Un monde à Parr
Un monde à Parr
On pourrait reprocher au photographe Martin Parr son goût pour l’instant décisif cher à Henri Cartier-Bresson. Dans les photos qu’il retient de ses reportages, chaque être se voit figé dans un mouvement précis constituant comme l’acmé d’une action et ce ballet arrêté vient fournir au cliché sa tension dramatique et son efficacité plastique. Hormis ce souci du drame et de la composition, les deux démarches n’ont pas lieu d’être comparées. Sauf que l’on retrouve Cartier-Bresson parmi les collections de choses glanées dans le monde par Martin Parr. Des photos faites par d’autres. Et d’abord une photographie sociale britannique dont Parr serait le principal collectionneur et de laquelle il a pris son élan photographique en globe-trotter qu’il est pour l’agence Magnum.
Au Jeu de Paume, le souci politique de Parr se fait manifeste. Les catégories ne se mêlent pas mais s’enchaînent en un parcours rythmé qui fait de tous les items montrés des prélèvements d’un monde caractérisé par ses luttes (de classe ou de civilisation) et par ses enjeux de pouvoir. Dans les vitrines, les productions populaires se répondent : des chocolats Spice Girls tentent de neutraliser le dialogue entre les montres irakiennes Saddam Hussein et le papier toilette américain à l’effigie de Ben Laden. Ces cas d’espèce, vite obsolètes, semblent à leur tour pétrifiés dans la frénésie de tous les dits instants décisifs. Plus loin dans l’exposition, des murs d’affiches et d’assiettes de porcelaine produites à l’occasion de luttes des mineurs britanniques pour leur survie économique, viennent séparer les salles où Parr expose son propre travail. Des photos du luxe international et des milieux populaires anglais avec toujours cette façon caractéristique de spectaculariser l’ordinaire.
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