Nicolas Momein, Everyone is light, you are light
Micro Onde, Vélizy-Villacoublay, du 30 janvier au 26 mars 2016
Si Nicolas Momein nous avait habitués à contempler des monolithes longuement léchés par des vaches ou un hall d’immeuble recouvert entièrement de crin marron, il n’avait jusqu’alors pas expérimenté une installation d’aussi grande ampleur que celle présentée à Micro Onde. En entrant dans « Everyone is light you are light », le visiteur est contraint par la première œuvre, un mur qui empêche d’appréhender l’ensemble de l’espace. L’artiste impose un rythme au regard. Les sculptures évoquent des niches et des zones de protection. Leurs formes sont des emprunts à l’architecture et au mobilier de l’espace urbain : préau sous pluie tonitruante, abribus en attente de transport, plongeoir de piscine avant le grand saut. Les édicules invitent à suspendre le temps. Ils ne seraient pas fantomatiques si l’artiste n’avait pas décidé d’y projeter de la laine de roche. Matériau pauvre et mal-aimé, ici sublimé, devenu précieux par un effet de déplacement.
Le bruit feutré de cette matière entraîne le visiteur dans un univers muet. Pause méditative ou introspection silencieuse, il est invité à se taire. Il voit que les formes parlent pour lui. Habituellement utilisée comme protection dans les parkings souterrains, la laine de roche forme ici une sorte de peau retournée. Elle vient protéger celui qui déambule dans l’espace. Seule reste la matière cendrée et poussiéreuse. On ne sait plus si on est en présence des derniers vestiges de l’architecture moderniste ou si le temps s’est simplement figé dans cette blancheur spectrale. Dans l’entretien réalisé avec la commissaire et directrice de Micro Onde, Sophie Auger-Grappin, et publié à l’occasion de l’exposition, Nicolas Momein évoque les origines de sa pratique et son premier métier, celui de tapissier : « Paradoxalement, ce n’est pas le fait de restaurer des sièges ou leur donner une forme qui m’a décidé à m’impliquer dans l’art, mais plutôt les sensations et les questionnements que j’éprouvais lorsque je devais garnir un siège. » L’artiste met en évidence le rôle du geste ainsi que celui du toucher. Floquer, garnir, fourrer, sabler sont autant de mots qui correspondent à son quotidien. Tout est histoire de dévoilement du matériau. Nicolas Momein troque sa place ou la laisse libre car ces savoir-faire sont spécifiques à chaque corps de métier. L’artiste ne peut se substituer à la main de l’artisan ou aux techniques de l’ouvrier. Ainsi, pour cette exposition et comme pour plusieurs projets précédents, Nicolas Momein s’est entouré. Les entreprises de flocage de la laine de roche Sorecal et de sablage du métal Omni Sablage ont travaillé en étroite concertation avec lui. Dans la rue traversante, espace ouvert du théâtre, Nicolas Momein a réalisé une série de trois monochromes et onze tirages photographiques sur dibond. Les monochromes ont une manière froide et perfectionniste de saisir la couleur par la matière. Les plaques parfaitement disposées semblent flotter malgré leur poids réel comme de simples couches de sable fin. La couleur retourne à la matière.
Face aux monochromes, la série de photographies est tirée d’images prises au microscope qui permettent de contrôler et de valider les soudures. Nicolas Momein nous rappelle alors l’artiste fictionnel inventé par Olivier Cadiot dans son dernier ouvrage, Providence : « Natures mortes d’objets techniques au repos ; on aurait dit des tigres qui vous sautent à la gorge. C’est mystérieux. Quelles ondes sont enfermées dans ces gaines de plastique ? Des questions, des questions1. » L’artiste laisse parler la matière dans sa finesse microscopique et laisse le spectateur y deviner des formes. Dans la boîte noire, nommée ainsi parce qu’elle forme une pièce rectangulaire fermée dans la rue traversante, Nicolas Momein explore un médium qu’il utilise peu habituellement ; à la frontière entre documentaire et film expérimental, sa vidéo clôt l’exposition. Elle présente un ouvrier enfermé dans une cabine de peinture en train de métalliser, c’est à dire de projeter du métal en fusion sur une plaque de métal. L’objectif de la caméra est progressivement obstrué par la peinture et l’ouvrier disparaît de l’image pour laisser apparaître un monochrome. Ici, l’on ne sait plus vraiment distinguer l’histoire de l’art de l’histoire de l’artisanat, la technicité du geste de la liberté du pinceau. Nicolas Momein brouille les pistes afin de nous laisser un instant sortir du cadre imposé et jouir naïvement du plaisir coupable de l’incertitude.
1 Olivier Cadiot, Providence, 2014, P.O.L, p. 185.
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- Du même auteur : Núria Güell, Hemali Bhuta, Lydia Gifford, I Am Vertical / Je suis verticale,
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