Réouverture du Musée d’art contemporain de Marseille
Du 6 au 9 avril, la ville de Marseille fêtait la réouverture de son musée d’art contemporain, fermé pour rénovation depuis 2019. Mis aux normes de conservation, étendus et coiffés d’un nouveau toit-terrasse, les espaces du [mac] ont accueilli près de 10 000 visites sur ces quatre jours d’inauguration, véritable succès au regard de certaines fréquentations annuelles dans l’histoire du musée.
Dans le hall d’entrée, le public est salué par un ensemble de roues plumées réalisées par l’artiste Paola Pivi, qui signe l’exposition temporaire « It’s not my job, it’s your job ». Disposées du sol au plafond, ces sculptures mécaniques rappelant celles de Rebecca Horn attirent le regard dès la cour et viennent souligner le côté aérien du nouveau bâtiment entièrement vitré. Le public est ensuite invité à pénétrer dans l’installation immersive « Free Land Scape » – titre ironique face à la longue liste d’instructions et de restrictions affichées devant l’œuvre. Elle rappelle cependant que l’art est une expérience, et ainsi placée en amont de la (re)découverte des collections, nous convie à changer de perspective, à insuffler une nouvelle énergie dans la déambulation. En découvrant « Call me anything you want » (2013), série de tableaux sertis de grandes grappes de vraies perles, les sculptures « Take me home » et « Finally I got a home » (2006) en bois de Malawi, ou les célèbres ours en plumes colorées de l’artiste italienne, l’on ne peut que remarquer la faible portée dénonciatrice quant à l’emploi de ces matériaux précieux, et le manque de supports de médiation pour contextualiser les œuvres souligne leur aspect ludique avant toute chose.
La collection permanente du [mac] présente plus de 140 œuvres issues de ses réserves, mais aussi de dépôts et de prêts d’institutions partenaires : le Centre Pompidou, le CNAP, le Cirva, le Frac Sud, et le Fonds communal d’art contemporain de Marseille. Le parcours, qui arbore pour titre « Parade », se divise en six parties thématiques inspirées d’un essai de Germano Celant intitulé « 1968 : Towards a Global Diversity » et publié dans Circa 1968, le catalogue de l’exposition inaugurale du Musée Serralves de Porto en 1999. Les sections successives présentent ainsi les œuvres regroupées dans les catégories suivantes : peinture, matériaux, lieux, sujets, réalités / fictions, et interdisciplinarité. Cet appui sur le texte critique de Celant – que l’on doit à une stagiaire de l’INP – permet de dessiner de manière à la fois générale et étayée de grandes classifications dans la création artistique internationale des soixante dernières décennies. On sait l’écueil facile dans cet exercice pratiqué par tous les musées d’art moderne et contemporain du monde, mais le pari intelligemment pris par le [mac] permet de satisfaire tant le public averti que le grand public. Ainsi, la partie sur les sujets permet de réunir les diverses questions reliées à l’identité – de genre, de sexe, d’origines, de rapport à soi.
Des prêts ont été réalisés pour venir compléter la collection et compenser le manque d’artistes femmes dans les mouvements tels que Supports/Surfaces et le Nouveau Réalisme, mise à part Niki de Saint Phalle dont on retrouve sans surprise une Nana. On peut ainsi admirer des photographies de la série des « Siluetas » d’Ana Mendieta prêtées par la galerie Lelong, ou encore le suggestif « Janus Fleuri » (1968) de Louise Bourgeois, venant du Centre Pompidou.
L’accrochage est dense, particulièrement dans les deux premières salles, mais cohérent et généreux, avec des cartels développés pour chaque œuvre. Du fait de la relative étroitesse des galeries, la plupart des sculptures et installations sont présentées presque sans mises à distance, permettant au public mis en confiance de mieux appréhender le volume et les détails des œuvres. Si le décloisonnement des espaces empêche la présentation des grandes installations de la collection, l’accent reste mis sur les œuvres expérientielles ou participatives : l’impressionnante « Rotozaza I » (1967) de Jean Tinguely, tout droit sortie de restauration, l’installation vidéo « Photokinétoscope » (2001) de Rodney Graham, ou encore la « Cellule habitable n°4 » (1992) d’Absalon.
La jeune création est également mise à l’honneur, comme en témoigne la belle série de photographies sous verre soufflé « Mycota », réalisée par Dove Allouche en 2015-2016 à partir de phénomènes de moisissures. L’ouverture d’une nouvelle salle, la [mac]room, a pour ambition de présenter des projets contemporains, ainsi que de rendre visibles des chantiers de restauration.
A la croisée des sections thématiques, un fil rouge se tisse entre les œuvres reliées à la scène artistique du Sud ou à la ville de Marseille. Les sculptures de Richard Baquié faites de rebuts industriels célèbrent la poésie contrastée de la cité phocéenne, tandis que le film « La voie lactée » (2016) de l’artiste Marie Bovo, basée à Marseille, révèle des fragments de la ville en suivant le parcours d’un filet de lait qui s’écoule jusqu’au port. Parmi les ancien·nes diplômé·es des Beaux-arts de Marseille, on retrouve le Land art version arrière-pays niçois de Noël Dolla, ou encore « Négociation 34. Porter surface » (2011) de Caroline Le Méhauté, qui agit comme un sismographe dans l’enceinte du musée et de son environnement. On découvre également trois vidéos poignantes de Maïa Izzo-Foulquier (1991-2019), basée à Marseille avant son décès, et dont l’engagement féministe intersectionnel a laissé une forte empreinte sur la scène contemporaine locale.
Sur cette belle lancée, souhaitons que le [mac] redynamise un paysage artistique marseillais en manque d’espaces. En attendant, dans les titres des expositions « It’s not my job, it’s your job » et « Parade » résonnent les actions et revendications actuelles des travailleur·ses de l’art en luttes, rappelées dans un appel lancé par un groupe constitué de divers syndicats et initiatives militantes (SNAPcgt, STAA CNT-SO…) lors de la soirée d’inauguration du musée.
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Head image : [mac], vue de la collection © Ville de Marseille
- Publié dans le numéro : 104
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- Du même auteur : Delphine Mogarra, Javiera Tejerina-Risso et Mayura Torii au Château de Servières,
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