Philippe Parreno au Centre Pompidou
Un art de l’étrangeté
Annonçant l’excitation étourdissante d’une salle de jeu ou la féerie bon marché d’un parc d’attraction, une enseigne lumineuse – Marquee, 2009 – éclaire depuis le 3 juin dernier l’entrée de la Galerie Sud du Centre Pompidou par le clignotement de multiples ampoules blanches. Cette protubérance lumineuse, prélude à l’exposition parisienne de Philippe Parreno 8 juin 1968 – 7 septembre 2009, inaugure une proposition artistique placée sous le signe du spectacle. Dès 1995, le film Viccinato, realisé par Philippe Parreno en collaboration avec Rikrit Tiravanija et Carsten Höller, annonçait de manière prémonitoire les fondements d’une démarche artistique : « There isn’t any difference between an event, its image and its perception. And if there is a difference, we don’t even notice it. Reality is made of this »[i]. La formule pose le constat d’une aliénation réciproque du réel et de ses représentations, aliénation propre au monde contemporain, et dont l’une des premières formulations fut celle de Guy Debord en 1967 : « La réalité surgit dans le spectacle, et le spectacle est réel »[ii]. Matrice d’une œuvre dont nous pouvons aujourd’hui mesurer l’ampleur et la justesse, ce constat marque profondément les premières années de la carrière de l’artiste, celui-là même qui en 1991, donnait à des enfants le rôle improbable de manifestants, portant des banderoles au slogan incertain : No More Reality!
L’artiste travaille alors à l’élaboration de propositions artistiques visant à perturber cette imbrication de différentes strates de réel – l’événement, son image et son commentaire -, traduisant le sentiment diffus d’une perte de réalité. En 1995, Cinémascope, réalisé en collaboration avec Rikrit Tiravanija, est la vidéo d’un match de football, les gros titres des journaux ayant été imprimés sur les maillots des joueurs à la place du logo du sponsor. À l’action des sportifs est ainsi superposé un second message de type télévisuel, produisant l’effet d’un zapping désordonné. Par cette transposition, Cinémascope apparaît comme le reflet troublant d’une réalité mêlée, médiatique et spectaculaire. L’artiste, dès lors, ne cessera de se jouer des imbrications les plus fines du vécu dans le champ de la représentation, alors qu’une inquiétante étrangeté transparaît dans ses œuvres, projections multiples d’une réalité rendue spectrale. En 1991, l’artiste présentait une vidéo construite à l’image d’un rêve agité, Snaking. Un bègue, la tête inclinée, les bras croisés sur sa poitrine, s’applique à vanter les mérites d’un nouveau sport consistant à ramper au sol dans une combinaison prenant les pieds dans une longue queue. L’élocution douloureuse, fragmentée, du personnage vient scander le défilement des images : If you’re tired of trecking, rafting, blading, jogging, try SNAKING… Chaque mot finalement articulé enclenche une accélération visuelle et sonore, la diffusion furtive d’une performance live de Snaking, inquiétant spectacle. On reconnaît ici le format du spot publicitaire, objet excessivement familier.
