r e v i e w s

Delphine Coindet à Chamarande

par Daphne Le Sergent

Encore une fois

Encore une fois : ce titre donné par Delphine Coindet à son exposition au Domaine de Chamarande pourrait être la version contemporaine du vers d’Horace « Bis Repetita Placent », les choses répétées plaisent. En effet, cette exposition se structure sur des effets de répétitions et de résonances entre les différentes pièces proposées et le lieu – un château construit au 17ème siècle – et entre les œuvres elles-mêmes. Le marbre de l’installation Psychée, est aussi faux que celui peint aux murs du bâtiment ; le voile argenté de Cascade fait écho au paysage du parc du Domaine ; l’encoche des panneaux de Polyamid Spirit épouse les formes du cadre du miroir de la salle. Ainsi l’œuvre apparaît semblable à une surface de projection où se dessinent paysage et environnement. Mais il ne s’agit plus de la surface réfléchissante exaltée par le miroir de la mimesis. Celui-ci s’est cassé en deux : d’une part la répétition des éléments du paysage dans l’œuvre, de l’autre la surface miroitante et séduisante non plus du miroir mais des matériaux de synthèse que l’artiste utilise. Si répétition il y a, c’est au travers d’une stylisation. La pièce intitulée Torche est construite simplement à l’aide d’un cône blanc et d’une flamme en plexiglas fluorescent orange. « Encore une fois »… Et ce cône de passer d’une œuvre à l’autre, de se retrouver accroché sur Pecker, un parallélépipède à roulettes, évoquant le nez pointu d’un masque baroque ou d’un Cyrano en mal de représentation. Les cordes aux courbes dansantes de Happy Angles sont de nouveau installées dans un des couloirs du château et, cette fois, tombent verticalement du plafond ; les plumes blanches issues également de Happy Angles sont une fois de plus présentes, mais colorées, dans l’installation Bluetooth ; la colonne noire et arc-en-ciel, sans titre, évoque l’ascension des formes dans le totem de Dream.
Peu à peu, au fil de ces redondances, se forme une rythmique, quelque chose proche de la ritournelle ou de la musique. Le travail de Delphine Coindet introduit une réflexion sur le module et sa modulation, nous convie à prendre acte des écarts entre deux éléments répétés, à écouter les silences constitutifs de l’air musical. L’agencement de ses œuvres compte avec les vides et les pleins, comme dans Cascade où les objets éparpillés relèvent des notions de distance et de parcours, ou comme dans Mask constitué de percées et de trous. Tous ces creux, ces vides, semblent marquer le point de vue abandonné d’une contemplation sur le paysage. Encore une fois, pourrait-on dire, il n’est pas question ici d’un travail de représentation mais de stylisation : design dans l’épuration des formes, expression dans l’usage des matériaux captant lumière et couleurs vives et semblant viser à reporter l’intensité d’une sensation. Cette stylisation, le point de vue de l’artiste, ne relève pas de l’affirmation d’une subjectivité mais au contraire de son retrait derrière les objets et les formes. C’est dans l’agencement, dans l’emboîtement des éléments, dans la répétition elle-même que résident la recherche artistique de Delphine Coindet et l’ambivalence de l’imaginaire dans le réel.

« Encore une fois », Delphine Coindet au Domaine départemental de Chamarande
Du 26 octobre au 15 février 2009

Delphine Coindet Happy Angles crédit Marc Domage

Delphine Coindet Happy Angles, crédit Marc Domage


articles liés

Lydie Jean-Dit-Pannel

par Pauline Lisowski

GESTE Paris

par Gabriela Anco