César Vayssié, UFE (unfilmévénement)

par Raphael Brunel

2016, 153’

Lauréat du Prix Georges de Beauregard National et du Prix du public de la 27e édition du FID de Marseille, UFE (unfilmévénement) est le résultat d’un projet au long cours entamé par César Vayssié en 2012 et dont on se plaît à croire que la proximité avec un célèbre acronyme – UFO pour Unidentified Flying Object – ne relève pas de la simple coïncidence. Il pourrait en effet apparaître comme une sorte d’ovni en regard des logiques de production habituelles du cinéma, préférant trouver ses modèles et soutiens du côté du théâtre et de la danse, mais aussi de sa forme et de son processus hybrides, à la croisée du cinéma, de la danse, de la musique et des arts plastiques. Diplômé de l’Ecole nationale supérieure d’art de Dijon, César Vayssié n’a depuis cessé de collaborer avec des acteurs de différents champs artistiques (Boris Charmatz, Odile Duboc, Xavier Le Roy, Philippe Quesne, Christian Boltanski ou Xavier Veilhan) et d’expérimenter le cinéma hors de ses cadres traditionnels. Avec UFE, on serait tenté de dire qu’il investit une zone fragile où s’expriment à la fois le désir actuel du spectacle vivant envers les arts plastiques et celui des arts plastiques pour le théâtre ou la danse, l’ensemble se diluant dans un objet filmique non manufacturé.

UFE désigne à la fois un processus de travail, un film, édité en un exemplaire comme une œuvre d’art – cherchant peut-être un peu vainement ici  à rompre avec la nature reproductible du cinéma au nom de l’unique et de l’événement –, et une performance, présentée pour la première fois au Mucem en 2015 dans le cadre d’Actoral 15. Pendant deux ans, Vayssié a mené une sorte de workshop in progress avec dix jeunes comédiens, sans réel scénario mais avec l’envie de travailler autour du thème de l’engagement, qu’il soit politique, artistique ou amoureux. Photo 2 Photo 3

Tourné dans les Alpes et au théâtre Nanterre-Amandier et intégrant scènes de répétition, matériel technique et fragments de recherche documentaire, le film suit un groupe de jeunes gens ressentant la nécessité de ne plus se contenter d’être conscients que les choses vont mal mais de passer à l’action. Suite à l’enlèvement d’un présentateur télé, ils se retirent dans la clandestinité et commencent à expérimenter la vie communautaire, à mettre à l’épreuve l’individuel et le collectif. Cette aventure dont on devine qu’elle tournera à la tragédie et ce questionnement sur l’engagement passent par une omniprésence du corps (individuel, politique, sexuel, parlant, extatique, meurtri) et de sa mise en mouvement chorégraphique, par une éthique du moment présent. Révolutionner la société et renouveler les formes artistiques participent ici d’un même élan, se confondant l’un dans l’autre dans leur désir d’expérimentation.

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Résonnant de manière troublante avec Nuit debout et l’actualité de ces derniers mois, l’ambitieux projet de César Vayssié repose avec force et vigueur l’hypothèse d’un cinéma politique et créatif – l’ombre de Godard plane sur tout le film, non sans autodérision – qui semble toutefois plus innovant dans le processus de travail et les logiques de production engagés (dans tous les sens du terme) que dans la fiction politique, largement héritée des années 1970, développé par cette petite communauté.Photo 8

 


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