9ᵉ Biennale d’Anglet
Biennale d’Anglet
9e édition
6 juillet — 19 octobre 2024
Pour la neuvième édition de sa biennale, Anglet, commune littorale aux somptueuses plages régulièrement assaillies par des grappes de surfeurs intrépides, prise en tenaille entre la capitale du « Pays basque du nord », Bayonne, et la super station balnéaire qu’est Biarritz, s’est dotée d’un nouvel outil, la Galerie Pompidou, afin d’étoffer ses capacités d’accueil en matière d’exposition. Naguère dénommée Littorale, la biennale du Pays basque s’est en partie recentrée sur des lieux d’exposition indoor, et de fait a singulièrement resserré son emprise sur le bord de mer qui faisait jusqu’alors sa spécificité. Les responsables successifs de la politique culturelle de la Ville, ainsi que Didier Arnaudet, celui-là même qui est revenu curater cette neuvième édition, expliquent cette décision de rapatrier une large partie des propositions en centre-ville par les difficultés d’investir l’espace public, l’augmentation des coûts et la potentielle dispersion des visiteurs pour des œuvres en extérieur qui s’étalaient sur plusieurs kilomètres.
Trois ambiances différentes imprègnent les diverses sections de cette édition qui, volontairement, ne met en avant aucune thématique ni orientation marquées : à la différence de ses consœurs qui cherchent désespérément à faire tenir tant bien que mal les œuvres dans la direction tracée plus ou moins au cordeau par le ou les commissaires, à Anglet, les trois propositions – correspondant à trois espaces bien différenciés – affichent trois directions et ambiances résolument distinctes. Dans l’ordre de la visite, la Villa Beatrix, récemment restaurée et dédiée aux manifestations contemporaines de la municipalité, offre une singulière présence aux artistes de la galerie Lelong. Information prise auprès du curateur, ce dernier assume totalement son choix de réunir des œuvres qui l’auraient fortement marqué du temps de ses années bordelaises au contact de Jean-Louis Froment, l’ancien directeur du CAPC. Jean Frémon, directeur de la galerie parisienne, apparaît comme le curateur parallèle et invisible d’une exposition regroupant sept artistes de cette galerie historique du marais parisien : les artistes présents, de Jannis Kounellis à Sean Scully, d’Antoni Tàpies à Jaume Plensa, donnent à la Villa Béatrix des allures de musée de la fin du xxe siècle, celui d’un art moderne s’épuisant dans les arcanes d’un postmodernisme à venir, qui allait briser les conventions de l’époque précédente. Une pièce de Kiki Smith, dérangeante et facétieuse, bouscule l’accrochage un peu trop convenu de cette section, tandis que les toiles d’Etel Adnan viennent survoler l’ensemble de leur lumineuse radicalité. Chaque salle est « informée » par un ouvrage de l’écrivain-galeriste qui fait ainsi office de cartel.
La visite se poursuit par l’exposition de la Galerie Pompidou, tout nouvel équipement de la ville d’Anglet, dont il est important de noter l’attention portée à l’endroit de l’art contemporain à une époque où ce dernier fait régulièrement l’objet de toutes sortes de critiques et de vilipendages… Hiro (« trois » en basque et « éveil » en japonais) réunit comme son nom l’indique trois jeunes artistes femmes dont la pratique et l’esthétique présentent d’évidentes correspondances. Io Burgard, tout comme Mathilde Denize et Chloé Royer affectionnent les formes organiques, avec une dimension « surréalisante » marquée. Les œuvres se font écho d’une artiste à l’autre et d’un médium à l’autre, Chloé Royer et Io Burgard œuvrant dans la structure et l’installation, Mathilde Denize à travers de grandes toiles et déploiements de patchworks bigarrés qui évoquent des formes animalières, autant de papillons et d’oiseaux qui dessinent un bestiaire coloré. Le choix de créer des plateformes regroupant les œuvres redessine la Galerie Pompidou en un archipel peuplé d’étranges créatures. Ces îlots ménagent autant de loges d’où émergent les « jambes » des sculptures de Io Burgard, tandis que les hameçons géants de Chloé Royer accentuent l’ambiance maritime de l’ensemble : une orientation spontanée s’en dégage qui vient suppléer partiellement l’absence revendiquée de thématique.
La suite de la déambulation nous amène logiquement à proximité de la plage de La Barre, dernière étape de la biennale. Organiser une manifestation en bord de mer, on l’a vu plus haut, génère de multiples difficultés qui ressortissent notamment à la météorologie et aux éventuelles dégradations d’un public enclin à « s’inviter » dans la manifestation par des formes plus ou moins heureuses et bienveillantes… Le choix d’inviter Flora Moscovici apparaît d’autant plus judicieux qu’il répond à plusieurs contraintes du plein air, dont celles de la météo, de la conservation et de l’échelle du paysage. Familière de tels enjeux, l’artiste a réalisé un immense floor painting qui recouvre les chemins desservant un grand rond-point, au milieu duquel trône l’œuvre de Mathieu Mercier, l’une des rares œuvres des éditions précédentes, avec la tour de Kawamata, à résister à l’épreuve du temps. Auparavant, nous avions longé les colonnes de Kevin Rouillard, qui se déploient le long de la promenade du rivage au port de Bayonne. Formées d’un empilement de bidons alimentaires compressés et multicolores, ces colonnes forment un signal qui annonce les autres œuvres de la biennale, un chemin bariolé qui redouble les antiques tourelles en pierre bordant l’estuaire. Précédant de loin les autres œuvres, Horizon : 1 000 blocs, 6 couleurs apparaît un peu isolée, de même qu’elle tranche par la dissémination de ses composants. Mais revenons à la plage de La Barre où se situent les deux autres pièces en extérieur, à proximité du sol peint de Flora Moscovici. Jennifer Caubet a planté de solides mâts au bout desquels flottent d’élégants pavillons, dont les motifs géométriques empruntent à divers registres qui se superposent. Ces étendards, en rotation sur leur axe à la manière de girouettes, sont associés à de longs bancs au design radical posés au milieu d’une vaste pelouse. L’installation occupe l’étendue, en dansant au rythme des vents qui les font tournoyer. Les longs bancs de bois et de métal invitent à la contemplation et favorisent la rêverie, à mille lieues de certaines œuvres qui exigent une attention soutenue. Plus loin, la pièce de MBL architectes rappelle les structures que l’on peut observer dans les champs de la région, servant à stocker le maïs ou d’autres céréales. La proposition fait ressortir élégamment l’aspect sculptural de ces structures utilitaires. L’ensemble de ces œuvres en plein air compose un paysage délié et flottant qui appelle à la déambulation et à une recomposition poétique du paysage littoral.
Head image : Flora Moscovici, Les chemins du couchant, L’ici et l’ailleurs, La Barre, 2024. Photo : Arthur Péquin. Biennale d’Anglet.
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- Du même auteur : Biennale de Lyon, Interview de Camille De Bayser, The Infinite Woman à la fondation Carmignac, Anozero' 24, Biennale de Coimbra, Signes et objets. Pop art de la Collection Guggenheim au Musée Guggenheim, Bilbao,
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