Manifestant l’ambivalence qui rapproche l’inquiétante étrangeté de ce qui ne serait en réalité qu’excessivement familier[iii], l’artiste creuse des interstices là où l’espace mental est comblé d’images, où le spectaculaire n’offre plus d’issue. En ce sens, le sentiment d’étrangeté, chez Philippe Parreno, apparaît comme la première étape d’un questionnement ouvrant une profusion de déploiements à venir. Induisant une désorientation de l’intelligence du regard et de l’acte de focalisation, la multiplication des images dans le champ de la représentation serait à l’origine d’une absence d’emprise sur le réel. Sans pareille dans l’histoire, le lien fusionnel du regard au monde de l’image aurait pour première conséquence une disparition de l’être au monde. Philippe Parreno infiltre ces formes de représentation familières et démultipliées. Ce faisant, il dérange notre mode d’appréhension du réel et, par l’introduction de failles ou de corps étrangers dans des dispositifs récurrents (le spot publicitaire, le match sportif…), ouvre de nouvelles voies de contact avec le monde. Bientôt, une stratégie d’infiltration similaire prend pour objet l’exposition elle-même et son commentaire le plus courant : un texte. Œuvre majeure, Snow Dancing (1995) prend forme lors d’un événement organisé par Philippe Parreno au Consortium de Dijon : une fête aux allures de parc d’attraction, dont la qualité est de faire œuvre dans les liens qui l’unissent à un récit préexistant – Snow Dancing est issu d’un livre qui en est à la fois le scénario et le commentaire[iv]. Lors de la soirée précédant le vernissage, différentes animations sont ainsi proposées : un cordonnier invite les visiteurs à graver des slogans révolutionnaires sous leurs chaussures. En se déplaçant, ceux-ci laissent alors leurs empreintes sur le sol, empreintes devenant dispositif d’exposition, indice d’un événement absent. Une fois les invités repartis, l’expérience de l’exposition sera celle d’une présence/absence, absence de l’événement, présence d’une projection, celle de l’empreinte, de la trace indicielle de ce qui a été. À la différence de l’icône, l’empreinte n’envahit pas l’espace mental, mais dessine un vide habité d’imaginaire – celui du spectateur. Celui-ci est bientôt habité par l’autre, l’acteur / participant de la fête révolue, figurant par la même occasion un renversement temporel complet du dispositif traditionnel de l’exposition. D’abord, il y eut le texte, puis des visiteurs, enfin des traces… Inquiétant processus de renversement d’un espace-temps : lorsque le critique arrive pour jouer son rôle, il est trop tard.
À l’entremêlement du réel et de ses représentations, Philippe Parreno oppose une logique de suspens, d’irrésolution, dont l’ambition serait de nous familiariser avec l’espace qui sépare l’événement de son commentaire, de nous relier au monde par une certaine expérience du vide. Comment ne pas souligner la cohérence profonde qui relie Snow Dancing à l’inquiétante étrangeté des Speech Bubbles (1997), ensemble de ballons remplis d’hélium, rasant le plafond, figurant des bulles de bande dessinée sans texte. Supports de parole en attente d’un discours, les bulles de Philippe Parreno se réfèrent directement aux Silver Clouds d’Andy Warhol, exposés à New York en 1966. Alors que l’œuvre d’Andy Wahrol figure les strass hollywoodiens et la gratuité joyeuse de leur vacuité, les Speech Bubbles demandent à être remplies d’imaginaire. Les ballons de l’artiste du Pop Art déclarent que l’art peut prétendre à la légèreté frivole, au vide éblouissant de l’industrie du divertissement. Cette ambition postmoderne est présentée par Philippe Parreno comme un acquis à partir duquel s’ouvrent de nouvelles voies pour habiter le monde.
En interrogeant toujours davantage le dispositif même de l’exposition, l’art de Philippe Parreno infiltre progressivement le processus de définition du moi, déterminant le rapport à l’autre. El Sueno de una Cosa (2001-2002), présenté lors de l’exposition Alien Seasons au musée d’Art moderne de la Ville de Paris[v] apparaît comme une manifestation de ce glissement décisif. L’expérience de 4 minutes et 33 secondes de silence devant la surface blanche des White Paintings[vi] de Rauschenberg, précède la projection sur leur surface – alors rendue à leur présence – du Rêve d’une chose. Destinées, selon leur auteur, à refléter le monde extérieur par leur blancheur immaculée, les White Paintings étaient comparées par John Cage à des pistes d’atterrissage, ou encore à des récepteurs de lumières et d’ombres. Par leur instrumentalisation, Philippe Parreno propose un véritable préambule à El Sueno de una Cosa, un « pré-texte » qui viendrait en révéler les buts et les motifs. Il s’agirait pour le spectateur d’une expérience de l’espace/temps qui le sépare de la représentation, celui de sa propre présence en tant que regardeur – il y ressent son ombre, l’écho de sa voix, sa propre étrangeté. Une fois cette ellipse comblée, apparaît le paysage d’une île déserte, comme reflet d’une réalité à la fois étrangère et intériorisée. Les deux perceptions successives agencées par l’artiste s’apparentent à l’expérience du miroir ainsi décrite par Michel Foucault : « C’est à partir du miroir que je me découvre absent à la place où je suis puisque je me vois là-bas. À partir de ce regard qui en quelque sorte se porte sur moi, du fond de cet espace virtuel qui est de l’autre côté de la glace, je reviens vers moi et je recommence à porter mes yeux vers moi-même et à me reconstituer là où je suis »[vii]. L’exploration de cet espace autre qui met en doute la définition du moi et la présence au monde est développée par l’intermédiaire de personnages esquissés, dont l’identité reste à définir. Portraits en creux, ombres projetées dans le réel – celle d’Anna Sanders en 1997, et celle d’Annlee (1999-2002), personnage de synthèse en forme de coquille vide s’adressant ainsi au spectateur : « J’ai été dessinée pour intégrer n’importe quelle histoire, mais sans chance de survivre à aucune d’elles […] J’appartiens à celui ou celle capable de me remplir d’imaginaire »[viii]. Annlee n’est qu’une ombre, l’indice d’une présence.
