L’été de la collaboration au CRAC Alsace et au CRÉDAC : “L’amitié : ce tremble” et « Tripple Dribble »
du 18 février au 12 mai 2024 au CRAC Alsace
et
du 28 avril au 13 juillet 2024, au Crédac, à Ivry-sur-Seine.
Avec Boris Achour (avec Émilie Renard), Noémie Bablet, Caroline Bachmann, Anna Byskov (avec Bertil Byskov, Margaret Byskov, Camila Farina et Sophie Lamm), Thomas Cap de Ville, Caretto & Spagna, Lola Gonzàlez, Donna Gottschalk, Tom Hallet, Eric Hattan (avec Silvia Bächli, Rut Himmelsbach, Guido Nussbaum, Hannah Villiger et Anna Winteler), Dorothy Iannone et Sarah Pucci, Youri Johnson, Edit Oderbolz, Hatice Pinarbaşi (avec Aram Abbas, Zahna Siham Benamor, Hugo Ferretto et Elif Pinarbaşi), Marthe Ramm Fortun, Marnie Slater (avec Robin Brettar, Matilda Cobanli, Judith Geerts, Jessica Gysel, Katja Mater et Clare Noonan) et Sarah Tritz.
et Julia Borderie en collaboration avec Simon Zaborski pour l’exposition « TRIPPLE DRIBBLE » au CRÉDAC
Accueillir l’été sous le signe de la coopération, de la collaboration et de l’amitié, tel est le message de deux institutions partenaires, le CRAC Alsace et le CRÉDAC. Elles ont conçu ensemble une exposition en deux chapitres, se partageant les privilèges tout comme les responsabilités inhérentes au choix des artistes, à la sélection et la production des œuvres, à l’attribution des espaces et des temps d’exposition.
Cette proposition puise ses origines dans le poème de Natalie Clifford Barney « Au Temple de l’Amitié ». Plus encore, c’étaient son environnement mythique, ses réunions bohèmes et intellectuelles, centrées sur la notion d’amitié, qui ont servi de point de départ. L’esprit de l’écrivaine semble présent dans les deux centres d’art, notamment via les installations et les performances de Marthe Ramm Fortun (qui incorpore des éléments intimes découverts directement dans les archives de Barney, notamment ses extensions capillaires), mais aussi à travers les délicates sculptures d’Edit Oderbolz réalisées à partir de coquilles d’escargots, faisant référence à la phrase de Barney, “Comme la coquille de l’escargot, notre amitié s’accroît d’un nouveau cercle chaque année.”
« L’amitié : ce tremble” dégage un sentiment de renoncement à l’ego de l’artiste au profit de l’unité et de l’équilibre. Chaque œuvre, tout en existant individuellement dans un espace qui lui est exclusivement attribué, contribue néanmoins à une cohésion réfléchie. Certaines œuvres n’ont tout simplement pas d’auteur assigné, notamment les oiseaux embaumés anonymes placés dans des coins oubliés sans être référencés dans les feuilles de salle. En y regardant de plus près, le spectateur pourrait en identifier l’artiste, mais nous préférons garder le secret.
Cette cession de l’ego transparaît également dans les diverses constellations collaboratives proposées par les artistes eux-mêmes. Anna Byskov inclut dans ses installations et performances des œuvres de son père et de sa mère, Bertil Byskov et Margaret Byskov, ainsi que de ses amies Camila Farina et Sophie Lamm. Eric Hattan présente au CRAC des œuvres de ses collègues Silvia Bächli, Rut Himmelsbach, Guido Nussbaum, Hannah Villiger et Anna Winteler, avec lesquels il a tissé des liens de camaraderie depuis 1981, année où il a ouvert Filiale, un espace d’exposition pour jeunes artistes à Bâle. L’installation de Hatice Pinarbaşi au CRAC intègre des œuvres de ses collègues Aram Abbas, Zahna Siham Benamor, Hugo Ferretto et Elif Pinarbaşi, qui y contribuent par une peinture, un poème et une pièce sonore. Inspirée par ses origines kurdes, Pinarbaşi place des tapis à même le sol, créant ainsi un espace communautaire où les visiteurs sont invités à passer du temps, à boire du thé et à entrer en contact les uns avec les autres, avec les œuvres d’art et avec l’espace.
