La quadrature du cercle : Olivier Mosset au Magasin
Comment ne pas tourner en rond autour d’un cercle ? La démonstration est actuellement visible au Magasin de Grenoble qui accueille une exposition de la collection personnelle d’Olivier Mosset. La signification de l’intitulé Portrait de l’artiste en motocycliste n’est certainement pas à chercher du côté d’une quelconque revendication, puisqu’avec son pragmatisme coutumier Olivier Mosset considère que cette collection, puisqu’il faut l’appeler ainsi « parle de ce que certaines personnes ont fait à un certain moment en un certain endroit » (1) bien plus que de lui-même. D’ailleurs, nombre de pièces n’ont pas été acquises de manière classique – par achats d’œuvres -, mais plutôt par l’échange, le don, les liens amicaux. D’autres encore ont été acquises, parce qu’elles formaient, par la citation de son œuvre, une sorte d’hommage à Mosset, ou tout du moins une réaction, un lien de parenté. Ainsi voisinent dans une salle consacrée au fameux cercle noir une toile d’Olivier Babin, exacte reprise appropriationniste du motif, et une toile du jeune Hugo Pernet, négatif de cette même toile. De ce motif originel, nous savons qu’il a été créé en réaction à l’idée de monochrome, trop associée à l’époque (1966) en France alors qu’il y résidait, à Klein et sa métaphysique. Réinvestissant de matérialisme ce fait d’une peinture d’une seule couleur, et le travestissant presque malgré lui en signe distinctif, Mosset est devenu l’un des précurseurs d’une nouvelle peinture qui ne pose plus que la question de la peinture (et non celle de la peinture abstraite, monochrome ou autre) et en dissout la réponse dans une pratique qui est en elle-même une réponse tautologique. L’affirmation du fait pictural étant posée tant que des peintures sont peintes, la question suivante est en effet celle de la filiation. « Les jeunes artistes ont toujours raison. Ils viennent après toi. Ils savent ce que tu as fait. » (2) Cette autre question résolue, vient celle de l’ascendance, des attirances de Mosset pour d’autres artistes alors qu’il était encore tout jeune peintre : Warhol, Kaprow, et de la contemporanéité des amis et associés : Armleder et Fleury, Noland ou Parrino. Les œuvres se suivent en un parcours aux entrées multiples, qui bien loin de toute dimension biographique circonscrite, donne à l’exposition un goût d’hétéroclite et un dynamisme éclatant. On y croise d’entrée un statement de circonstance : Once there was a little boy and everything turned out alright. THE END. Louise Lawler donne le ton, on ne s’embarrassera pas de grandes questions. On profitera bien plutôt d’un accrochage réjouissant à mille lieues d’un commissariat classique, de salles, qui bien que d’obédience vaguement thématique, laissent libre cours à des pièces qui s’entrechoquent joyeusement. Et de cette histoire personnelle de l’art faite de petites histoires, l’on gardera en mémoire nos préférées, celle de la boîte de Campbell de Warhol qui n’est pas montrée, parce qu’elle a été mangée ; celle de la sérigraphie de Tinguely qui se retrouve là, parce qu’offerte en guise d’excuses par un Tinguely qui, au cours d’une dispute avec sa compagne, avait menacé notre Mosset d’un fusil ; ou encore celle de cette série de monochromes monumentaux de Mosset qui sont ici signés d’Armleder, parce que ce dernier, ayant une fois exposé à la suite d’Olivier, avait décidé que son projet d’exposition serait en fait de laisser en place la précédente.
Ou comment boucler une histoire de cercle de manière circulaire.
(1) Olivier Mosset dans un entretien avec Bob Nickas, réalisé à l’occasion de l’exposition et intitulé Le Collectionneur malgré lui. Traduit de l’anglais par Gauthier Hermann.
(2) Ibid.
Portrait de l’artiste en motocycliste, au Magasin, Grenoble, du 11 octobre 2009 au 3 janvier 2010.
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- Du même auteur : Andrej Škufca, Automate All The Things!, LIAF 2019, Cosmos : 2019 , Mon Nord est ton Sud,
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