Le motif de la projection glisse bientôt vers celui du dédoublement, lorsque l’artiste lui-même se fait marionnette, coquille vide. Accompagné de Ronn Lucas, célèbre ventriloque de Las Vegas, Philippe Parreno monte sur scène en septembre 2006 pour Le Cri ultrasonique de l’écureuil. Alors que les voix de l’artiste et du ventriloque se confondent peu à peu, Philippe Parreno devient silencieux, habité par une voix étrangère. La performance de l’artiste rappelle étrangement A Ventriloquist at a birthday party in october 1947, image élaborée par Jeff Wall en 1990. Celle-ci figure de manière angoissante un moment majeur de l’histoire du divertissement. Entre la fin des années 1940 et le début des années 1950, la télévision s’installe dans les foyers américains, annonçant la disparition progressive des acteurs du divertissement populaire : ventriloques, magiciens, jongleurs… Or, la disparition de la figure du ventriloque n’est autre que la disparition d’une certaine forme de l’expérience du miroir décrite par Foucault, l’expérience d’un moi dont on découvre qu’il est ailleurs, qu’il est un autre. Support d’une projection, abritant une intériorité étrangère, le corps de l’artiste est le lieu de la configuration d’un moi capable de s’entremêler avec l’autre, d’intérioriser cette forme ultime d’étrangeté qu’est l’altérité. L’œuvre de Philippe Parreno rejoindrait ici le concept d’étrangeté ainsi défini par Maurice Blanchot : « Seul l’homme m’est absolument étranger, seul il est l’inconnu, seul l’autre, et il serait en cela présence »[ix].
C’est l’expérience du temps qui fait l’objet des propositions les plus récentes de l’artiste, confronté à un retour sur son parcours dans le cadre d’expositions à caractère « rétrospectif ». Peu enclin à se plier à l’exercice de la rétrospective, Philippe Parreno se saisit de cette occasion pour manipuler l’objet exposition à sa guise. L’artiste présente actuellement au Centre Pompidou le chapitre parisien d’une manifestation plus vaste (Zürich, Paris, Dublin, New York), consistant à investir une durée, ainsi délimitée : « 8 juin 1968 – 7 septembre 2009 ». Celle-ci opère un retour et un étirement des temporalités mêlées déjà présentes dans l’œuvre de Philippe Parreno depuis les années 1990. Au fond de l’espace, un sapin de Noël – Fraught Times : C’est une œuvre d’art pendant onze mois de l’année et en décembre c’est Noël (octobre), 2008 – fait écho à la première installation de l’artiste consistant à dérégler les saisons par le décalage d’une fête de Noël célébrée en été 1993. No More Reality (fin) (1993-2009), un ensemble d’objets – marionnettes ou pancartes politiques – déposés le long d’un mur devant une neige artificielle, signe l’étirement final de la performance de l’artiste du même nom, qui en 1993 donnait à des enfants d’une école de Nice le rôle de manifestants. Ces étirements d’œuvres antérieures ont le mérite de révéler la grande cohérence qui unit les travaux récents de l’artiste liés à la matière temps – Zidane, un portrait du XXe siècle, Il Tempo del Postino, June 8, 1968 – aux propositions des débuts. Pourtant, ils ne peuvent en aucun cas égaler la force du film présenté dans le même espace (June 8, 1968, 2009). Au temps des œuvres qui aurait pour commencement la première apparition des Speech Bubbles dans le travail de Philippe Parreno en 1993, l’artiste incorpore une trace historique plus ancienne – le transport du corps de Robert. F. Kennedy de New York à Washington DC le 8 juin 1968, deux jours après son décès. June 8, 1968 (2009) est la retranscription d’un lent parcours à travers un paysage de nature sublime, lieu d’attente de personnages figés, spectateurs recueillis d’une traversée funèbre. Rappelant l’atmosphère estivale de Vicinato 2 (2000), une lumière dorée, transversale, vient toucher les herbes animées par le vent, accentuant l’irréalité induite par l’immobilité des personnages. Remontée vers la conscience d’une réminiscence propre à l’identité américaine, l’évènement émerge dans le présent de l’artiste – et celui du spectateur -, non pas comme la source d’une prise de distance historique, mais comme la fusion d’un passé incorporé au temps présent. C’est avec June 8, 1968 que Philippe Parreno présente l’un des prolongements les plus aboutis d’une démarche artistique consistant à penser l’exposition (rétrospective ou non) comme sujet et le temps comme matière.
