Maria Ines Rodriguez
María Inés Rodríguez est directrice du CAPC de Bordeaux
Fraichement arrivée à Bordeaux où elle vient de prendre la succession de Charlotte Laubard à la direction du CAPC, la nouvelle directrice, Maria Ines Rodriguez nous détaille les principaux points de sa programmation à venir. Le cinquantenaire du jumelage entre Bordeaux et Los Angeles est l’occasion pour le musée d’affirmer son ancrage territorial et de mettre en avant son investissement dans l’histoire de la cité. Avec comme point d’orgue l’exposition personnelle d’Aaron Curry pour qui c’est la première exposition de cette importance dans l’hexagone.
Patrice Joly : Vous venez de prendre vos fonctions à la direction du CAPC, à la suite de Charlotte Laubard : comment s’est passée votre arrivée à Bordeaux et quels projets allez-vous mettre en place ?
María Inés Rodríguez : Mon arrivée à Bordeaux s’est très bien passée, ce fut une agréable surprise. Il faut dire que Charlotte (Laubard) a bien travaillé à la direction du musée et qu’elle a réussi à augmenter le chiffre des visiteurs et à abaisser l’âge moyen du public, ce qui a eu des répercussions positives pour le musée, j’ai donc hérité d’une bonne situation. Il est avant tout important de reprendre le flambeau et de reparler du musée en tant que musée, ce qui signifie développer une politique d’acquisitions car un musée meurt s’il ne peut plus acquérir d’œuvres. Dans un futur proche, il y aura donc des projets en lien avec la collection du musée comme, par exemple, l’invitation faite à des artistes pour effectuer des lectures en rapport avec les œuvres. Mario Garcia Torres sera notre premier invité. Mais il y a aura aussi un grand projet autour de la restauration des œuvres, qui fera partie de notre futur centre de recherche. Nous allons donc porter un grand coup de projecteur sur la collection car cette dernière est le « trésor » du CAPC ! Nous allons aussi l’accroître et cela signifie qu’il nous faut un grand soutien. Nous allons profiter du succès de la formule « Ticket mécène », que nous avons inventée (qui a été reprise par le musée Rodin cette année) qui permet d’attribuer une partie du montant du ticket à l’acquisition d’œuvres : cela permet aussi de créer une communauté autour de la Collection. Le musée a pu acheter, grâce à cette opération, une pièce de Nicolas Garait-Leavenworth, œuvre qui sera montrée en septembre à l’occasion des journées du patrimoine. Cette manifestation va renforcer encore un peu plus la cohérence entre le programme des expositions et la politique d’acquisition.
Quelles sont les grandes lignes de la programmation à venir ?
MIR : Le programme va affirmer la présence de « notre » génération, tant au niveau des artistes que des curateurs, sans oublier l’importance de l’histoire. Nous allons aussi coproduire un projet d’exposition avec le Jeu de Paume, focalisé sur la jeune génération d’artistes. Nous commençons avec la commissaire Erin Gleeson, qui a créé au Cambodge l’espace SA BASSAC et présentera des artistes du Vietnam, de Thaïlande ou du Cambodge. Mais surtout, cela veut dire que nous allons produire des pièces !
Nous avons également l’intention de faire du musée un espace de production : un des moyens pour y arriver sera la création de l’Atelier, structure destinée à inviter des artistes bordelais partis faire leurs études ailleurs, et leur permettre de revenir dans un contexte professionnel pour développer un projet. Ce faisant, nous contribuons au développement de la scène artistique bordelaise, et le CAPC est bien placé pour participer à ce changement en tant qu’institution mythique : nous devons nous appuyer sur son aura et sa légitimité historique sans oublier, bien évidemment, nos projets.
Envisagez-vous de travailler avec les autres lieux, les institutions, les galeries de Bordeaux ?
MIR : Bien sûr et nous avons déjà commencé : par exemple nous avons proposé aux galeries de Bordeaux qu’elles fassent leur vernissage le même jour que celui du CAPC : ce sera le cas demain pour le vernissage de la galerie Cortex Athletico et la galerie Xenon qui ouvriront en même temps que nos expositions. C’est important que le musée s’intègre à la vie artistique de la ville, à la scène locale. Le CAPC doit être un catalyseur, doit générer des activités autour de lui.
Au niveau national et international, il est aussi important de créer des réseaux, comme nous le faisons avec le Jeu de Paume et le FRAC Aquitaine. Nous voulons échanger des savoirs, des connaissances et, nous avons plusieurs projets de collaboration avec l’étranger qui vont dans cette direction.
Le premier projet est la création d’un centre de recherche qui va développer quatre axes de travail : la restauration des œuvres d’art contemporain, la création d’une plateforme autour des études féministes avec l’Alhóndiga de Bilbao et trois autres musées étrangers ; l’idée est de mettre en place des projets très simples dans un premier temps, comme celui de traduire des textes de théoriciens importants et de les inviter : c’est fondamental et cela manque vraiment.
Un troisième axe sera de réfléchir à la meilleure manière de pouvoir mettre à disposition des chercheurs les archives-ressources afin que ces dernières deviennent une source d’inspiration pour ces derniers. Nous allons donc mettre en place un important travail de classification.
Enfin, nous allons travailler sur le commissariat : c’est vraiment indispensable d’ouvrir un espace pour toutes ces générations qui sortent de l’école et de la fac, qui ont un savoir important et qu’il serait nécessaire de réunir pour leur permettre de réfléchir à la définition et au rôle du commissariat.
L’exposition qui vient de débuter revêt-elle une importance particulière ?
MIR : Oui c’est un événement important car le CAPC est lié à la ville et le meilleur moyen de s’intégrer à l’histoire de la ville est de le faire avec nos moyens, en organisant des expositions comme celles que nous montrons actuellement avec des artistes comme Aaron Curry, Carter Mull et Dan Finsel qui sont des jeunes artistes très reconnus, mais aussi en produisant des expositions comme celle d’ASCO qui possède un caractère plus historique et qui montre une face beaucoup moins connue de la scène artistique de Los Angeles.
Ce qui lie tous ces projets c’est l’idée de créer un « nouveau musée » ?
MIR : Plutôt une plateforme pour la connaissance. L’art, c’est un espace d’échange des idées.
- Expositions : CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux, Entrepôt, 7, rue Ferrère, 33000 Bordeaux.
- 26.06.2014 au 21.09.2014
Aaron Curry, Bad brain.
Dan Finsel, Becoming Her, for Him, for He: Becoming Him, for Her, for She (Becoming Me, for Me, for Me.).
Carter Mull, We Tell Apple Stories in Order to Live.
Asco, no movies. - 05.03.2014 au 16.11.2014
Procession, Une histoire dans l’exposition.
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- Du même auteur : Interview de Gregory Lang pour Territoires Hétérotopiques, Capucine Vever, Chris Sharp, Paris Gallery Weekend 2021, Claire Le Restif,
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