Néon, who is afraid of red, yellow and blue ?

par Laure Jaumouillé

Watt else ?

Depuis le 17 février dernier, la Maison Rouge présente une exposition intitulée Néon, Who’s afraid of red, yellow and blue ? Celle-ci interroge l’usage du néon dans l’art des années 1940 à nos jours, émettant l’hypothèse d’une poésie contemporaine sous-jacente à l’emploi de ce médium. L’ère du néon fût celle des Trente Glorieuses, dont l’effervescence a laissé place à une pâle lueur. Alors même que la spécificité technique du néon ne jouit plus de l’éclat du nouveau – l’invention datant de 1912 -, son usage dans l’art ne cesse de s’étendre depuis les années 1960.

Néon, Who’s afraid of red, yellow and blue ? a le mérite de cristalliser l’ambivalence du néon dans le champ artistique, « entre impérialisme de la réclame et liberté des clameurs »[1]. Martial Raysse opère le nivellement inédit de la publicité, des loisirs et de la peinture (Snack, 1963), tandis que des artistes plus contemporains, comme Eric Michel, écrivent au néon le potentiel déclamatoire de leur médium (La lumière parle, 2008). En soulignant la tension entre source lumineuse et lumière émise, l’exposition révèle ce par quoi le néon fait œuvre. Avec General Electric Cool White 17-inch (2010), Adam McEwen désigne les qualités plastiques du néon, privé de sa fonction première. Carlos Cruz-Diez préfère irradier l’espace de couleur pour rendre perceptibles les propriétés physiques de la lumière (Chromosaturation, 1965-2011).

Si l’exposition se déploie selon neuf chapitres – historiques, thématiques ou encore métaphoriques -, le parti pris curatorial de David Rosenberg est bien celui de la prolifération et du display. Ainsi, l’attraction de l’enseigne lumineuse et la séduction sensorielle de la lumière se feraient l’écho de l’usage originel du néon dans un contexte urbain et marchand[2]. L’expérience esthétique se heurte à la juxtaposition relativement indifférenciée de ces œuvres de même nature – et pourtant d’une variété infinie. Un tel nivellement séduit autant qu’il dérange. Si ce dernier convient à souligner la démarche d’artistes comme Martial Raysse ou Bruce Nauman, il atteint ses limites lorsqu’il s’agit de présenter l’injonction au rêve de Claude Lévêque (Rêvez !, 2008) ou encore l’Eclipse de Cerith Wyn Evans (2005).

L’exposition introduit en outre un rapport des plus ambigus à la notion de halo. Malgré la réticence affirmée de David Rosenberg à se référer à l’histoire de la peinture, il est difficile de ne pas souligner l’évocation du sous-titre de l’exposition – Who’s afraid of red, yellow and blue ? –, clin d’œil de l’artiste Maurizio Nannuci à un tableau célèbre de Barnett Newman. Ici, le halo lumineux ferait rejaillir l’aura de la peinture moderniste. Et ce, alors même que Dan Flavin commençait à employer le tube fluorescent pour se démarquer de l’expressionnisme abstrait, réalisant des icônes « muettes, anonymes et sans gloire »[3]. Pourtant, au terme du parcours, la présence auratique du néon s’annule par sa démultiplication dans l’espace, pour se fondre dans l’éblouissement.

Pierre Malphettes, La fumée blanche, 2010 © Pierre Malphettes Courtesy the artist and Kamel Mennour, Paris. Au deuxième plan : Bertrand Lavier, Ifafa V (Stella), 2008 Courtesy Galerie Yvon Lambert, Paris © Marc Domage

 

L’exposition Néon, Who’s afraid of red, yellow and blue ? signe l’intronisation muséale du néon comme médium et sujet de l’œuvre d’art – en témoigne l’œuvre magistrale de Joseph Kosuth, désignant le néon par sa propre lumière (Neon, 1965). Pourtant, son accrochage laisse perplexe quant au dénominateur commun à la diversité des œuvres présentées.

 

néon, who’s afraid of red, yellow and blue ?

La maison rouge. 17 février – 20 mai 2012

commissariat David Rosenberg

 

 

 

 


[1] MIRANDA Luis de, Cent ans de fluoritude, in Le néon dans l’art des années 1940 à nos jours, catalogue de l’exposition Néon, Who’s afraid of red, yellow and blue ?, La Maison Rouge, Archibooks, Paris, 2012, p.22.

[2] Du point de vue strictement physique de la lumière, on observe une interférence maximale des œuvres les unes avec les autres, chaque néon irradiant l’œuvre voisine.

[3] FLAVIN Dan, Les pionniers, in Le néon dans l’art des années 1940 à nos jours, catalogue de l’exposition Néon, Who’s afraid of red, yellow and blue ?, La Maison Rouge, Archibooks, Paris, 2012, p.30.


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