Au CRÉDAC, « Hybrid » d’Edit Oderbolz fait office de contre-proposition. Cette installation en forme de tente a inspiré Robin Brettar, Matilda Cobanli, Judith Geerts, Jessica Gysel, Katja Mater, Clare Noonan, Marnie Slater et Kyle Tryhorn pour créer une bibliothèque temporaire – “À l’Amitié” – où les visiteurs sont invités à passer du temps à réfléchir, à lire et à discuter.
Dans certaines œuvres, l’amitié est indispensable à la création elle-même. Telle est la proposition poétique, légèrement ésotérique et extrêmement émouvante des deux œuvres d’art complémentaires de Youri Johnson. Il a créé une collection de poignards uniques pour les offrir à 42 amis, chacun d’entre eux étant décoré de façon originale pour correspondre à son nouveau propriétaire. Conformément à la superstition, chaque ami a donné à Youri en recevant son poignard une pièce de monnaie ; ces pièces sont exposées au CRAC, dans un autel magnifiquement conçu. La collection de livres artisanaux de Thomas Cap de Ville est tout aussi touchante. Dans différents formats, allant de petits livres de la taille d’une carte postale aux grands albums à taille humaine, l’artiste arrange frénétiquement des photographies de ses amis, des dessins et des souvenirs de sa jeunesse – une ode au temps et aux amitiés passées. Tout aussi chaleureuse, la collection épistolaire de Sarah Tritz, se compose de dessins, d’esquisses et de découpages, vestiges d’une correspondance postale entre elle et un ami. L’auteur ou autrice de chaque élément n’est pas discernable, ils parlent un langage codé que seul un ami pourrait déchiffrer. Clin d’œil poétique, les cartes postales de Boris Achour – envoyées cette fois par « Jean-Luc Godard » – sont le pendant des lettres de Sarah Tritz, suggérant qu’un ami encourageant et bienveillant est inestimable, même s’il est inventé, décédé ou les deux à la fois.
Enfin, les œuvres mystérieuses de Tom Hallet apparaissent comme le point culminant des notions d’amitié et de collaboration, se plaçant plus loin entre dans le domaine de l’inévitable codépendance des cycles de vie et de mort. Des sculptures organiques faites de terre enveloppée de latex apparaissent comme des cadavres emmaillotés. Chaque pièce contient d’ailleurs les reliques d’un être cher à l’artiste. Pendant la durée des expositions, et grâce à un arrosage minutieux par les équipes des centres d’art, les sculptures reviennent à la vie par le biais de plantes qui poussent depuis ces corps.
Parallèlement à “L’amitié : ce tremble”, le CRÉDAC présente une autre exposition : « Tripple Dribble » de Julia Borderie en collaboration avec Simon Zaborski. Ce projet de longue date, qui a débuté en 2015, explore les thèmes de la collaboration et de la coopération sous différents angles, pour finalement aboutir à un match de basket modifié, voire, si puis-je le dire, amélioré. Travaillant de près avec une équipe de basket-ball, Julia Borderie a développé une série de sculptures destinées à être incorporées dans un jeu suivant un ensemble de nouvelles règles. Au fur et à mesure que le match progresse, les sculptures sont d’abord placées sur le terrain, puis enlevées. Étant donné la taille considérable des œuvres, dont certaines dépassent largement la taille humaine, les joueurs et les joueuses doivent penser stratégiquement et s’appuyer fortement sur leurs coéquipiers. La clé pour gagner le match est de réapprendre l’aspect relationnel du jeu. De manière subtile et pratique, Borderie nous donne une brillante leçon sur l’interaction humaine de base : s’unir contre l’obstacle.
L’exposition « Tripple Dribble » est elle aussi le fruit d’une collaboration entre le CRÉDAC et le Mac-Val, où l’œuvre sera ensuite exposée. Ce projet fait également partie de l’initiative des Olympiades culturelles qui se déroulent dans des espaces d’art autour de Paris, dans le contexte des Jeux olympiques de 2024.
Head image : Crac Alsace, « L’amitié : ce tremble”. Vue d’ensemble de l’installation d’Hatice Pinarbaşi : « Mon Ter Ter que je montre aux Vers de Terre, Ma Terre, Maquette, ma quête”, 2023.Courtesy de l’artiste. Photographie d’Aurélien Mole.
- Publié dans le numéro : 108
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- Du même auteur : GESTE Paris, Jonathan Binet à la galerie Balice Hertling, Radek Brousil à la Maison de la Cloche en Pierre, Prague, Unbound : Performance as Rupture à la Fondation Julia Stoschek, Berlin, Jean-Marie Appriou à la galerie Eva Presenhuber,
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