Variations sur le paysage

par Nicolas Giraud

Géométrie Variable. Parc des Crayères, Reims, 17 mai 30 juin 2013

Déployée à Reims dans le parc du domaine des Crayères, l’exposition Géométrie variable instille une incertitude dans la déambulation du visiteur. Les œuvres choisies par Baron Osuna prennent à contre-pied le modèle traditionnel du parc de sculptures où les œuvres rivaliseraient avec le paysage pour s’imposer au regard. Ici, les pièces s’immiscent dans le lieu, frôlant l’indiscernable, comme les pieds de rosier réalisés en résine et disposés par Dominique Ghesquière ou les pierres artificielles de Soshi Matsunobe semées dans le parc pour s’y fondre.

Le parcours introduit le doute, les pièces sont insérées dans le paysage et plusieurs d’entres elles, à l’image du lampadaire brisé de Kristof Kintera, provoquent une rupture dans la chaîne causale. La performance de Guillaume Leingre, le soir du vernissage, pourrait être le point de cristallisation de ce processus. Sur le court de tennis construit au fond du parc, l’artiste accompagné d’une poignée d’assistants vient déployer un rouleau de papier photographique. Exposé à la lumière, tendu d’une extrémité à l’autre du terrain, le papier s’irise lentement, tandis que les acteurs de la performance se tiennent vacants, spectateurs d’une réaction chimique à peine perceptible.

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Guillaume Leingre, "Dépense improductive", 2013. Court de tennis, papier photosensible noir et blanc, 30 x 1,27 m, figurants, bûches. © Nicolas Giraud. Courtesy of the artist and Super Window Project 

Guillaume Leingre, « Dépense improductive », 2013. Court de tennis, papier photosensible noir et blanc, 30 x 1,27 m, figurants, bûches. © Nicolas Giraud. Courtesy of the artist and Super Window Project 

Si la performance résonne élégamment avec la partie de tennis invisible qui clôt Blow-Up d’Antonioni, le lien se noue en deçà d’une littéralité citationnelle. L’image du terrain et l’appareillage photographique se neutralisent et c’est dans le suspens de l’action que le dispositif fait retour. En enveloppant le court de tennis dans la performance, Guillaume Leingre pointe le principe de contagion qui se transmet des œuvres au paysage et du paysage au visiteur. Il fait ressortir cette notion d’emprunt de paysage que l’on retrouve dans les jardins Chinois et Japonais et que Baron Osuna met en œuvre dans l’exposition.

De cette même philosophie du jardin ou retiendra le jeu savant, des artistes comme des concepteurs de jardins, entre le construit et l’accidentel, rappelant que le domaine des Crayères fut créé de toutes pièces, et pensé comme un paysage clos qui oblitère la ville qui l’entoure. Selon le même principe, Géométrie variable joue de cette idée d’artificiel, de la terre brûlée d’Aurélie Pétrel à la plaque conçue par Shqipe Gashi, les œuvres contaminent, chacune à leur manière la matière et l’idée d’un paysage construit.

Avec des œuvres de Carl Andre, Tom Burr, Franziska Furter, Shqipe Gashi, Dominique Ghesquière, Louise Hervé & Chloé Maillet, Erika Hock, Kris Kimpe, Kristof Kintera, La Ville Rayée, Guillaume Leingre, Soshi Matsunobe, Mathieu Mercier, Sandrine Pelletier, Aurélie Pétrel, Kilian Rüthemann, Christian Sampson, Élodie Seguin, Koki Tanaka, Morgane Tschiember, LG Williams / Estate of LG Williams


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