Penser avec le vivant
« Trop longtemps, l’homme s’est cru maître et possesseur d’une nature perçue tel un décor inerte ou un gisement à explorer. C’est pourquoi nous assistons à l’heure actuelle à un effondrement massif de la biosphère et aux colères de la terre » écrit l’auteur français Camille de Toledo dans son essai Une histoire du vertige. C’est précisément à l’endroit du vivant que se construit une histoire commune entre trois institutions culturelles du territoire Auvergne Rhône-Alpes : l’Institut d’Art Contemporain (IAC) à Villeurbanne qui abrite aussi les collections du Frac Rhône-Alpes, le Creux de l’Enfer, centre d’art contemporain d’intérêt national à Thiers, dans le Puy-de-Dôme, et le Château de Goutelas, Centre culturel de rencontre à Marcoux dans le Département de la Loire.
La mise en valeur dans les espaces du Creux de l’Enfer et du Château de Goutelas d’œuvres et de pratiques artistiques reflétant la relation qu’entretiennent les artistes avec le monde naturel par le biais de l’exposition collective « Penser comme une montagne », illustre de manière explicite cette préoccupation pour l’ensemble du vivant. L’IAC, qui avec son laboratoire pose cette question depuis 2016 avec le cycle « Comment habiter des mondes cosmomorphes », profite de l’été pour accueillir les Ateliers du Laboratoire Espace Cerveau dans ses espaces métamorphosés pour l’occasion. Là, artistes, chercheurs, praticiens et acteurs de terrains, mais aussi habitants et chercheurs amateurs, sont invités à composer un rapport au monde non-humain depuis les champs de la création et du sensible, les horaires spécifiquement aménagés de l’IAC en sont le premier exemple –, afin d’inventer ensemble le monde à venir dans une expérience partagée qui interroge nécessairement les liens de coexistence qui unissent les vivants.
Très différents par leur statut, leur manière de fonctionner, le profil de leurs publics, et leur contexte géographique, ces trois lieux se retrouvent néanmoins autour d’une préoccupation commune, contribuer à une réflexion contemporaine avec le vivant, qui dépasse les clivages de la matière et de la pensée, du sujet et de l’objet pour les réévaluer ensemble, en relation. Chacun d’entre eux questionne régulièrement notre époque face aux incertitudes de demain par le biais d’expositions, de conférences ou de festivals à l’image des « Futurs possibles », le festival écologique et prospectif du Château de Goutelas, sous-titré avec justesse le « festival des transitions ».
Si la question du vivant apparaît de plus en plus centrale dans les enjeux de la création, c’est sans doute parce que les artistes se font le relais des interrogations qui traversent une époque incertaine, inquiétés par la fragilité d’un monde qu’ils veulent pouvoir continuer à mettre en commun, à partager.
1 Camille de Toledo, Une histoire du Vertige, éditions Verdier, 2023.
2 Du mercredi au dimanche de 17h à 21h.
3 Futurs possibles, le festival des transitions, Château de Goutelas, deuxième édition, du 8 au 11 juin 2023.
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Head image : Marie Preston, Four-moule, en collaboration avec Georges Sybesma, 2014. Terre, sable, ciment. 90× 50× 50 cm. Collection Institut d’art contemporain Villeurbanne/Rhônes-Alpes (IAC), vue de l’exposition « Penser comme une montagne » au Creux de l’Enfer – Usine du May.
- Publié dans le numéro : 104
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- Du même auteur : Les ateliers d’été du Laboratoire espace cerveau à l'Institut d’art contemporain (IAC), Villeurbanne, Penser comme une montagne au Château de Goutelas, Penser comme une montagne au Creux de l'Enfer à Thiers,
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