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Chapelle vidéo #3, Chemins faisant

par Mathilde Roman

Les œuvres vidéo, malgré leur statut de multiples, sont en réalité complexes à collectionner et à présenter à cause de leur durée et de leur présence sonore. Les fonds vidéo ne sont donc pas les plus visibles, même les plus importants, comme ceux du Centre Pompidou ou du Fonds National d’Art Contemporain. Il est ainsi louable que le projet de constituer une section vidéo au sein de la Collection départementale d’art contemporain de Seine Saint-Denis ait d’emblée été associé à une démarche d’exposition. L’acquisition des droits de diffusion d’une œuvre sur un territoire n’a eu de sens qu’associée à une politique de monstration. Chapelle vidéo en est ainsi à sa troisième édition, l’exposition étant réalisée grâce à un partenariat avec le Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis.

 

La thématique choisie cette année, « Chemins faisant », prenait le parti de montrer des œuvres questionnant les représentations du paysage contemporain. Que la déambulation de l’artiste soit guidée, comme lorsque Armand Morin fixe une caméra sur un robot parcourant le Missile Park au Nouveau-Mexique où sont exposées des armes militaires, ou qu’elle relève au contraire d’une dérive collective, comme lorsque Valérie Jouve suit les habitants du quartier « Grand Littoral » à Marseille dans leurs déplacements piétons au sein d’un territoire pensé pour les voitures, ces vidéos entraînent les regards vers un questionnement critique des aménagements de l’espace urbain. L’état des banlieues des grandes villes est au cœur de plusieurs œuvres où dialoguent le local et le lointain. Ainsi, dans Under Construction, Zhenchen Liu filme la destruction d’un quartier de Shanghai où un urbanisme agressif sert le développement accéléré de la mégapole. Les personnes croisées sont fantomatiques à l’image mais les récits de leur vie ramènent toute la violence de l’expropriation. Des images en contrepoint à celles qu’a tournées Kristina Solomoukha lors d’un survol de São Paulo (City of Continuous Present), et qu’elle a montées dans des effets d’accélération et de répétition déréalisant complètement l’espace urbain. Projetée en hauteur avec une bande-son très envahissante, cette vidéo contrastait avec l’ensemble de l’exposition et n’aurait pas mérité d’être tant mise en avant. De manière générale, la scénographie ne parvenait pas à autonomiser suffisamment les œuvres, d’autant que le lieu investi, une chapelle, amenait des contraintes architecturales supportant mal la suroccupation de l’espace par des projections et moniteurs. La réflexion sur l’exposition de la vidéo nécessite d’être davantage développée pour de tels projets, comme cela semble avoir été le cas sur les précédentes éditions de la manifestation.

De ce cheminement, on a surtout retenu l’attention accordée aux relations de l’individu à un territoire, comme lorsque Till Roeskens suit la ligne d’un tracé cartographique dans la ville de Creil en saisissant sur le vif de nombreux portraits (De la base aérienne 110 à la Paix se révélant à l’Humanité). Les parcours et les récits introduisent de l’écart et de l’humain face à une gestion distanciée et rationnalisée des espaces urbains. Une atmosphère que l’on souhaiterait retrouver en découvrant les ruines d’une aire pour skaters créée dans les environs de Montpellier. Dans Rooler Gab, Raphaël Zarka a filmé des remontées mécaniques abandonnés et envahies par la végétation en suivant la déambulation d’un chien, marquant l’absence de corps et d’usages d’un paysage abîmé. La souplesse de la vidéo accompagne fort bien de telles dérives orchestrées par un montage privilégiant l’immersion, et ce sont ces œuvres qui marquent le parcours du visiteur.

 

 


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