Robert Overby, Works 1969-1987*
Le Consortium, Dijon, du 14 février au 17 mai 2015
Si « Works 1969-1987 » au Consortium, quatrième occurrence de l’exposition consacrée par Alessandro Rabottini à l’œuvre du trop méconnu (en Europe, tout du moins) Robert Overby, peut de prime abord décevoir, c’est parce qu’elle en montre à la fois trop et trop peu. Trop car il semble qu’une densité moindre dans l’accrochage densifierait paradoxalement le propos, et trop peu, parce qu’on aimerait vraiment en voir plus ! Dans les deux cas, la raison en est la grande force des pièces de l’Américain (1935-1993), ce qui amène le questionnement suivant : comment réussir l’exposition d’un bon artiste ? Bien évidemment, ce sont des interrogations de spectateur gâté, car l’on ne peut tout de même pas dire que « Works 1969-1987 » n’est pas une bonne exposition, loin de là ! Les deux premières salles, qui sont les plus réussies — celles-là mêmes qui sont, pour moi, à la source de la déception que l’exposition ne se prolonge pas ainsi pendant des salles et des salles — amorcent un parcours dans l’œuvre sculptural d’Overby. Il s’agit de sculpture selon la dénomination officielle de ses exégètes mais l’on pourrait tout autant qualifier de photographies cette série de pièces en latex tant il s’agit d’impressionner une surface sensible.
Obsédé par la datation, la fuite du temps, Overby réalise des instantanés des constructions du quartier de Los Angeles où est installé son atelier. Le 23 avril 1971 a lieu sa première captation d’une façade de bâtiment, qu’il recouvre donc de cacoutchouc avant de l’ôter, une fois sec, comme une seconde peau. Saulle’s Place a depuis acquis une dimension mythique car personne ne l’a jamais vue, pas même l’artiste lui-même, faute d’espace suffisant pour la déployer. Peu après, le 4 août pour être précis, il réalise vingt-huit moulages d’un hôtel incendié, la Barclay House. L’empreinte qui se donne, de fait, en négatif, oscille entre la poétique de l’idée d’une ombre, d’un duplicata fantôme du moindre détail et celle, plus mystique, qui aurait à voir avec le suaire de Turin. Plastiquement saisissante, évidemment, puisqu’à échelle : 1 (Long Wall, Third Floor, mesure en effet 269,2 x 584,2 cm), sa présence indicielle aquiert rapidement une aura « historique », à la manière des prélèvements effectués sur les chantiers de fouilles archéologiques. Mais c’est surtout lorsque plusieurs éléments sont présentés ensemble, comme ici où deux pièces dialoguent dans une même salle, que le démantèlement de l’espace qu’elle produit atteint une véritable fulgurance. Et, bien que l’importation d’un espace dans un autre et notamment l’importation, dans l’espace d’exposition, d’un espace qui lui est extérieur, ne soit guère chose nouvelle — notons tout de même que ce travail est relativement contemporain des non-sites de Smithson — c’est ici avec une physicalité intense qu’il agit. C’est à cet endroit que l’on en vient à s’interroger sur le bien-fondé de présenter des pièces issues de plusieurs bâtiments dans une même salle d’exposition, ce brouillage supplémentaire des repères apporte-t-il quelque complément à cette expérience déjà pour le moins percutante ?
Les empreintes de portes en béton (Concrete Screen Door Handle, 1971) et en résine et fibre de verre (Blue Screen Door, 1971) qui viennent compléter cet échantillonnage de techniques trouvent un écho délicat dans les Maps, reproductions en toile brute cousue des moulages qui tempèrent l’instantanéité brute de ces derniers par leur blancheur, leur apparente douceur et, surtout, la temporalité distendue qu’elles incarnent. Réalisées a posteriori, comme par un besoin de retour sur la rapidité d’exécution des moulages — le latex sèche très vite —, elles ouvrent en regard un espace réflexif, bien que toujours en deux dimensions.
* Commissariat : Alessandro Rabottini. L’exposition a d’abord circulé au Centre d’Art Contemporain de Genève (31.01_27.04 2014) ; GAMeC, Bergame (16.05_27.07 2015) ; Bergen Kunsthall (29.08_19.10 2014 ; commissariat : Alessandro Rabottini et Martin Clark).
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- Du même auteur : Andrej Škufca, Automate All The Things!, LIAF 2019, Cosmos : 2019 , Mon Nord est ton Sud,
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