Anthony McCall, « Solid-Light Works »
Les Abattoirs, Toulouse, du 22 février au 5 mai 2013
La lumière a depuis toujours exercé son pouvoir de fascination sur l’homme. Par sa nature immatérielle, elle a attiré l’attention de philosophes et d’artistes qui ont illustré sa dimension spirituelle et symbolique.
Les installations lumineuses d’Anthony McCall, que l’artiste définit sobrement comme des « œuvres de lumière solide », suscitent le même sentiment d’envoûtement silencieux qu’autrefois les vitraux gothiques. Dans la première salle d’exposition du sous-sol des Abattoirs, trois cônes lumineux, à l’intérieur desquels la lumière est « solidifiée » à travers une fine fumée qui sature la pièce, projettent à même le sol des halos circulaires au milieu desquels se dessinent des compositions abstraites de lignes de lumière blanche. Le regardeur est attiré vers ces faisceaux lumineux et c’est grâce à cet unique éclairage qu’il parvient à percevoir l’espace environnant ; l’ampleur de la salle, d’une hauteur d’une vingtaine de mètres, n’est en fait perceptible qu’après quelques minutes d’adaptation au noir. La taille monumentale des trois installations évoque les vitraux médiévaux. C’est en continuant vers les salles suivantes qu’il devient de plus en plus évident que la perception, au-delà d’une simple implication visuelle, se joue aussi dans la durée. Et à mesure que l’on pénétre les zones de lumière, cette impression s’amplifie. Au sol, les lignes lumineuses projetées changent en effet de position, dessinant des formes sans cesse différentes. Les faisceaux de lumière, se resserrant ou s’éloignant, ponctuent l’ambivalence entre matérialité et dématérialisation. Le son vient ensuite s’ajouter à deux des quatre installations successives, présentées dans des salles différentes et disposées à l’horizontale, avec un effet descriptif finalement superflu.
Si l’artiste a affirmé que ses solid light works sont issus d’une réflexion presque anodine sur les outils du cinéma (quand on se trouve dans une salle obscure, en se retournant, on se rend compte qu’« il se passe quelque chose là derrière »), c’est surtout au climat expérimental de l’art américain des années soixante et soixante-dix qu’ils s’apparentent. La lumière, dans les œuvres d’Anthony McCall, devient un médium à part entière : elle abandonne son rôle utilitaire (l’éclairage des expositions, par exemple) pour constituer le matériau même de l’œuvre d’art. En ce sens, ses sculptures évoquent les formes d’art dématérialisé typiques des néo-avant-gardes américaines, se situant à la croisée de l’art conceptuel, de l’art minimal et de l’art informel. On y lit aussi un intérêt pour le mouvement et la perception, commun à quelques expériences de l’art cinétique européen et notamment de l’italien Gruppo T (années soixante).
L’attention à l’image projetée ainsi qu’au dispositif de projection, à l’acte d’observer ainsi qu’à l’objet observé, placent le regardeur au centre de ces installations. L’annulation de la matérialité de l’œuvre et le changement de perspective liés aux déambulations du regardeur renvoient directement à une forme de sculpture ouverte et pénétrable.
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- Du même auteur : Guillaume Pinard, Vandale, Stéphane Calais, Une grammaire,
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