L’exposition, chez Philippe Parreno, s’apparenterait à un théâtre d’ombres, dont nous avons la charge de tracer les contours et d’identifier les sources. Ainsi, le ressouvenir et la mémoire flottante de June 8, 1968 sont l’occasion renouvelée d’une expérience de dédoublement, alors que, devant l’écran, les visiteurs figés, le regard fixe, apparaissant comme les ombres projetées de ceux-là même, figurant dans la scène qu’ils observent. Philippe Parreno élabore une œuvre dans laquelle le familier glisse vers l’étranger, le heimlich vers le unheimlich. En convoquant l’imitateur, le magicien, le ventriloque, tous maîtres en matière d’illusion et de trompe-l’œil, il appelle à un retour des ombres dans le réel, s’adressant ainsi spectateur : « Ne croyez pas ce que vous croyez voir »[x]. Allant à l’encontre du credo littéraliste du « What you see is what you see », dénoncé par Michael Fried[xi], l’art de Philippe Parreno ouvre les interstices du monde contemporain, les espaces creux d’une inquiétante étrangeté, situés entre le réel et ses représentations.
Philippe Parreno
May, à la Kunsthalle, Zurich, du 9 mai au 15 août 2009
8 juin 1968 – 7 septembre 2009, au Centre Pompidou, Paris, du 2 juin au 17 septembre 2009
May, Kunsthalle, Zurich, May 9th-August 15th 2009
8 juin 1968 – 7 septembre 2009, Centre Pompidou, Paris, June 2d– September 17th 2009
[i] « Il n’y a pas de différence entre un événement, son image, et sa perception. Et si il existe une différence, nous ne la remarquons presque pas. La réalité est faite de cela », Vicinato, avec Carsten Höller et Rikrit Tiravanija, 1995, la version italienne et anglaise du « scénario » est publiée par GW Press Ltd, Londres, 1996.
[ii] Guy Debord, La Société du spectacle, 1967, Paris, Gallimard, Folio, p.31.
[iii] « L’inquiétante étrangeté provient de ce qui, secrètement, n’est que trop familier, et donc refoulé. », Sigmund Freud, Das Unheimliche, 1919.
[iv] La fête dure deux heures – durée correspondant au temps de lecture du livre -, et précède l’ouverture de l’exposition.
[v] Philippe Parreno, Alien Seasons, exposition à l’Arc, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 31 mai-15 septembre 2002.
[vi] Les White Paintings de Rauschenberg (1951) ont inspiré John Cage pour sa célèbre partition silencieuse de 1952, 4’33 ».
[vii] Michel Foucault, Des Espaces autres, in : Dits et Écrits, 1954-1988, Paris, Gallimard, 1994.
[viii] Philippe Parreno, One thousand pictures falling from one thousand walls, MAMCo, Genève, 26 octobre 2000-21 octobre 2001.
[ix] Maurice Blanchot, L’Entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p. 85.
[x] Philippe Parreno, The Speaking Stone, 1994.
[xi] Michael Fried, Art and Objecthood, Artforum 5, juin 1967, p. 12-23.
