding them to wedge a table leg (a bit of wood would suffice). When we thus under-utilize them, the problem does not however have to do with a lack of respect for the object utilized, but the possibility of a loss for the user: rather than setting them on fire to light my barbecue, I would probably be better off reading the page of poetry to gain an aesthetic experience, or keep my bank note to buy a bottle of flammable liquid— buy maybe not, everything would depend on the circumstances.” Yves Citton in his introduction to the French translation of Stanley Fish’s essays Is There a Text in This Class? The Authority of Interpretive Communities and Professional Correctness. Literary Studies and Political Change, Quand lire c’est faire, L’autorité des communautés interprétatives, Les prairies ordinaires, 2007, p. 22.
- ↑ On the model of “indiscipline in action” as explained by Yves Citton in his introduction to Stanley Fish’s book, op.cit., p. 11-12 : “Over and above an interdisciplinarity which is limited to create a dialogue between experts beyond institutional barriers […], Stanley Fish’s intellectual itinerary illustrates the appeal of an indisciplinarity which summons the scholar to put his expertise to the uncomfortable test of what threatens not only the boundaries of his discipline but its very foundations.”
- ↑ Arthur Danto, The Transfiguration of the Commonplace, Harvard University Press, 1981.
- ↑ This distinction between the two types of objects is dealt with in depth in Iwona Blazwick’s text “Mystery, Ancient and Modern : Indigenous Parts”, in Rachel Harrison, Museum With Walls, op.cit., p. 106.
- ↑ Ibid., Margaret Iversen quoted by Iwona Blazwick.
- ↑ Ellen Seifermann, “Many Layered Objects, Notes on Rachel Harrison’s Strategies”, in If I did it, jrp/|ringier, 2007, p. 117.
- ↑ Arthur Danto, The Transfiguration of the Commonplace, op. cit. “In one way or another, this thinking seeks to link up with the “art object” status based on the “naked object”, by questioning the processes of differentiation through which certain things stand apart, for us, from others, to the point of being considered and “seen as” works…” comments Tristan Garcia in Forme et Objet, op.cit., p. 297.
- ↑ Richard Shusterman in Danto and His Critics, op.cit. p. 259.
- ↑ Richard Shusterman, op.cit. p. 265.
- ↑ Rachel Harrison, interview with the author.
- ↑ Tristan Garcia, op.cit. p. 11.
- ↑ John Kelsey, “Sculpture in an Abandoned Field”, in If I did It, op.cit., p. 122.
- ↑ Francis Ponge, Soap (1967), Stanford University Press, 1998.
- ↑ “What someone represents for himself, nobody else can represent for himself, without exchanging the presence of self in the first person by the presence of self of someone else. It is of course possible to communicate an effect of this, but not share it in its entirety.” Tristan Garcia, op.cit., p. 264.
- ↑ Created in 2001 for the eponymous show at the Greene Naftali gallery, New York, Perth Amboy was re-presented in 2009 during the exhibitions “Consider the Lobster” at CCS Bard College, Annandale-on-Hudson, “HAYCATION” at Portikus, Frankfurt-am-Main and “Conquest of the Useless” at the Whitechapel Gallery, London, which subsequently gave rise to the publication of the catalogue Museum With Walls (op. cit.). Here I am just mentioning part of the installation, named after a small town in New Jersey where there was allegedly a holy apparition, in the window of a house, in 2000.
- ↑ ristan Garcia (op.cit., p. 298-299) here contrasts the analytical and dialectical-critical conceptions of the work of art, both being perfectly aporetic about these issues.
- ↑ Vincent Pécoil, “N’importe quoi”, in Catalogue N’importe quoi, Lyon, Musée d’art contemporain ; Dijon, Les Presses du réel, collection : La Salle de bains, 2009, p. 3.
- ↑ Tristan Garcia, op.cit., p. 29.
- ↑ Idem, p. 40.
- ↑ Tom Eccles, in Rachel Harrison, Museum With Walls, op.cit., p. 14.
- ↑ Dick Higgins, “A Something Else Manifesto,” in Dick Higgins and Emmett Williams, eds., Manifestos, A Great Bear Pamphlet, New York, Something Else Press, 1966, p. 20.
- ↑ Tristan Garcia, op.cit., p. 10.
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- Du même auteur : Kate Crawford | Trevor Paglen, L’histoire polyphonique du Net Art, un Eternal Network?, Thomas Bellinck, Christopher Kulendran Thomas, Le curating algorithmique,
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