r e v i e w s

Design Sediments à Huidenclub, Rotterdam

par Juliette Belleret

Design Sediments à Huidenclub, Rotterdam
31.01.2024 – 24.03.2024

Avec des œuvres de Emma Charles, Caroline Corbasson, Marjolijn Dijkman, Marlène Huissoud, Agata Ingarden, Klarenbeek & Dros, Agnieszka Kurant, MBL architectes, Ori Orisun Merhav, Naïmé Perrette, Marcin Rusak, Basse Stittgen, ThusThat, Ittah Yoda

Commissariat Leo Orta et Olivier Zeitoun

Inaugurée en parallèle du salon Art Rotterdam lors de la Rotterdam Art Week, l’exposition « Design Sediments » se déploie au sein d’une ancienne tannerie (Huidenclub) récemment transformée en un espace expérimental vivant au rythme d’expositions, de performances, de conférences, et dont la vocation est de réunir entre ses murs tout un écosystème de la création contemporaine. Une scène poreuse, ouverte sur cette autre scène contemporaine que sont la ville de Rotterdam et plus largement les Pays-Bas – d’où l’extrême porosité des œuvres avec le design, et d’où le choix de s’intéresser à cette porosité même, à ces frontières qui sont autant de points de contact entre les processus de production industrielle et les processus de création artistique.

Le motif choisi est celui de la sédimentation, qui nous apparaît distinctement en deux parties, dictées par la scénographie : un espace est donné aux œuvres plastiques, aux objets ; un autre est consacré à la projection de trois films, c’est-à-dire au déploiement d’une nouvelle temporalité au cœur même de la visite.

Design Sediments à Huidenclub, Rotterdam, 2024.
Credit photo : Michèle Margot.

La première partie s’attache ainsi aux interférences du temps à la surface des objets, rendues visibles par les photographies de Marjolijn Dijkman ; aux empreintes qu’il laisse sur ces objets et sur les façons mêmes de les créer. Il s’agit de penser la temporalité de la production à une autre échelle, qui dépasse celle de la vie humaine : des modes de production empruntés ou confiés aux insectes (Marlène Huissoud ; Ori Orisun Merhav) ; des objets donnés aux phénomènes d’accrétion (MBL architectes), de décomposition (Marcin Rusak), transfigurant la notion de déchéance de la matière pour atteindre un processus de production établi sous le signe de la mutation, du réemploi (ThusThat), de la sédimentation (Klarenbeek & Dros).

Lorsqu’on entre dans l’espace consacré aux projections vidéo, le hasard de l’heure fait apparaître à l’écran le visage d’un mineur (Naïmé Perrette, Bothe Ears to the Ground, 2020). Son corps est infiniment petit en regard des profondeurs des mines, des couches de terre qui l’enserrent et des épaisseurs géologiques vers lesquelles tendaient les œuvres et les objets que l’on vient de rencontrer. Ici, l’attention sollicitée par l’exposition bascule à un degré intime, à la sédimentation sensible d’un corps qui reçoit chaque jour les vibrations des machines. Le mineur raconte qu’il rêve de leur mouvement la nuit, et l’on devine, en voyant leur harmonie à l’écran, comment leurs vibrations se déposent en lui, derrière ses yeux, sous sa peau, insensiblement. 

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Head image : Both Ears To The Ground, a short film by Naïmé Perrette.


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