Philippe Parreno
An Art of the Strange
By Laure Jaumouillé
Announcing the deafening hubbub of a rec room, or the cheap thrills of an amusement park, a neon sign–Marquee (2009)–illuminates the entrance of the Galerie Sud of the Centre Pompidou in a flickering of white light bulbs. This glittering overhang is the prelude to Phillippe Parreno’s Parisian exhibition 8 juin 1968 – 7 septembre 2009, inaugurating an ode to the spectacle. As early as 1995, the film Viccinato, realized by Parreno in collaboration with Rikrit Tiravanija and Carsten Höller, outlined the contours of a new artistic practice: « There isn’t any difference between an event, its image, and its perception. And if there is a difference, we don’t even notice it. Reality is made of this. »1This statement recognized a reciprocal alienation of the real from its representation, an alienation peculiar to contemporary society which Guy Debord, back in 1967, was one of the first to articulate: « Reality springs from the spectacle, and the spectacle is real. »2 As the matrix of an oeuvre whose truth and amplitude rings true to this day, this statement left an indelible mark on the first years of the artist’s career–one which, as late as 1991, assigned children the improbable role of protestors, brandishing banners of ambivalent import: No More Reality!
As a young artist, Parreno seemed bent on upsetting this tangling of different strata of the real: the event, its image, and its commentary. The result gave form to a vague feeling that reality had somehow been lost. In 1995, the video Cinémascope, another collaboration with Rikrit Tiravanija, presents a view of a soccer match, the corporate sponsors emblazoned on the players’ jerseys replaced by the headlines of newspapers. The artist superimposes this second televisual message on the activity of the athletes, producing the effect of a chaotic zapping spree. Through this transposition, Cinémascope emerges as a troubling reflection of a mixed, media-cized, and spectacular reality. From this moment on, as the artist continues to disentangle even the finest strands of lived experience in the field of representation, an uncanny strangeness begins to make itself felt in his work, the multiple projections of a reality grown spectral. In 1991, the artist presents Snaking, a video constructed from the image of a troubling dream. A stammerer–head inclined, arms crossed–sings the praises of a new sport consisting of slithering on the ground in a jumpsuit linking the feet in an elongated tail. The character’s painful, fragmented elocution accentuates the sequence of images it evokes: « If you’re tired of trecking, rafting, blading, jogging, try Snaking. » Once finally uttered, each word triggers a visual and auditory acceleration, the furtive revelation of a live demonstration of Snaking–a disturbing spectacle indeed. In the video’s structure, we recognize the excessively familiar format of the infomercial.
With the ambivalence that links this uncanny strangeness to what, in reality, is excessively familiar, the artist excavates the interstices of a mental space jam-packed with images, from which the spectacular no longer offers any escape.3 Here, the feeling of strangeness in Philippe Parreno’s work reveals itself as the first stage of a questioning that will yield a profusion of forthcoming developments. Inducing a disorientation of the intelligence of sight and focalization, the multiplication of images in the field of representation triggers a lapse in our hold on the real. The fusion of the gaze and the world of images results in the disappearance of the human being onto the world. Philippe Parreno infiltrates these familiar and multiple forms of representation. In doing so, he disturbs our mode of apprehension of the real . His introduction of fault lines and foreign bodies in recurrent sets (the advertisement, the sports game…), opens up new paths of contact with the world. Then, a new infiltration strategy begins to take shape, taking the exhibition and its discourse as its primary object: a text. Snow Dancing (1995), one of his major works, appears during an event organized by Philippe Parreno at the Dijon Consortium: a party resembling an amusement park, themed according to its ties to a preexisting text. Snow Dancing, Parreno claims, is at once a script and its own commentary.4 The night before the opening, the artist proposes a variety of happenings: a cobbler invites visitors to carve revolutionary slogans on their shoe soles. As they move through the space, they leave behind imprints on the ground, imprints that then constitute the exhibition itself, the traces of an absent event. Once the guests have departed, our experience of the exhibition becomes that of a simultaneous presence/absence, the absence of the event and the presence of a projection–that of the imprint, the indexical trace of what has been. Unlike the icon, the imprint does not capture hold of the mind; it circumscribes an empty space, inhabited by the spectator’s imaginary. This space is rapidly occupied by the other, the actor/participant of the bygone festivities, thus occasioning a temporal reversal of the traditional exhibition trajectory: first a text, then the visitors, and lastly, traces. We witness the disturbing capsizing of a time-space; when the critic arrives to play his role, it is already too late.
