Christopher Wool
Six ans après une première collaboration, Fabrice Hergott et Christopher Wool se retrouvent pour une nouvelle exposition. Mais loin du caractère rétrospectif de l’événement strasbourgeois, l’exposition du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris se concentre sur les douze dernières années de création de l’artiste, en présentant une trentaine de tableaux et œuvres sur papier. Pas de révolution majeure à l’horizon, simplement une évolution logique dans l’exploration perpétuelle de la peinture prônée par Christopher Wool, sa volonté jamais démentie d’en repousser les limites. On reconnaît ici tout ce qui fait la singularité de cet artiste américain incontournable – grands formats, alliance de la sérigraphie et de la peinture au pistolet, reproduction numérique, déclinaison d’une même matrice… Un nombre assez restreint de trames et motifs différents occupent la surface des toiles, ici agrandis, là recouverts, altérés un peu plus loin. Ce sont dans ces subtiles et minimes variations que réside tout l’attrait de son œuvre, dans cette volonté jamais démentie de répéter une forme, la manipuler, lui faire subir toutes les transformations possibles, encore et encore, jusqu’à épuisement. Une telle entreprise relève d’un système extrêmement complexe au sein duquel l’artiste aurait vite pu s’emprisonner. Mais Christopher Wool est toujours parvenu à se renouveler, grâce à une étonnante capacité à juxtaposer, au sein de sa pratique, de multiples langages visuels, processus picturaux et courants théoriques. On pense ainsi, dans cette utilisation quasi-systématique de la sérigraphie, aux théories de Walter Benjamin sur la reproductibilité technique de l’œuvre, mais également aux artistes Pop que sont Andy Warhol ou Robert Rauschenberg. Les thèmes abordés dans son travail font par ailleurs écho au radicalisme de la scène new-yorkaise du milieu des années quatre-vingt, incarnée par Cady Noland, Steven Parrino ou Robert Gober, auxquels il est souvent associé. Quant à la gestuelle particulière employée par l’artiste et l’énergie qui transparaît de ces immenses toiles, elles rappellent immanquablement l’immédiateté punk. Dans un des textes du catalogue de l’exposition, John Corbett insiste d’ailleurs sur le rare équilibre entre improvisation et composition que parvient à trouver Christopher Wool dans ses peintures. Se dégagent de celles-ci une urgence, une liberté et une spontanéité du geste remarquables. Une étude plus attentive permet toutefois de distinguer les multiples strates qui les composent et les opacifient, des bords des cadres de sérigraphie – l’écran de sérigraphie étant trop petit pour couvrir la surface du tableau, il est nécessaire de l’appliquer à plusieurs reprises – aux diverses projections, en passant par la peinture en spray. Et ces deux concepts de perpétuellement s’opposer au sein de son travail, instaurant une tension manifeste qui perturbe la lecture de l’œuvre et la rend de fait bien plus mystérieuse et passionnante.
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- Du même auteur : Oriol Vilanova, At First Sight, Il Palazzo Enciclopedico, 55e Biennale de Venise, Goldfinger, In search of everything, Punk's not dead,
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