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Samir Mougas à 40mcube

par François Aubart

Samir Mougas, Le Chaînon manquant, 2009

La rencontre entre deux éléments en apparence sans rapport n’a pas obligatoirement de lien de parenté avec le fameux passage des Chants de Maldoror de Lautréamont, où celui-ci imagine la rencontre fortuite, sur une table de dissection, d’une machine à coudre et d’un parapluie. Pour le poète, une telle rencontre est belle, parce que improbable et illogique, parce que c’est une collision impensable. Avec Le Chaînon manquant, Samir Mougas réalise, lui, la rencontre fortuite d’une reproduction de limule et d’un aileron de tuning. Une rencontre probablement fortuite, mais non dénuée de logique.

Samir Mougas, un chainon manquant 2009

Samir Mougas, un chaînon manquant 2009, production 40mcube. Courtesy galerie ACDC, Bordeaux, photo Samir Mougas

La (ou le, selon les dictionnaires) limule est un animal marin qui a comme particularité d’être considérée par les spécialistes comme une authentique forme panchronique, c’est-à-dire que sa morphologie présente un taux de modification extrêmement faible. Cette espèce n’a pour ainsi dire pas changé d’apparence depuis plus de cinq cents millions d’années, une caractéristique qui a conduit certains scientifiques à remettre en cause les théories de l’évolution de Darwin. L’aileron dont sa reproduction se voit affublée est un élément générique dans le vocabulaire formel du tuning, cette pratique qui consiste à améliorer les caractéristiques esthétiques ou techniques d’une voiture. Ce que fait donc advenir Samir Mougas, c’est la rencontre de deux paradoxes formels. À l’apparente éternité animale répond une pratique qui consiste à personnaliser un véhicule pourtant conçu de façon sérielle, une pratique qui pense l’apparence selon des canons de personnalisation. De cette confrontation, entre l’extrême individualisation et l’attachement à une forme immuable depuis la nuit des temps, résulte le croisement fortuit de deux façons d’envisager le temps. La (ou le) limule apparaît en effet comme coupée de toute histoire et même coupée de toute nécessité à devoir se définir puisque son genre même, en terme grammatical, reste incertain. À l’inverse le tuning, qui répond continuellement aux chants de la nouveauté par d’inlassables modifications, évolue selon les canons en vigueur. Si le chaînon que Samir Mougas nous propose est bien manquant, il n’en est pas moins pensable. Mais pour cela encore faut-il accepter de suivre la logique teintée de fantasmes qui guide l’artiste dans un univers où les barrières entre les genres n’existent pas. Car contrairement au goût pour l’étrange que nécessite l’acceptation de la rencontre entre une machine à écrire et un parapluie, pour accepter d’établir un lien entre un (ou une) limule et un aileron, probablement faut-il avoir intégré une forme de crédulité qui autorise à manipuler le jeu et le bricolage comme une forme de relation au monde.

Samir Mougas, Trout Farm, à 40mcube, Rennes, du 25 avril au 18 juillet 2009

Légende :
Samir Mougas, Un Chaînon manquant, 2009. Production 40mcube. Courtesy de l’artiste


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