Autoanalyse
Artissima 18, au Lingotto Oval, Turin, du 4 au 6 novembre
The Living Boxes, Luigi Ontani, au Castello di Rivoli, Turin, du 9 octobre 2011 au 15 janvier 2012
À la réflexion sur l’exposition mise en œuvre l’an passé tant au sein d’Artissima — notamment par Raimundas Malasauskas dans son projet d’Hypnotic Show —, qu’au Castello di Rivoli à cette même période avec « Exhibition, Exhibition », l’exposition d’Adam Carr, succède cette année à Turin l’élaboration d’une pensée du musée.
Tandis que le contexte économique joue les rabat-joie, « la » foire italienne réaffirme son positionnement envers l’émergence, en perpétuant notamment la section Present Future dont la sélection est opérée par de jeunes curateurs internationaux en vue, cette année Luigi Fassi, Chris Fitzpatrick, Christophe Gallois et Antonia Majaca. Seize jeunes artistes, pour la plupart européens, sont présentés en solo par leur galerie sous l’égide du curateur qui les a invités. Se succèdent ainsi des mini expositions au cœur de la foire, à la manière des Statements bâlois. L’on en retiendra quelques découvertes dont les bronzes délicats de Lupo Borgonovo qui ne disent pas tant ce qu’ils sont qu’ils ne mentionnent le vide qu’ils ne sont pas ; les traductions exégétiques de Dina Danish et quelques confirmations d’intérêt pour des artistes que l’on suit depuis déjà quelques années avec la bibliothèque de Bernard Madoff rachetée par Julien Prévieux et dont les titres des ouvrages semblent étrangement raconter l’histoire que l’on sait lorsque l’on aperçoit voisiner White Shark avec Sons of Fortune ou encore No Second Chance ; ou les dernières pièces de Raphaël Zarka réalisées lors de sa résidence à la Villa Médicis et récemment vues au Grand Café de Saint-Nazaire, accompagnées de cette très belle photo d’une structure architecturale de béton prise à Padoue et qui a tout l’air d’être la matérialisation de l’espace géométrique dans lequel Giotto aimait à placer ses personnages. Avec des œuvres oscillant entre 65 € et 600 000 € mais dont la plupart se situent entre 1 000 € et 20 000 €, Artissima se veut plus une foire d’amateurs d’art que d’investisseurs, selon les mots de son directeur, Francesco Manacorda.
Reprenant le schéma d’un espace artistique non marchand au centre de la foire tel que celui de la House of Contamination de l’an passé, Manacorda propose cette année, en collaboration avec l’artiste Lara Favaretto, une institution immatérielle et temporaire intitulée Simple Rational Approximations. Sans volonté de nier l’importance des institutions existantes ni l’histoire de leur remise en question, les instigateurs de ce musée fantôme le dotent des mêmes fonctions qu’un musée traditionnel : expositions temporaires, collection permanente, librairie d’art, éditions, conférences et autres événements dans un auditorium, réserve d’œuvres… tout en les confiant à des artistes et curateurs chargés de les pervertir. L’exposition temporaire, par exemple, avait de temporaire le fait d’être constituée d’une série de performances et, en fait d’exposition, d’être la proposition d’une exposition présentée tantôt par le curateur, tantôt par un acteur (non professionnel) en interprétant le rôle. Ce projet du curateur français Pierre Bal-Blanc proposait la reconstitution de son entretien avec le jury de la Biennale de Berlin qui avait eu lieu en juillet 2010, lors duquel il avait présenté un projet interrogeant déjà la notion même d’exposition. Le département éditions était pris en charge par l’équipe de la graphiste de la foire, le Sara de Bondt Studio, et transformé en un bureau des statistiques en temps réel, produisant à la chaîne diagrammes et tableaux donnant des informations telles que l’âge des foires d’art contemporain dans le monde, le sexe des curateurs et des artistes invités, la localisation des stands dans la foire sur lesquels les institutions ont aquis des œuvres, etc.
Parallèlement, au Castello di Rivoli, se développe The Living Boxes, un projet au long cours de remise en question des fonctions du musée à l’aune de la crise financière qui le touche particulièrement. Faisant contre mauvaise fortune, preuve d’initiative, Andrea Bellini met en place un dispositif simple et peu coûteux d’activation des collections selon un principe de génération d’une histoire de l’art contemporain italien. Des caisses contenant des œuvres de la collection sont présentées dans la Manica Lunga et seront ouvertes, une à une, chaque mois par des critiques, des artistes et des personnalités du monde de l’art lors d’événements supposés créer du discours autour de ces pièces. Ou comment produire plus avec moins.
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- Du même auteur : Andrej Škufca, Automate All The Things!, LIAF 2019, Cosmos : 2019 , Mon Nord est ton Sud,
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