With this logic of suspense and irresolution, Philippe Parreno introduces an alternative to the interweaving of the real and its representations, one aiming to familiarize us with the space separating an event from its commentary, to reunite us with the world through an experience of the void. How can we not notice the profound parallels linking Snow Dancing to the uncanny strangeness of Speech Bubbles (1997) an ensemble of helium balloons gathered at the ceiling, shaped like comic book speech bubbles without text? Messengers lying in wait of a message, Philippe Parreno’s bubbles are direct references to Andy Warhol’s Silver Clouds, unveiled in New York in 1966. But while Andy Warhol’s Scotchpack pillows celebrate Hollywood paste and the gleeful gratuitousness of their vacuity, these bubbles ask only to be filled with imagination. The balloons of the father of Pop Art declare that art can aspire to a frivolous weightlessness, the dazzling void encapsulated by the entertainment industry. Parreno interprets this postmodern ambition as an acquired piece of wisdom, a springboard for opening up new modes of living in the world.
As it interrogates the apparatus of the exhibition, Philippe Parreno’s art infiltrates the process by which we define ourselves as an « I, » determining our relation to the other. El Sueno de una Cosa, displayed as part of the Alien Seasons exhibition at the Musée d’Art Moderne in Paris (2001-2002), made manifest this decisive shift.5 The spectator stands in 4 minutes and 33 seconds of silence before the blank surface of Rauschenberg’s White Paintings, then watches as the film Rêve d’une chose is projected onto that surface– their presence thus underlined.6 Rauschenberg once claimed that he designed these works to reflect the exterior world through their immaculate whiteness; John Cage likened them to airplane runways, or to receivers for light and shadow. Through their instrumentalization, Phillipe Parreno creates a veritable preamble to El Sueno de una Cosa, a « pre-text » exposing the film’s underlying aims and motives. The spectator gains an experience of the space/time that separates him from the representation, that of his own presence as an observer; he perceives his own shadow, the echo of his voice, his own strangeness. Once this ellipsis is filled, we behold the landscape of a desert island, the reflection of a reality both foreign and interior. These successive perceptions recall the mirror effect once described by Michel Foucault: « It is starting from the mirror that I discover that I am absent in the place where I am, since I see myself there. It is starting from this gaze that addresses itself to me, the depths of this virtual space on the other side of the glass, that I return to myself and begin to focus my eyes upon myself again, to reconstitute me in the place where I am. »7Our exploration of this other space, casting doubt onto the definition of the « I » and its presence in the world, is developed through the intermediary of the characters Parreno presents, their identity always sketchy at best, remaining to be defined. We encounter portraits defined in hollows, shadows projected onto the real–that of Anna Sanders (1997), for example, or that of Annlee (1999-2002), a synthesized character in the form of an empty shell. She introduces herself to the spectator: « I was made to absorb any story, but without a chance of surviving any of them […] I belong to he or she who is capable of filling me up with imagination. » 8 Annlee is only a shadow, the signal of a presence.
This projected motif shifts towards that of the double when the artist suddenly transforms himself into a marionnette, an empty shell. Accompanied by Ronn Lucas, the famous ventriloquist from Las Vegas, Philippe Parreno climbs on stage in September 2006 to perform Le Cri ultrasonique de l’écureuil (« The ultrasonic scream of the squirrel »). As the voices of the artist and the ventriloquist begin to blend into one another, Philippe Parreno falls silent, now inhabited by a foreign voice. The artist’s performance eerily recalls Jeff Wall’s A Ventriloquist at a Birthday Party in October 1947 (1990), an alarming depiction of a major moment in the history of entertainment. Between the end of the 1950s and the beginning of the 1960s, the television made its way into every American living room, announcing the progressive disappearance of the live, working-class entertainer: the ventriloquist, the magician, the juggler. And yet, the disappearance of the figure of the ventriloquist is commensurate to that of the mirror experience described by Foucault, the experience of an « I » discovering that it is elsewhere, an other. Like a projection screen, arbitrating an interiority that is foreign to it, the artist’s body emerges as a site for the configuration of an « I » capable of intertwining with its other, of internalizing its own alterity–the ultimate incarnation of foreignness. Here, the oeuvre of Philippe Parreno converges with the concept of foreignness as Maurice Blanchot’s once defined it: « Only man is absolutely foreign to me, only man is the stranger, the other; and that is what constitutes his presence. »9
