r e v i e w s

Présence Panchounette

par Benedicte Ramade

Esprit chounette es-tu là ?

Lorsqu’on évoque le nom magique et quasi incantatoire de Présence Panchounette, immédiatement, vient se greffer sur l’identité du collectif mythique, l’image d’un nain de jardin géant. Oui, les P.P. ont bien sévi dans ce registre et ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Le traître éperon qui déchire les coques les plus solides est moins bien connu que ces exactions fun et spectaculaires. Bien plus retors qu’un esprit potache à la Fluide glacial et son Super Dupont qu’on a longtemps cru voir planer au-dessus de pièces mémorables comme Le poids de la culture, soit un banc de muscu et des haltères lestées par Gombrich et consort, voici le visage de Présence Panchounette dessiné par une hyper rétrospective estivale. Mais évidemment P.P ne fait pas comme tout le monde. Lorsqu’ils sont invités par le CAPC, ils déclinent aimablement l’invitation. Pour ce collectif bordelais né en 1969, auteur du graffiti post-68 « Tout est comme avant », ostracisé par l’ancien CAPC, il était hors de question d’y organiser leur enterrement, même en première classe. Ils ont vidé collections et grenier pour remplir treize lieux dans le centre de Bordeaux. À l’espace Saint-Remi, une ancienne église, c’est la super foire à la brocante. Foutraque, anti-hiérarchique, les cartels remplacés par des post-it, le grand déballage joue la saturation priapique. Et c’est bon. Une véritable mine d’or à l’instar de l’exposition africaine de 1986, recomposée en face du CAPC. Leçon d’histoire pour ceux qui commandaient des œuvres à des artistes africains dès 1983, les assemblaient à leur esprit chounette, bien avant Les magiciens de la terre (1989). PP a toujours su faire des exposition-objet. En 1986, leur est confiée la collection du FRAC Midi-Pyrénées. Viallat est alors associé à Knoll, Combas à Starck, Dufour à la lampe à pétrole, et le catalogue ira jusqu’à détourner Décoration internationale. La messe est dite pour ceux qui tâte de l’exposition.

L’esprit chounette bande encore. Imparable, inoxydable lorsqu’il s’agit de remettre sur le billot les questions afférentes au statut de l’œuvre d’art, à la responsabilité du spectateur. Plus généralement, la fameuse culture populaire largement éviscérée ces derniers temps, dégage une énergie centrifuge ravageuse dans la grande nef du CAPC avec Less is less, more is more and that’s all, opus délirant concocté par Frédéric Roux (one of the PP) featuring Charlotte Laubard (the directrice). Magistral moment, une zone franche qui émancipe le goût dans une déferlante d’œuvres géniales et d’une qualité rare. Il y a de tout dans cette foire-expo de l’esprit chounette d’hier et d’aujourd’hui, et surtout une qualité devenue extrêmement rare et précieuse en ces temps de culture hors-sol : un goût pour l’histoire et la mise en perspective. Less is less multiplie avec une belle présence d’esprit les points de fuite dans un décor de village-témoin, murs blancs enduits à la taloche (délicieuse réminiscence des appartements de sports d’hiver), stands thématiques à l’ambiance domestique émaillés d’une pensée émue pour les Conforama et autres supermarchés Mammouth. Pastiche vernaculaire jouissif, on passe d’impeccable Furniture-sculpture du roi Armleder à une Sainte famille de Spoerri délicatement dressée au-dessus d’un ensemble mobilier eighties de Béchau et Bourgois du meilleur goût. Tout ça sous l’œil retors de Kaz Oshiro, Dewar et Gicquel et François Hers. Les découvertes, comme celle, merveilleuse, des peintures de pavillons et tondeuses à gazon de Christian Babou, les installations rarissimes d’Edward Kienholz ou Guillaume Bijl, s’accordent à la Jeep Cherokee que Nicolas Milhé a déguisé en indien, le cercueil Mercedes Benz de Samuel Kane Kwei, et le stand façon foire de Bâle. Cette histoire de l’art en mode mineur ménage suffisamment de subjectivité, d’intuitivité pour passer sans inflexion doctrinaire entre les mains du spectateur. À lui de s’épanouir dans ce syncrétisme sans foi ni loi. Le musée a lâché la bride. Bénédicte Ramade

Less is less, more is more and that’s all et Présence Panchounette, du 14 juin au 31 août 2008, CAPC et ville de Bordeaux.

less is less, more is more, that's all.

Less is less, more is more, that’s all, vue de l’exposition au capc Bordeaux, 2008 photo stud 2


articles liés

Lydie Jean-Dit-Pannel

par Pauline Lisowski

GESTE Paris

par Gabriela Anco