Haroon Mirza
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LiFE, Saint-Nazaire, 25.05 — 24.09. 2017
Plus que partout ailleurs, chaque exposition au LiFE pose la question de la relation des objets à l’espace. Pour l’été 2017 qui fête les dix ans de la reconversion de l’alvéole de l’ancienne base sous-marine en lieu d’art, l’artiste invité, Haroon Mirza (né en 1977 à Londres), a fait le choix de privilégier les résonances entre quelques éléments, sans avoir peur du vide. Face à l’immensité des 1460 m2, il a créé trois pôles qui entretiennent des relations à distance complexes, dans la continuité de ses précédentes installations. Car dans son œuvre, l’espace est peuplé d’immatériaux, de sons et de lumières, voire d’interactions mystérieuses mais bien perceptibles grâce à des moyens actuels et séduisants : musique techno, couleurs flashy, comme lors de son exposition précédente à Saint-Nazaire, au Grand Café en 2014. Ainsi, sous des apparences spectaculaires, il nous met face à des phénomènes physiques fondamentaux tels que les ondes et leurs manipulations, bien souvent à la frontière de la science et de la croyance.
Plongé dans la pénombre du LiFE, on découvre tout d’abord un pavillon cubique dont l’ouverture éclairée sur le côté invite à entrer. On se trouve alors dans une chambre anéchoïque dont on éprouve immédiatement la capacité à couper de l’environnement sonore extérieur. Puis la progression au cœur du dispositif remplit peu à peu le vide sonore d’un bruit d’eau qui coule. Une fontaine y est en effet installée, au jet est éclairé de telle sorte qu’il forme une double hélice bleue et rose rappelant l’ADN. Ainsi isolé, on se trouve comme face à une énigme qui, à l’instar du monolithe de 2001 L’Odyssée de l’espace, donne l’impression de détenir un secret sur l’origine de la vie. Mais de manière plus concrète, on comprend aussi rapidement que l’eau est un rappel du bassin alentour, ce qui nous resitue immédiatement dans l’ici et maintenant du lieu. En somme, projeté dans un premier temps loin de la base sous-marine par l’isolement sonore, on y retourne grâce au son pur de l’eau qui coule, faisant l’expérience d’un espace-temps étrange. Plus encore, de même que l’ADN, on retrouvera l’écoulement de l’eau plus loin dans l’exposition, comme par téléportation.
Derrière cette chambre, un grand espace libre permet de regarder plusieurs écrans, un grand et trois plus petits en face, où circulent en boucle des images trouvées sur internet, du drapeau européen au chant d’une femme chamane. À l’opposé de l’expérience précédente, on se sent là jeté dans le bruit du monde tel qu’il nous arrive à chaque instant sur nos smartphones et ordinateurs, où tout se succède dans un flux selon une logique logarithmique insaisissable. Ces projections nous renvoient d’emblée à notre condition numérique. Mais si l’on prête plus attention aux images, un sens diffus se construit, établissant une comparaison entre le code génétique — on peut écouter un entretien avec le découvreur de l’ADN — et le code informatique, les révélations en état de transe et les hypothèses scientifiques actuelles, le passé et le futur, qui finit par constituer une proposition méthodologique d’approche du réel ouverte et plurielle. Puis, parmi ces images, on observe aussi celles d’une caméra placée à l’extérieur filmant l’eau du bassin.
Enfin, le troisième pôle de l’exposition fait écho au premier en tant qu’espace délimité dans lequel il faut pénétrer pour accéder pleinement à l’œuvre, voire au spectacle. Sous la forme d’un radôme (dôme géodésique utilisé pour dissimuler des antennes et des radars) ouvert vers le plafond, cette construction oriente le regard vers l’autre radôme du LiFE, installé sur le toit. Offert par la ville de Berlin en 2007, il avait servi à l’OTAN pendant la guerre froide. De nouveau, donc, les questions de circulations invisibles, d’ondes, de relations et d’effets à distance sont évoquées, dans un esprit proche de certaines œuvres de Laurent Grasso qui, lui aussi, s’est beaucoup intéressé non seulement aux radômes mais aux phénomènes physiques à la limite de la science et de la croyance[1]. Une fois à l’intérieur, on revoit par transparence les projections dont les sons sont ici accentués, ponctués par des flashs de lumière qui s’allument dans un fracas de court-circuit et mixés avec d’autres, notamment celui de la fontaine. L’eau, présente dans le premier pavillon, réapparaissant dans les projections, encore évoquée ici, constitue un fil d’Ariane dans l’espace de l’exposition. Celui-ci, à la fois déroutant et familier, vide et plein, sombre et lumineux, comme une galaxie avec ses étoiles et planètes, suscite une réflexion métaphysique postmoderne sur l’homme dans le double univers physique et numérique, sur fond de musique techno.
[1] Voir par exemple la vidéo de 2007 1619, intitulée ainsi en référence à l’invention du terme d’aurores boréales par Galilée. Ce phénomène est un bel exemple d’action à distance puisqu’il s’agit de l’effet de tempêtes solaires sur l’atmosphère de la Terre mais qui peut aussi, selon des rumeurs, être provoqué par des radars dans le but de perturber les télécommunications par satellites. Dans cette vidéo de Laurent Grasso, tandis que le ciel est animé de belles aurores boréales, un petit dôme géodésique au premier plan jette la suspicion.
(Image en une : Haroon Mirza & Francesca Fornasari, feat. Nik Void & Tim Burgess, vue de l’exposition
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Production LiFE – Ville de Saint-Nazaire, programmation hors les murs du Grand Café-centre d’art contemporain, Saint-Nazaire, 2017. Photo : Marc Domage.)
- Publié dans le numéro : 83
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- Du même auteur : Anna Solal au Frac Occitanie Montpellier, Gontierama à Château-Gontier, Alias au M Museum, Leuven, mountaincutters à La Chaufferie - galerie de la HEAR, Lacan, l’exposition au Centre Pompidou Metz,
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