The experience of time forms the object of the artist’s most recent propositions, concurrent with a series of retrospective-style exhibitions compelling him to reflect upon his career. Not one to bend to the exercise of the retrospective, Philippe Parreno seizes the occasion to manipulate the exhibition format as he likes. Currently, the Centre Pompidou is home to the Parisian installment of a larger undertaking (Zurich, Paris, Dublin, New York) occupying a sharply delineated period of time, or 8 juin 1968 – 7 septembre 2009. The exhibition occasions a return to and stretching of the mingled temporalities present in his work since the nineties. At the far end of the space, a Christmas tree, Fraught Times : C’est une œuvre d’art pendant onze mois de l’année et en décembre c’est Noël [« fraught times: this is a work of art eleven months out of the ear and in December, it’s Christmas »])–echoes the artist’s first installation, which upset the temporality of the seasons with a Christmas party in the Summer of 1993. No More Reality (fin) (1993-2009), an ensemble of objects–puppets, political signs–splayed out along a wall beneath a powdering of artificial snow, signals the final metamorphosis of the 1993 performance that transformed the children of a school in Nice into a throng of demonstrators. This way of stretching in time his ancient works reveal the greater coherence linking the artist’s recent explorations of time–Zidane, un portrait du XXe siècle, Il Tempo del Postino, June 8, 1968–to his earliest propositions. At the same time, they can in no way equal the force of June 8, 1968 (2009) a film presented in the same space. Arising in the period of his career inaugurated by the first apparition of Speech Bubbles in 1993, this work reaches back even farther in time to June 8th, 1968, when the body of Robert F. Kennedy’s was transported from New York to Washington DC, two days after his death. June 8, 1968 (2009) is the retranscription of a protracted journey across a sublime landscape, a funeral crossing dotted with congregations of frozen spectators. An omnipresent golden light, recalling the summery atmosphere of Vicinato 2 (2000) illuminates the movements of the grass in the wind, accentuating the unreality of the motionless onlookers. This remembered event, deeply engrained in American identity, constitutes less an intimation of a historical remove than a fusion of the past with the artist’s present–and surely, that of spectator. Indeed, it is with June 8, 1968 that Philippe Parreno carries his concern with the exhibition (retrospective or not) as a subject, and with time as a material, to one of its utmost conclusions.
In Philippe Parreno’s work, the exhibition assumes the character of a theater of shadows; as spectators, we are vested with the responsibility of tracing its contours, pinpointing its sources. Our encounter with recollection and floating memory in June 8, 1968, for example, offers us a renewed experience of the double. Standing before the screen–our gaze fixed, our bodies frozen–we become like the projected shadows of the spectators in the film, part of the very scene they observe. Philippe Parreno elaborates an œuvre in which what is familiar is always sliding towards what is strange, the heimlich towards the unheimlich. As he calls upon the masters of the art of illusion, of trompe-l’œil–the impersonator, the magician, the ventriloquist–he works to restore the presence of shadows in the real, imparting the following piece of wisdom to his spectators: « Do not believe what you believe you see. »10A reversal of of Michael Fried’s literalist credo, « What you see is what you see, » Philippe Parreno’s art opens onto the interstices of the contemporary world, the hollows of the uncanny strangeness we encounter in the space between the real and its representations.11
[1] Vicinato, with Carsten Höller and Rikrit Tiravanija, 1995. Italian and English versions of the « script » published by GW Press Ltd, London, 1996.
[2] Guy Debord, La Société du spectacle, 1967, Paris, Gallimard, Folio, p.31.
[3] « The uncanny strangeness arises from that which, secretly, is only too familiar, and therefore repressed, » Sigmund Freud, Das Unheimliche, 1919.
[4] The party lasts for two hours–a duration corresponding to the time it takes to read the book–and precedes the opening of the exhibition.
[5] Philippe Parreno, Alien Seasons, exhibition at The Arc, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, May 31-September 15, 2002.
[6] Rauschenberg’s White Paintings (1951) inspired John Cage’s famous silent score, 4’33 » (1952).
[7] Michel Foucault, « Des Espaces autres, » in Dits et Écrits, 1954-1988, Paris, Gallimard, 1994.
[8] Philippe Parreno, One Thousand Pictures Falling From One Thousand Walls, MAMCo, Geneva, October 26, 2000-October 21, 2001.
[9] Maurice Blanchot, L’Entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p. 85.
[10] Philippe Parreno, The Speaking Stone, 1994.
[11] Michael Fried, « Art and Objecthood, » Artforum 5, June 1967, p. 12-23.
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